En marge de tout texte, et dès le milieu du XIXe siècle, la jurisprudence a développé un régime particulier, applicable en cas de troubles anormaux de voisinage. L'idée de base est que lorsque les troubles causés par les relations de voisinage atteignent un niveau anormal, la personne à l'origine de ces troubles engage sa responsabilité envers les victimes de ces troubles. Comme l'énonce un attendu désormais classique : « l'exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage ».
La doctrine s'est beaucoup interrogée sur ce régime, et notamment sur son fondement. Pendant longtemps, on a tenté de rattacher cette responsabilité à la faute, puisqu'il était difficilement admissible que la jurisprudence fondât une responsabilité sans faute indépendamment de tout support textuel, même symbolique. Et d'ailleurs, pendant longtemps, la Cour de cassation rattachait la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage à l'article 1382 du Code civil. Mais la faute à l'origine de cette responsabilité est vite apparue virtuelle, du moins dans de nombreux cas. Il est aujourd'hui manifeste que cette responsabilité est une responsabilité sans faute. D'ailleurs, la Cour de cassation ne vise plus l'article 1382, mais le principe général du droit selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». On a donc là un exemple manifeste de création jurisprudentielle du droit en matière de responsabilité.
Ce régime de responsabilité est difficile à classer, puisqu'il ne repose sur aucun texte. On discute sur le point de savoir si ce régime relève du droit commun. Mieux vaut y voir, à notre sens, un régime spécial, car son régime est particulier et son champ d'application très restreint. À vrai dire, la question a un intérêt limité. Une autre question se pose, relativement à la branche du droit dont relèvent les troubles anormaux de voisinage : droit des biens, ou droit des obligations ? Traditionnellement, les troubles anormaux de voisinage étaient souvent étudiés avec le droit de propriété, et même avec la propriété immobilière, car ils concernent les troubles liés à la jouissance d'un fonds immobilier. Cela étant, on considère aujourd'hui qu'ils relèvent d'abord du droit des obligations, ne serait-ce que parce qu'ils peuvent être utilisés pour la résolution de problèmes qui ne sont pas directement liés à la propriété, comme celui des dommages causés à l'environnement.
Nous allons envisager tout d'abord le domaine de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, puis le régime de cette responsabilité et enfin la question des rapports entre ce régime et le droit commun (...)
[...] DROIT CIVIL - LES OBLIGATIONS LES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RESPONSABILITÉ : La responsabilité pour troubles anormaux de voisinage Introduction. En marge de tout texte, et dès le milieu du XIXe siècle, la jurisprudence a développé un régime particulier, applicable en cas de troubles anormaux de voisinage. L'idée de base est que lorsque les troubles causés par les relations de voisinage atteignent un niveau anormal, la personne à l'origine de ces troubles engage sa responsabilité envers les victimes de ces troubles. [...]
[...] La réceptivité particulière de la victime est également indifférente. Ce qui compte, c'est le caractère objectivement anormal du trouble. Si la victime témoigne d'une susceptibilité ou d'une irritabilité anormales, tant pis pour elle. Le caractère anormal du trouble doit donc s'apprécier in abstracto, et non in concreto. III) Les rapports de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage avec le droit commun de la responsabilité civile Il est clair aujourd'hui que la responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage est autonome par rapport aux autres régimes de responsabilité. [...]
[...] On observe une tendance à l'élargissement du cercle des débiteurs potentiels. Finalement, ce sont tous les voisins même occasionnels, qui sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage. B. Le domaine quant aux troubles Tout dommage causé à un voisin ne constitue pas un trouble de voisinage, susceptible d'engager la responsabilité du propriétaire ou de l'occupant du fonds voisin. Pour qu'il s'agisse d'un trouble, au sens où l'entend la jurisprudence, il faut une gêne ayant un caractère continu ou au moins répétitif. [...]
[...] Mais il faut que le trouble soit anormal. Ce n'est donc pas tout dommage lié au voisinage qui est source de responsabilité. Les tribunaux repoussent fréquemment des demandes d'indemnisation en estimant que les troubles subis n'excèdent pas les inconvénients normaux de voisinage. L'appréciation du caractère anormal du trouble relève du pouvoir souverain des juges du fond. Mais la Cour de cassation exerce un certain contrôle sur les éléments pris en compte pour apprécier l'anormalité. Parmi ces éléments, il y a l'intensité et la durée du trouble. [...]
[...] Ainsi, un bruit intense qui ne dure pas ne constituera sans doute pas un trouble anormal de voisinage, alors qu'un bruit sourd et durable pourra être qualifié de trouble anormal de voisinage. Les circonstances de lieu sont aussi à prendre en compte. À la campagne, il faut compter avec certains bruits ou nuisances qui sont normaux dans ce contexte, et qui ne le seraient pas en ville (bruits de basse-cour, par exemple). L'inverse est également vrai. Il faut également tenir compte de ce que l'on nomme la pré-occupation : la jurisprudence a toujours admis que l'on devait s'attacher à l'état d'occupation collective antérieure à l'installation de la victime du trouble pour juger de l'anormalité de celui-ci. [...]
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