L'exécution du jugement constitue comme la ligne de crête du droit judiciaire privé, l'aboutissement de l'œuvre juridictionnelle d'une part, l'expression de l'imperium du juge de l'autre ; le glaive après la balance.
C'est tout du moins ce que présuppose Loïc Cadiet dans son article paru dans les Mélanges Julien, et repris par M. Magendie dans son rapport Célérité et qualité de la justice au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice en date du 15 juin 2004.
Fort de cette définition, il ne peut que paraître paradoxal l'existence dans notre droit positif de principes imposant la possibilité de n'appliquer les effets de l'exécution d'un jugement qu'après certains événements, qu'après épuisement de certaines conditions.
Ainsi, au terme de l'article 501 du Nouveau Code de Procédure civile, le jugement n'est exécutoire qu'à partir du moment « où il passe en force de chose jugée ».
Que signifie alors cette expression ? L'article 500 du même code nous éclaire en disposant qu'il s'agit du jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.
Parmi ces recours, figurent l'appel et l'opposition ; seconde hypothèse que nous n'étudierons pas ici, et ce dans le respect strict des termes du sujet.
Il nous faut donc parler du cas particulier de l'exécution du jugement frappé d'appel.
L'appel, voie de recours ordinaire de droit commun de réformation ou d'annulation d'un jugement rendu en première instance possède effectivement, au terme de l'article 539 du Nouveau Code de Procédure Civile, un effet suspensif tant lors de son délai que pendant son exercice.
Reste à comprendre l'opportunité de cet effet. Il apparaît que c'est selon un soucis d'équilibre des parties et de protection du débiteur, de la partie perdante, que celui-ci a été instauré, permettant en effet ne pas se voir appliquer une solution encore incertaine ou tout du moins réformable ou annulable.
Cependant, et comme le veut souvent la logique juridique française, le Nouveau Code de Procédure Civile prévoit des exceptions à cette même réserve que constitue l'effet suspensif de l'appel.
En effet, la considération des intérêts légitimes de la partie gagnante, dont le droit a été jugé bien fondé, peut conduire, exceptionnellement, à l'execution provisoire du jugement prononcé, et, parfois même, par principe, à son exécution immédiate.
Il semble de plus que cette dérogation soit finalement assez utilisée voire imposée tant par les juges que par la loi elle-même.
La question se pose alors de savoir si le droit positif de l'exécution reste judicieux dans sa complexité ou si il n'apparaîtrait pas opportun de le modifier voire de le bouleverser afin de le perfectionner ?
Cette problématique a par ailleurs été déjà envisagée de nombreuses fois à travers de diverses propositions de réformes, et notamment visant à projeter d'inverser le mécanisme juridique en rendant l'exception d'exécution provisoire systématique et en reléguant le principe de l'effet suspensif à la singularité.
Mais cet ambitieux projet -dont la plus récente manifestation figure dans le rapport de M. Magendie au Garde des Sceaux sur la célérité et la qualité de la justice du 15 juin 2004- destiné à améliorer le droit actuel est-il aussi pertinent que ses rédacteurs veulent bien le laisser croire ?
Il nous appartiendra alors dans ce devoir de répondre à ces deux interrogations finalement complémentaires et de montrer, dans un premier temps, en quoi le droit positif de l'exécution du jugement frappé d'appel reste incohérent et perfectible (I), puis, dans un second temps, de souligner que le projet de réforme pour l'exécution immédiate systématique semble certes réparatrice mais non salvatrice (II).
[...] L'appel, voie de recours ordinaire de droit commun de réformation ou d'annulation d'un jugement rendu en première instance possède effectivement, au terme de l'article 539 du Nouveau Code de Procédure Civile, un effet suspensif tant lors de son délai que pendant son exercice. Reste à comprendre l'opportunité de cet effet. Il apparaît que c'est selon un soucis d'équilibre des parties et de protection du débiteur, de la partie perdante, que celui-ci a été instauré, permettant en effet ne pas se voir appliquer une solution encore incertaine ou tout du moins réformable ou annulable. Cependant, et comme le veut souvent la logique juridique française, le Nouveau Code de Procédure Civile prévoit des exceptions à cette même réserve que constitue l'effet suspensif de l'appel. [...]
[...] Dans ce cas, et cela rejoint le développement précèdent, le législateur pourrait prévoir une inversion du système et suivre les recommandations des projets sur l'exécution immédiate en supprimant purement et simplement l'effet suspensif de l'exécution, mais en prévoyant en parallèle une structure comprenant des conditions uniques, des critères rigoureux et adaptés et des moyens d'appel sérieux pour limiter l'exécution immédiate devenue principe. C'est donc à partir de cette conclusion que nous aborderons, en deuxième lieu, la question de l'opportunité de la réforme proposée par le rapport de M. Magendie. Il semble que la solution envisagée dans sa totalité ait une efficacité certaine quant aux écueils abordés précédemment, mais qu'elle apporte, à son tour, des incohérences et difficultés nouvelles. II. [...]
[...] Il ne faut pas, en effet, négliger que la justice civile reste celle des conflits mineurs et matériels entre particuliers. Les« parties terme procédural signifiant les personnes physiques ou morales, privées ou publiques engagées dans une instance judiciaire, désigne, en réalité, dans la plupart des cas, des personnes, êtres humains, venues devant la justice avec une attente de juste mais surtout d'accalmie. Le procès pour ces personnes est une aventure bien souvent unique, impressionnante, aux enjeux colossaux à leur échelle. [...]
[...] En deuxième lieu, et toujours concernant la nécessaire réponse rapide de la justice, il semble que le nouveau dispositif rende au droit de l'exécution ses grandes valeurs et principes, son objectif primordial : la revalorisation du titre exécutoire. Le titre exécutoire est un acte fort permettant d'engager une procédure civile d'exécution. Qu'il s'agisse d'une décision exécutoire d'un juge ou d'un acte notarié, il doit être respecté et doit conserver sa valeur. Il est tout à fait logique que le créancier qui en possède un soit privilégié, et puisse le faire valoir immédiatement sans trouver d'obstacle à cela, parfois crée par la mauvaise foi de son adversaire. [...]
[...] En guise de conclusion, et pour souligner l'ironie que soulève ce débat, notons finalement l'adoption, le 29 décembre 2005, d'un Décret relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom, qui, en son article 47, semble malgré tout s'engager dans la voie critiquée, celui-ci prévoyant en effet la modification de l'article 526 du NCPC en un article 525-1 disposant que Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision Comment dès lors, ne pas présumer, contrairement à ce qu'il est préconisé dans ce devoir, que le législateur ne cède pas, à terme, aux recommandations sur l'exécution immédiate ? Bibliographie indicative Nouveau code de procédure civile : Édition 2008 Ed. Dalloz Procédure civile de Jean Vincent, Serge Guinchard Ed ; Dalloz Écrits. Études et notes de procédure civile de Motulsky Ed. [...]
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