subjectivisation de la cause, préjudice moral, réparation intégrale, réparation d'un préjudice, dommages et intérêts, intérêt patrimonial, dommages extrapatrimoniaux, article 1240 du Code civil, Appréciation de la faute, victime par ricochet, préjudice d'anxiété
De fait, dans le langage courant, le préjudice peut être assimilé à l'atteinte à une personne, à ses biens, à ses intérêts, le rapprochant ainsi du dommage. Néanmoins, juridiquement, le préjudice correspond aux conséquences que pourrait avoir cette atteinte, ce dommage, sur une personne. Ainsi le terme fait donc en réalité référence à toute lésion d'un intérêt patrimonial ou extrapatrimonial subi par une personne et pouvant consister en une perte ou un gain manqué. En effet, le préjudice peut être patrimonial, matériel, c'est-à-dire qu'il concerne toute atteinte aux intérêts économiques de la victime, cela peut être une atteinte à ses biens, à son patrimoine, ou bien encore aux couts des soins suivant un dommage corporel, ce préjudice est facilement quantifiable, et n'attise, en la matière, peu de débats doctrinaux. A contrario, l'autre type de préjudice et le préjudice moral ou extrapatrimonial quant à lui très abstrait, le terme moral lui-même est insaisissable, car peut faire référence aux moeurs, aux règles admises et pratiquées en société, ou encore peut être un objet philosophique, mais encore peut correspondre à l'esprit, à la pensée, aux sentiments d'une personne avec le terme moral caractérisé ici par son opposition au matériel.
[...] Ainsi, cet article dont l'écriture et le principe reste inchangés depuis la promulgation par Napoléon Bonaparte de son Code civil en 1804, dans un système judiciaire ou l'interprétation des juges est prédominante surtout dans le cas d'articles généraux, a été interprété, complété, et évolué par la jurisprudence, qui en a fait l'article le plus connu du Code civil. C'est dans ce sens que la Cour de cassation dans un arrêt du 22 février 1923 affirme le principe selon lequel l'article 1382, aujourd'hui 1240 du Code civil vise en plus du préjudice patrimonial, le préjudice extrapatrimonial, moral. [...]
[...] En effet, la cour criminelle le 3 avril 1978 et la 2e chambre civile de la Cour de cassation dans deux arrêts du 22 février 1995 mettent en avant le fait que l'état végétatif d'une personne humaine n'exclut aucun chef d'indemnisation, avec un préjudice moral qui doit être réparé, non pas selon le point du vu personnel de la victime, mais selon une évaluation objective des juges. Ainsi, ils apprécient le préjudice en comparant la situation de la victime inconsciente avec celle d'une personne « normale ». Alors que la chambre civile favorisait une appréciation subjective, son ralliement à celle objective permet un jugement en équité et une réparation qui aurait été impossible par une appréciation subjective. [...]
[...] Alors que la chambre civile la regroupait avec les autres souffrances telles que celles physiques dans une sorte de préjudice global et objectif, la chambre mixte de la Cour de cassation dans son arrêt du 25 mars 2022 s'est ralliée à la position de la chambre criminelle en le rendant autonome, avec un arrêt du même jour créant lui aussi une distinction pour le préjudice d'inquiétudes et d'attentes des proches d'une victime décédée. Ainsi, une nouvelle fois cette approche subjectiviste permet de se rapprocher au mieux de l'idée d'une réparation intégrale du préjudice. Une appréciation trop subjectiviste critiquable Bien qu'économiquement en termes de réparation pour les victimes une réparation subjectiviste puisse être intéressante, elle peut néanmoins poser problème au niveau de la morale ou encore au niveau de la sécurité juridique, par morale on entend ici les mœurs, les bonnes conduites en société. [...]
[...] Néanmoins, cette conception globalisante peut être critiquable, car négligent les situations particulières des victimes pour lesquelles la douleur peut être ressentie différemment. De plus, cette conception objective des préjudices moraux se fait aussi pour les travailleurs de l'amiante. En effet, bien qu'une loi de 1998 prévoie le versement d'une allocation pour les travailleurs de l'amiante en dressant une liste des sociétés ayant causé des dommages, la jurisprudence en complément de cette allocation, admis la réparation du préjudice d'inquiétude ou d'anxiété des travailleurs pouvant voir une maladie se déclarer à tout moment. [...]
[...] Ce caractère du préjudice moral vu comme un instrument global, favorisé par la jurisprudence, a surtout pour but de favoriser la réparation intégrale du préjudice des victimes. C'est pourquoi les juges jonglent entre une appréciation objective et subjective du préjudice moral. Par appréciation objective on entend une évaluation selon des critères préétablis, concrets, alors que celle subjective correspond plutôt à une appréciation personnelle prenant en compte les circonstances personnelles des victimes, alors que la première permet une certaine équité et égalité devant le droit, en ouvrant et facilitant la réparation de certaines victimes, ou pour certains préjudices, la deuxième serait celle qui se rapprocherait au mieux du principe de réparation intégrale du préjudice par un jugement in concreto. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture