Les victimes de dommages causés par des médicaments ou des vaccins se heurtent à des difficultés de preuve que la jurisprudence s'efforce de résoudre à leur avantage. Ainsi, la Cour de cassation reconnaît que tout défaut d'information équivaut à un défaut de sécurité. Elle admet que, même en présence d'un doute scientifique sérieux, la preuve de l'aptitude du produit à causer un dommage du type de celui dont se plaint la victime peut être administrée par des présomptions de l'homme et que la preuve de l'exposition au produit peut être suppléée par celle de l'absence de toute autre cause possible du dommage. Enfin, lorsque plusieurs fabricants ont mis simultanément sur le marché la molécule incriminée sans que soit identifié celui dont le produit a causé le dommage, elle approuve leur condamnation « in solidum ».
Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 qui a transposé en droit français la directive européenne 85-374 du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, c'est à la victime demanderesse qu'incombe en principe la totalité de la charge de la preuve lorsqu'elle agit contre le producteur sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil pour demander réparation du dommage qu'elle impute à un défaut du produit qu'il a fabriqué et mis en circulation. L'article 1386-9 du Code civil, qui reprend presque mot pour mot l'article 4 de la directive, dispose en effet que « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». Or, ce texte, qui semble a priori assez anodin, s'est en fait heurté à de graves difficultés dans son application à certains produits, en particulier les médicaments et les vaccins.
[...] La responsabilité des fabricants de médicaments et de vaccins : les affres de la preuve Geneviève Viney, Professeure émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris L'essentiel Les victimes de dommages causés par des médicaments ou des vaccins se heurtent à des difficultés de preuve que la jurisprudence s'efforce de résoudre à leur avantage. Ainsi, la Cour de cassation reconnaît que tout défaut d'information équivaut à un défaut de sécurité. Elle admet que, même en présence d'un doute scientifique sérieux, la preuve de l'aptitude du produit à causer un dommage du type de celui dont se plaint la victime peut être administrée par des présomptions de l'homme et que la preuve de l'exposition au produit peut être suppléée par celle de l'absence de toute autre cause possible du dommage. [...]
[...] Pourtant, la Cour de cassation nous semble avoir fait preuve, même dans ce cas, d'une certaine compréhension à l'égard des victimes. C'est ce que révèle, à notre avis, la lecture attentive de l'un des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 24 septembre 2009 (34). En l'occurrence, la demanderesse avait plaidé devant la cour d'appel que la pathologie dont elle était atteinte est attribuée communément au diéthylstilbestrol qu'elle avait été conçue en France à une période où ce principe actif y était prescrit couramment aux femmes enceintes et qu'il n'existait pas d'autre cause connue de ses dommages qui lui soit propre. [...]
[...] A La preuve de l'aptitude du produit à provoquer un dommage du type de celui dont se plaint la victime est celle sur laquelle butent souvent les demandeurs. Les différents vaccins contre l'hépatite B sont-ils susceptibles de favoriser l'apparition de scléroses en plaques ou d'autres maladies démyélinisantes ? L'injection d'hormones de croissance peut-elle être à l'origine de la maladie de Creutzfeld-Jacob ? Un traitement à l'Isoméride peut-il déclencher l'apparition d'une hypertension artérielle pulmonaire ? [...]
[...] Attendu a-t-elle affirmé, qu'ayant relevé, d'abord, que si les études scientifiques versées aux débats . n'ont pas permis de mettre en évidence une augmentation statistiquement significative du risque relatif de sclérose en plaques ou de démyélinisation après vaccination contre l'hépatite elles n'excluent pas, pour autant, un lien possible entre cette vaccination et la survenance d'une démyélinisation de type sclérose en plaques ; qu'ayant, ensuite, relevé que les premières manifestations de la sclérose en plaquent avaient eu lieu moins de deux mois après la dernière injection du produit ; que ni Mme X (la demanderesse), ni aucun membre de sa famille n'avaient souffert d'antécédents neurologiques, et que dès lors aucune autre cause ne pouvait expliquer cette maladie, dont le lien avec la vaccination relevait de l'évidence selon le médecin traitant de Mme la cour d'appel, qui a souverainement estimé que ces faits constituaient des présomptions graves, précises et concordantes, a pu en déduire un lien causal entre la vaccination de Mme X et le préjudice subi par elle Est-ce à dire que la Cour de cassation admette désormais une remise en cause systématique des avis scientifiques concernant l'aptitude des produits de santé à provoquer les maladies ou troubles qui leur sont imputés ? [...]
[...] Reste alors à déterminer la portée de la solution admise. Elle dépasse, à notre avis, le cas des dommages causés par les produits de santé, car le motif qui la justifie invite à l'appliquer à tous les fabricants de produits du même type présentant le même défaut. En revanche, elle ne s'applique, semble-t-il, que lorsque tous les fabricants de ce type de produit sont connus et mis en cause dans l'instance en responsabilité (42). Le point le plus délicat, qui n'est pas résolu par l'arrêt du 24 septembre 2009, concerne la méthode à employer pour régler la contribution à la dette de réparation. [...]
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