La sécurisation du lien de filiation est un des objectifs poursuivis par l'ordonnance du 4 juillet 2005. Cela suppose de prévenir les conflits de filiation et d'encadrer les actions en contestation de la filiation. Aux termes des dispositions de l'ordonnance, les conflits de filiation semblent a priori être évités grâce au principe chronologique. Cependant, la reconnaissance prénatale d'un enfant qui naîtra d'une femme mariée pourrait encore aboutir à un conflit de paternités. Quant à l'encadrement des actions en contestation de paternité, les nouvelles dispositions devaient permettre de sécuriser la filiation tout en respectant l'abandon de la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle. La paternité hors mariage est finalement sécurisée par la réforme, de même que la paternité établie par présomption mais dépourvue de possession d'état. En revanche, la paternité « légitime » corroborée par la possession d'état apparaît fragilisée par rapport au droit antérieur.
L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a bouleversé le droit de la filiation en supprimant la distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels. L'effacement de cette distinction devait conduire à harmoniser la protection dont bénéficiaient jusqu'alors les différentes filiations. Un des objectifs essentiels de la réforme était la sécurisation de la filiation ; elle était plébiscitée par le Rapport remis au garde des Sceaux en 1999 proposant une rénovation du droit de la famille et elle est reprise par la loi habilitant le gouvernement à réformer par ordonnance le droit de la filiation. La sécurisation de la filiation, autrement dit la protection de la filiation établie contre toute remise en cause, traduit l'impératif de stabilité de l'état des personnes. Celui-ci touche à l'identité, et même, s'agissant de la filiation, à la construction de l'identité personnelle. Dès lors, il apparaît que la contestation de situations vécues peut être source d'importantes perturbations. La question de la sécurisation de la filiation devait donc être abordée, elle suppose un encadrement des actions en contestation de la filiation.
Mais le conflit de filiation peut aussi conduire à remettre en cause un lien de filiation. En effet, celui-ci suppose qu'une des filiations, encore indéterminée au stade de la création du conflit, pourra être anéantie afin d'éviter qu'un enfant puisse avoir deux pères ou deux mères. La loi d'habilitation énonçait l'objectif de « préserver l'enfant des conflits de filiation ». Les implications du conflit de filiation conduisent à ne pas le dissocier de la sécurisation de la filiation.
Un lien de filiation ne peut en effet être définitivement sécurisé que s'il est unique, s'il ne se trouve pas en conflit avec un autre et si, de surcroît, il n'est pas susceptible de faire l'objet d'une action en contestation. Afin d'apprécier l'impact réel de l'ordonnance du 4 juillet 2005 sur la sécurisation de la filiation paternelle, il est donc nécessaire d'envisager d'abord la question de la suppression des conflits de filiation (I) pour ensuite mesurer l'ampleur des restrictions apportées aux actions en contestation de la filiation (II).
[...] Il reste que, selon la législation antérieure à la réforme, le mariage ne suffisait pas à écarter l'auteur de la reconnaissance, il entraînait un conflit de filiation. La réforme aurait ici pour effet de permettre au mariage postérieur de la mère d'évincer l'auteur de la reconnaissance prénatale. Prépondérance serait donc donnée au lien de filiation établi dans le cadre du mariage. Cela ne correspond pas véritablement à l'esprit de la réforme. On peut souligner ici que la simplification du droit de la filiation peut constituer un obstacle à l'adaptation des solutions en fonction de la diversité des situations. [...]
[...] Si chaque lien de filiation est a priori considéré comme valable, on est en présence d'un conflit de filiation. Celui-ci est pourtant censé être inconcevable en application de la réforme, ce qui justifie l'abrogation de l'article 311-12 du code civil. Conformément au principe chronologique, un des deux liens de filiation ne doit pas pouvoir être établi sans que l'autre n'ait été au préalable contesté. Pourtant, dans l'hypothèse considérée, l'établissement de chacun des deux liens de filiation paternelle paraît bien conforme au texte. [...]
[...] Mais la reconnaissance a un caractère déclaratif, elle est susceptible de rétroagir de la même manière que la présomption de paternité, il apparaît donc difficile de considérer que la présomption a joué antérieurement à la reconnaissance et que celle-ci n'est donc pas valable sur le fondement du principe chronologique. C'est davantage l'article 316 qui peut permettre de considérer que le lien de filiation ne peut être valablement établi par la reconnaissance. En effet, selon l'article 316, lorsque la filiation n'est pas établie par la présomption de paternité, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité faite avant ou après la naissance. Ce ne serait donc que dans l'hypothèse où la présomption de paternité ne joue pas qu'un lien de filiation pourrait être établi par reconnaissance. [...]
[...] II - La sécurisation et les actions en contestation La sécurité de la filiation n'est acquise que lorsque celle-ci devient incontestable. Cela suppose de limiter les actions en contestation en les encadrant plus strictement. Les limitations dictées par un impératif de sécurisation portent sur les personnes autorisées à agir et les délais d'action. La sécurisation n'est pas le seul objectif recherché en matière de filiation, il faut le concilier avec d'autres et il ne serait pas acceptable de renoncer à toute action en contestation. [...]
[...] Les nouvelles règles du droit de la filiation excluraient donc toutes hypothèses de conflit de filiation. Effectivement, après la naissance, la création d'un conflit de filiation semble exclue : il faudra nécessairement contester au préalable la filiation. En outre, des dispositions ont également été adoptées en vue d'éviter que le rétablissement de la présomption de paternité ne soit l'occasion de la création d'un conflit de filiation. En effet, la présomption de paternité peut être exclue lorsque la période de conception correspond à une période de séparation légale des époux, selon l'article 313, alinéa 1er. [...]
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