« L'attention des juristes a été attirée par les problèmes que pose l'empire de la jurisprudence dans le temps et ses fluctuations, d'autant plus que la rétroactivité en laquelle paraît se résumer, sous cet angle, l'efficacité propre à la jurisprudence apparaît toujours comme un phénomène anormal et inquiétant ». Cette observation, faite par M. Hébraud en 1974, est encore tout à fait d'actualité. En effet, la question des effets dans le temps de la jurisprudence, et plus précisément de la rétroactivité des revirements de jurisprudence, occupe aujourd'hui plus que jamais l'esprit des juristes, comme l'illustre le rapport Molfessis, portant sur les revirements de jurisprudence et le problème de leur application dans le temps, remis en novembre 2004 à la Cour de cassation.
La jurisprudence intervient car l'application de la loi, du règlement ou de la coutume n'est pas toujours aisée. Il arrive fréquemment que certaines situations ne soient pas prévues par ces sources du droit. Ces dernières peuvent également être imprécises ou obscures. Il revient pourtant au juge de se prononcer, sous peine de se rendre coupable d'un déni de justice (article 4 du Code civil), civilement et pénalement sanctionné (article 434-7-1 du Code pénal).
[...] Pourtant, en reconnaissant à l'autorité le pouvoir de dire le droit, c'est-à-dire de l'interpréter, il devient possible de reconnaître à la jurisprudence la qualité de source de droit. L'article 5 du Code civil énonce le principe de prohibition des arrêts de règlements. Cette précarité de la jurisprudence se conjugue avec sa rétroactivité ; en interprétant la loi, le juge ne fait que se conformer à la loi. De plus, contrairement aux lois qui n'ont point d'effets rétroactifs et ne disposent que pour l'avenir selon l'article 2 du Code civil la jurisprudence est un cas particulier dans le droit français car elle est directement rétroactive. [...]
[...] En interprétant la loi, le juge ne fait que se conformer à la loi ; il se fait le porte-parole de la loi et il est normal que la nouvelle interprétation qu'il donne de la loi soit applicable aux faits même antérieurs à sa décision, dès lors qu'ils restent postérieurs à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvellement interprétée Mais cela pose cependant un problème. En effet, comment deux mêmes faits peuvent-ils être jugés et condamnés différemment ? Cela pose bien évidemment un problème d'injustice (II). [...]
[...] A un moment, on constatera alors un revirement de jurisprudence. B Jurisprudence et évolution des mœurs Dans la suite de son discours, M. Ballot Beaupre continue : le juge ne doit pas s'attarder à rechercher obstinément quelle a été, il y a cent ans, la pensée des auteurs du code en rédigeant tel ou tel article ; il doit se demander ce qu'elle serait si le même article était aujourd'hui rédigé par eux ; il doit se dire qu'en présence de tous ces changements qui, depuis un siècle, se sont opérés dans les idées, les mœurs, dans les institutions, dans l'état économique et social de la France, la justice et la raison commandent d'adapter libéralement, humainement, le texte aux réalités et aux exigences de la vie moderne Le juge doit donc adapter la jurisprudence aux évolutions économiques et sociales. [...]
[...] C'est pourquoi les revirements de jurisprudence doivent rester exceptionnels. B Source d'insécurité juridique S'il y a revirement c'est, par définition, que la solution antérieure n'était pas satisfaisante. La réponse à ces questions est directement liée à l'article 5 du Code civil qui interdit les arrêts de règlement et qui empêche la jurisprudence d'être une source de droit formelle. Elle n'est pas une norme assimilable à la loi. Il y a une différence essentielle entre la rétroactivité de la loi et celle de la jurisprudence. [...]
[...] La question qui se pose alors est : dans quelles mesures la rétroactivité de la jurisprudence est-elle particulière ? Nous allons d'une part voir que la jurisprudence est tout à fait naturelle mais que d'autre part, elle peut être dangereuse. I - La jurisprudence : rétroactivité naturelle A L'encouragement de la rétroactivité par la loi La jurisprudence est "la parole vivante du droit" dans la mesure où le juge doit trancher le litige qui lui est soumis en adaptant la règle de droit applicable aux circonstances. [...]
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