La stipulation pour autrui apparaît comme une institution spécifique de notre ordonnancement juridique et constitue un des cas les plus typiques de formation jurisprudentielle du droit sous l'influence des besoins de la pratique. La stipulation pour autrui a connu un grand développement malgré le caractère incertain de sa nature juridique (I). Elle apparaît aujourd'hui comme une opération bilatérale soumise à des conditions de validité et produisant des effets juridiques triangulaires (II)
[...] En revanche la jurisprudence ne permet pas les stipulations pour autrui au profit de personnes futures. Elle se fonde en effet sur l'article 906 alinéa 1er du Code civil qui dispose que "pour être capable de recevoir entre vifs, il suffit d'être conçu au moment de la donation". Le législateur a assoupli cette condition en matière d'assurance par la loi du 13 juillet 1930. L'assurance sur la vie est dès lors possible même au profit des enfants à naître. La stipulation pour autrui produit en outre des effets juridiques qui doivent être envisagés dans les trois rapports en cause. [...]
[...] A cela s'ajoutent les effets de la stipulation adjointe au contrat. Le stipulant est en droit d'exiger du promettant l'exécution de l'obligation au profit du tiers bénéficiaire [ cf Civ. 1ère juillet 1956 Si celui-ci n'exécute pas son obligation envers le tiers, le stipulant pourra agir directement en justice soit pour obtenir l'exécution, soit pour faire jouer la responsabilité contractuelle du promettant. Enfin si le contrat conclu est synallagmatique (obligations réciproques) le stipulant pourra agir en résolution avec dommages-intérêts. Il pourra ainsi reprendre les prestations fournies -les primes d'assurances versées par exemple- et les dommages-intérêts compenseront le préjudice qu'il subit directement et non celui subi par le tiers bénéficiaire. [...]
[...] Selon la théorie de l'offre élaborée à la fin du XIXème siècle, la stipulation pour autrui peut être décomposée en deux contrats. Dans un premier contrat, le promettant s'engage, non envers le tiers, mais envers le stipulant, qui devient ainsi créancier de la stipulation. Puis le stipulant offre sa créance contre le promettant au bénéficiaire et l'acceptation de cette créance par le bénéficiaire forme le second contrat. La créance passe ainsi du patrimoine du stipulant dans celui du tiers bénéficiaire, mais seulement au moment de l'acceptation par ce dernier. [...]
[...] En conférant au tiers un droit contre le promettant, le stipulant gère donc ses affaires. Dès lors, l'acceptation par le tiers bénéficiaire est en réalité une ratification de la gestion effectuée par le stipulant et le bénéficiaire de la stipulation devient ainsi rétroactivement partie au contrat. Enfin, la doctrine a tenté d'expliquer la stipulation pour autrui par l'engagement unilatéral de volonté du promettant qui, à lui seul rend le promettant directement débiteur du bénéficiaire. Ces trois théories présentaient néanmoins des inconvénients majeurs: la théorie de l'offre était contraire au principe même de l'assurance sur la vie dans laquelle le bénéficiaire n'accepte la stipulation, en général, qu'après le décès du stipulant. [...]
[...] La jurisprudence, dans son dernier état admet en outre que la stipulation acceptée par un tiers puisse rendre celui-ci simultanément débiteur d'une obligation. On est donc bien loin de l'interdiction de principe de la stipulation pour autrui posée à l'article 1119 du Code civil. Une telle évolution s'explique de fait, par les besoins de la pratique, en matière d'assurances notamment, et par la construction prétorienne de la jurisprudence : celle-ci a en effet considérablement assoupli les conditions posées par les rédacteurs du Code civil, si bien qu'aujourd'hui la validité de la stipulation pour autrui n'est plus l'exception, mais la règle. [...]
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