Le 22 octobre 1996, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rend la première des quatre décisions formant la saga Chronopost. Il s'agit dans ce premier arrêt du cas opposant la société Banchereau à la société de transport rapide Chronopost, qui, contre un surcoût, s'engage à transporter les plis confiés en « J+1 avant 12h ». Or, les plis urgents sont remis au destinataire avec un jour de retard, et comme une clause limitative de responsabilité dans le contrat de transport limite l'indemnisation en cas de retard ou de perte au prix dont la société s'était acquittée pour le service. La société Banchereau assigne alors la société Chronopost en réparation du préjudice subi. Un arrêt de la cour d'appel de Rennes, rendu le 30 juin 1993 valide la clause du contrat et ne condamne donc pas l'entreprise de transport à payer une indemnité supérieure à celle qui était prévue par le contrat, considérant qu'il s'agissait là d'une obligation de moyens. Cependant, la Cour de cassation casse et annule cet arrêt dans toutes ses dispositions, estimant que s'il n'y a pas de faute lourde de la part du transporteur, celui-ci n'a pas respecté son obligation essentielle, et considère donc la clause limitative de responsabilité réputée non écrite. Les parties sont alors renvoyées devant la cour d'appel de Caen.
[...] La cause devient alors un instrument de contrôle sur le contrat, afin de limiter les abus contractuels, comme c'est le cas des clauses abusives, notamment lors des arrêts Chronopost, lorsque les règles régissant ces clauses ne sont pas applicables. De cette façon, le juge se voit attribuer un pouvoir de contrôle à travers cette nouvelle utilisation de la notion de cause L'apport de Henri Capitant à l'analyse unitaire La doctrine causaliste n'est pourtant pas unifiée, et il faut distinguer à l'intérieur de celle-ci deux grandes tendances, d'une part l'analyse unitaire, représentée par Henri Capitant, d'autre part l'analyse dualiste, qui admet une double fonction de la cause. [...]
[...] Cependant, la théorie de la cause n'est pas homogène, et plusieurs interprétations peuvent en être faites par le juge. De cette manière, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a élaboré une véritable jurisprudence en matière d'obligations, réinterprétant le Code civil. Afin d'étudier le rôle qu'ont eu les arrêts Chronopost de 1996 et 2002 dans l'élaboration de la jurisprudence relative à la cause, il faut donc étudier la théorie de la cause en droit français ainsi que les apports de ces arrêts (II). [...]
[...] L'apport des deux premiers arrêts Chronopost (1996 et 2002) L'expression de la cause sur le terrain de l'inexécution du contrat 1. La notion d'obligation essentielle Le premier arrêt Chronopost de 1996 donne à la cause une importance dans l'inexécution du contrat, dans la mesure où la Cour de cassation fait référence à un manquement à l'obligation essentielle du contrat spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s'était engagée à livrer les plis de la société Banchereau dans un délai déterminé, et qu'en raison du manquement à cette obligation essentielle[3] En effet, faisant référence à l'article 1131 du Code civil, et jugeant que la société Chronopost cherchait à échapper à une obligation essentielle à travers la clause limitative de responsabilité, celle-ci est réputée non écrite L'affaire est donc renvoyée au juge de fond, qui doit prendre en compte la décision de la Cour de cassation. [...]
[...] de Gouttes, premier avocat général, sur le cas Chronopost III Article paragraphe II de la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 II. - Tout contrat de transport public de marchandises ou tout contrat relatif au déménagement doit comporter des clauses précisant la nature et l'objet du transport ou du déménagement, les modalités d'exécution du service en ce qui concerne le transport proprement dit et les conditions d'enlèvement et de livraison des objets transportés, les obligations respectives de l'expéditeur, du commissionnaire, du transporteur, du déménageur et du destinataire, et le prix du transport ou du déménagement, ainsi que celui des prestations accessoires prévues. [...]
[...] Le moyen tiré de la dénaturation par les juges du fond des stipulations contractuelles est irrecevable dès lors que par l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, la cour d'appel s'est bornée à faire application de la doctrine de la Cour de cassation pour qualifier l'obligation litigieuse d'obligation de résultat. Dès lors qu'elle a décidé que la clause limitative de responsabilité figurant dans un contrat de transport pour retard à la livraison était réputée non écrite, ce qui entraînait l'application du plafond légal d'indemnisation que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec, la cour d'appel, qui décide que le contrat type messagerie est inapplicable en présence d'une obligation de garantie particulière, de garantie et de fiabilité figurant au contrat, viole l'article 1150 du Code civil, l'article paragraphe II, de la loi 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1 et 15 du contrat type messagerie, établi par décret du 4 mai 1988, applicable en la cause. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture