« Qui dit contractuel, dit juste », faisait remarquer Alfred Fouillée et ce principe irrigue encore aujourd'hui le droit français des obligations dans lequel on ne trouve nulle trace d'un principe général d'équilibre économique du contrat.
Le contrat est la chose des parties, l'importance accordée à l'autonomie de la volonté implique que les parties puissent choisir de se soumettre à la loi créée par elles dès lors qu'elle respecte certaines conditions. Or, aucun texte de portée générale n'impose l'équilibre des prestations. L'existence d'un équilibre au moment de la formation du contrat n'est pas de l'essence du contrat dont le contenu est fixé librement par les parties et, mieux encore, ce qui a été décidé n'est pas susceptible - en principe - de modification ultérieure par le juge.
Un contrat peut être considéré comme économiquement équilibré lorsqu'il comprend des prestations réciproques objectivement équivalentes. La lésion est sans doute le paradigme du déséquilibre contractuel en ce qu'elle est définie comme « le préjudice que subit l'une des parties au contrat [...] du fait de l'inégalité originaire des prestations réciproques ». Si l'action en rescision pour lésion permet de sanctionner un contrat gravement déséquilibré, elle n'est admise que de manière très ponctuelle en droit positif et demeure une exception à la règle selon laquelle un contrat n'a pas à être objectivement équilibré (article 1118 du Code civil : « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes »).
[...] Les vices du consentement n'ont donc pas pour finalité de contrôler l'équilibre économique du contrat de sorte que leur réglementation n'y est pas non plus adaptée. Néanmoins, en l'absence d'autre moyen global de sanctionner un contrat déséquilibré, ils sont parfois paradoxalement le seul moyen d'appréhender le déséquilibre économique du contrat. II. La possibilité de contrôler indirectement l'équilibre économique du contrat via les vices du consentement Si la nullité du contrat prononcée sur le fondement d'un vice du consentement n'a pas pour objectif de contrôler l'équilibre économique du contrat, il peut néanmoins advenir que la présence d'un vice du consentement permette d'appréhender un déséquilibre contractuel qui n'aurait pu l'être en l'absence de consentement vicié. [...]
[...] Les parties étant les meilleurs juges de leurs propres intérêts, le contrat est a priori équilibré et, ni le législateur, ni le juge ne s'immiscent dans cette appréciation subjective de l'équilibre souhaité par les parties. On peut considérer que l'équilibre porté par le contrat est effectivement souhaité par les parties lorsque le consentement de ces dernières à la conclusion du contrat est libre et éclairé. Dès lors, le droit devient indifférent à l'équilibre ainsi crée. La théorie des vices du consentement posée par les articles 1109 et suivant du Code civil vient s'assurer de l'intégrité du consentement émis, mais ne préjuge en rien de l'équilibre contractuel envisagé. [...]
[...] Il appartient donc aux parties de faire entrer la question de la rentabilité économique de l'opération et donc de l'équilibre économique du contrat— dans le champ contractuel en en faisant une condition de leur engagement. L'erreur sur la rentabilité pourra alors conduire à la nullité du contrat. Malgré le renouvellement de la conception des vices du consentement permettant d'appréhender un déséquilibre contractuel, ce déséquilibre reste sanctionné par la nullité sans qu'il soit possible pour le juge de rééquilibrer le contrat. [...]
[...] La solution qui avait déjà été adoptée par la chambre commerciale le 14 mars 1972 qui avait estimé que les acquéreurs pouvaient invoquer le dol pour conclure seulement à une réduction du prix Cette tendance jurisprudentielle a conduit la doctrine à parler d'une réfaction pour dol qui conduit, ni plus ni moins, à ce qu'un contrat soit maintenue dans d'autres conditions que celles initialement prévues par les parties. La solution s'apparente fort à un rééquilibrage judiciaire du contrat. Dans un arrêt rendu le 7 juin 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation avait déjà reconnu qu'une action fondée sur l'article 1116 du Code civil pouvait viser l'octroi de dommages-intérêts et non la nullité du contrat pourtant vicié. [...]
[...] En tant que vice du consentement, il justifie l'annulation du contrat (article 1116 du Code civil). En tant que délit civil, il justifie l'octroi de dommages et intérêts (article 1382 du Code civil). Cependant, la Cour de cassation semblait admettre, à l'occasion de cet arrêt, la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts sur le fondement du dol pris en tant que tel, c'est-à- dire sur le fondement de l'article 1116 du Code civil et non sur celui de l'article 1382 du Code civil. [...]
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