La loi reconnaît à l'Autorité des marchés financiers (AMF) le pouvoir de sanctionner indifféremment, au titre du manquement à une obligation professionnelle, les prestataires de services d'investissement et les personnes physiques « placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ». En tant que personnes morales, les prestataires de services d'investissement sont toutefois incapables d'accomplir, par eux-mêmes, des actes matériels constitutifs d'un manquement disciplinaire. Les sanctionner à ce titre suppose donc qu'on puisse leur reprocher les agissements commis pour leur compte par des personnes physiques. Force est pourtant de constater qu'il n'existe pas, dans le code monétaire et financier, de règle définissant, à la manière de l'article 121-2 du code pénal, les conditions d'imputation au prestataire d'un manquement commis par l'un de ses préposés ou dirigeants. Cette lacune est très surprenante car l'imputation est un acte central dans le processus de répression qui met en jeu le respect du principe de la personnalité des poursuites et des peines.
[...] On peut, cependant, légitimement s'interroger sur la manière dont la commission des sanctions pourrait justifier la création d'une présomption de responsabilité administrative à l'encontre d'un non- professionnel. La cohérence du système esquissé par la décision du 19 octobre 2006 reste encore à trouver. B - Une présomption difficilement compatible avec le principe de personnalité des peines Même si elle se justifie par l'idée que les prestataires doivent assumer, sur le plan disciplinaire, les risques générés par leur activité, la solution posée par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n'en paraît pas moins excessivement sévère à leur égard. [...]
[...] Dans ce contexte, la décision de sanction du 19 octobre 2006, rendue dans une affaire Sedia développement, mérite de retenir l'attention. En effet, la commission y définit, pour la première fois, un principe général d'imputation des manquements disciplinaires aux prestataires de services d'investissement, mettant ainsi fin aux incertitudes antérieures. Les faits de l'espèce étaient assez simples. A la suite d'une procédure de garantie de cours visant les actions de la société Leblanc, alors cotée au second marché, la société Sedia développement avait émis, courant 1999, des certificats de valeur garantie au profit des actionnaires n'ayant pas apporté leurs titres. [...]
[...] La personne morale se voit, ainsi, prêter artificiellement l'intention dolosive du salarié agissant pour son compte. Cet effet paradoxal de la présomption de responsabilité est pleinement assumé par la commission des sanctions, qui prend soin, dans son considérant de principe, de préciser qu'une manipulation de cours commise par un préposé est susceptible, comme un manquement à une règle disciplinaire, d'être retenue contre le prestataire. Le divorce avec le principe de personnalité des peines est consommé. La règle d'imputation posée par la commission des sanctions est inspirée par la volonté que la répression des manquements aux règles de bonne conduite frappe d'abord et surtout les prestataires de services d'investissement, en tant que sujets centraux du droit disciplinaire boursier. [...]
[...] Plus délicate était la question de la responsabilité de leurs employeurs respectifs. En effet, dans les deux cas, les préposés avaient pris seuls l'initiative de la manipulation, sans en référer à leur hiérarchie. Leurs actes n'avaient été ni encouragés, ni même tolérés par leurs employeurs. Les prestataires firent valoir que les manquements commis par leurs préposés ne pouvaient, dans ces conditions, leur être imputés, dès lors que, contrairement à ce qu'exige l'article 121-2 du code pénal, aucun des dirigeants sociaux n'avait matériellement pris part aux actes poursuivis. [...]
[...] Sa principale vertu était de ne tenir le prestataire responsable que de son propre fait, ce qui tempérait sensiblement les effets de l'imputation directe des manquements, tels que l'imposent, comme on l'a vu, les textes légaux et réglementaires. Autrement dit, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers écartait l'application de l'article 121-2 du code pénal, mais elle en conservait l'esprit. La décision du 19 octobre 2006 rompt cependant avec cette approche en consacrant le principe général d'une responsabilité du prestataire du fait de ses préposés. [...]
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