Le sexe est un élément de l'état civil: il fait partie de ces éléments qui concourent à individualiser chaque personne dans la société. C'est, à l'origine tout du moins, un élément d'ordre biologique, un critère naturel, une particularité physique. Une analyse couramment admise aujourd'hui distingue dans le sexe diverses composantes: chromosomique (ou biogénétique), morphologique (ou anatomique), hormonale, psychologique, psychanalytique, sociale (de comportement). En contraste avec le sexe chromosomique, qui paraît immuable, comme avec le sexe morphologique, qui ne peut véritablement être inversé, les autres éléments sont évolutifs et même susceptibles de modification par la volonté de la personne. D'après le Doyen Jean Carbonnier, le sexe est une notion complexe, où « l'on discerne des composantes physiologiques, psychologiques, sociales qui ne sont pas fixées à la naissance », de sorte qu'un individu peut éprouver un jour le sentiment profond d'appartenir à l'autre sexe, dont il cherchera peut-être à prendre l'apparence corporelles grâce à la médecine et à la chirurgie, ce qui correspond au « phénomène (pathologique) du transsexualisme ». Le transsexualisme serait ainsi caractérisé par une discordance entre le sexe physique apparent, déterminé génétiquement et hormonalement, et le sexe psychologique, le sujet ayant le sentiment profond et irréversible d'appartenir au sexe opposé et éprouvant le besoin intense et constant de changer de sexe et d'état civil en vue de sa réinsertion sociale dans le sexe opposé. Le transsexualisme fait donc aujourd'hui l'objet d'un large consensus et se définit comme « le sentiment éprouvé pas un individu normalement constitué d'appartenir au sexe opposé avec désir intense et obsédant de changer d'état sexuel, anatomie comprise, pour vivre sous une apparence conforme à l'idée qu'il s'est faite de lui-même » . Or, le sexe est un élément de l'état civil des personnes physiques, inscrit dans l'acte de naissance (article 57 du Code civil): il est l'un des éléments des personnes, il marque l'appartenance à l'une des deux moitiés du genre humain et est donc régi par le droit. Ainsi l'on peut se demander dans quelle mesure le droit a-t-il évolué en ce qui concerne le phénomène du transsexualisme? Dans quelle mesure un phénomène « physique » et « psychologique » a-t-il eu des conséquences juridiques? Si l'admission juridique du phénomène physique du transsexualisme est aujourd'hui réelle, des problèmes juridiques liés aux conséquences du transsexualisme subsistent toujours.
[...] En effet, des transsexuels saisirent la Cour en invoquant les articles alinéa et 12 de la Convention, le premier texte concernant le droit au respect de la vie privée, le second le droit de se marier. Le bien-fondé de ces références était contestable: l'article alinéa 1 n'impose pas l'attribution au transsexuel d'un sexe qui n'est pas en réalité le sien; et l'article 12 vise le mariage, c'est-à-dire l'union traditionnelle entre deux personnes de sexes biologiques différents. Au sujet de requêtes formées par des transsexuels contre le Royaume-Uni, la CEDH avait d'ailleurs décidé que le refus d'admettre un changement d'état du transsexuel n'était pas contraire à l'article 8 alinéa 1 de la Convention (CEDH oct Rees Royaume-Uni; 27 sept Cossey Royaume-Uni; 30 juillet 1998, Sheffield et Horsham Royaume-Uni). [...]
[...] En ce qui concerne sa situation présente, au moment du changement de sexe, se pose la question du devenir du lien conjugal si la personne était et l'on suppose qu'il est encore mariée. En effet, le mariage étant a priori valable, il ne devient pas nul du seul fait du changement de sexe puisque la modification de la mention du sexe à l'état civil est une action d'état, à ce titre non rétroactive, et que la condition de la différence des sexes était donc respectée au jour du mariage. [...]
[...] Sciences morales et politiques, PUF 2002, p. la caducité du mariage emporterait disparition de ce dernier, pour l'avenir seulement. L'autre question essentielle concerne la situation des enfants du transsexuel, qui ne peut être modifiée du fait du changement de sexe de leur auteur qui conserve à leur égard son sexe d'origine et à partir de celui-ci sa qualité de père ou de mère, même si le changement peut avoir des conséquences quant à l'exercice de l'autorité parentale. Ainsi, dans l'arrêt rendu à Paris le 2 juillet 1998, il est considéré que l'acte de naissance rectifié de l'homme devenu femme n'a pas, tout de même, d'effet rétroactif, il est constitutif d'un nouvel état; en conséquence, il n'y a pas lieu de rectifier l'acte de naissance du fils que le transsexuel avait eu antérieurement, ce qui l'eût fait apparaître comme né de deux femmes. [...]
[...] S'il certaines refusaient la rectification (Paris janvier 1974; Paris févr avec toutefois le changement de prénom; Versailles mai 1987), d'autres l'accueillaient très franchement (Toulouse oct. 1978; Paris nov arrêts; Agen févr. 1983; trib. Paris juillet 1985; Paris avril 1988). La Cour de cassation, très tôt, avait dit non, en invoquant l'indisponibilité de l'état (Civ déc. 1975). Résultat d'un choix délibéré, la transformation physique ne saurait être suivie d'un changement d'état civil, car cela heurterait l'ordre public. L'argument n'était pas sans réplique puisque l'indisponibilité de l'état n'équivaut pas à son immuabilité. [...]
[...] Montchrestien 12e éd. Granet, Frédéric: Actes de l'état civil. Fascicule JC Civil Code Icard, Philippe: Transsexualisme: un droit d'accès au mariage protégé par la CJCE. D p Leborgne, Anne: Arrêt Goodwin Royaume Uni: les juges de Strasbourg disent oui au mariage des transsexuels. In: revue juridique Personnes et Famille n°11. Malaurie & Aynès: Droit civil, Les personnes, Les incapacités. Répertoire Defrénois 2e éd. Mazeaud, H. [...]
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