"Il faut remplacer le mal, faire qu'il semble n'avoir été qu'un rêve". Cette citation du doyen Carbonnier illustre parfaitement le principe essentiel de la réparation du préjudice, à savoir le principe de la réparation intégrale. Celui-ci découlerait implicitement de l'article 1382 du Code civil en ce qu'il crée une obligation à la charge du responsable de réparer le dommage qu'il a commis et de l'article 1149 du Code civil, qui inchangé depuis 1804 stipule que "les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé". Ce dernier définit ainsi l'étendue de l'indemnité, mais s'est rapidement traduit par une volonté d'indemniser toujours plus la victime (...)
[...] La majorité de la doctrine a considéré que les prédispositions ne devaient pas pouvoir être invoquées, afin d'assurer l'indemnisation complète des préjudices, qui est l'objectif de la responsabilité civile. Cependant, la jurisprudence accepte de reconnaître dans certains cas que les prédispositions peuvent constituer un effet exonératoire partiel. C'est le cas lorsque que le dommage causé ne vient qu'aggraver une invalidité préexistante. Ainsi, le responsable n'est condamné qu'à indemniser l'aggravation du dommage initial. Cette analyse ne pose pas de problème et est retenue par la chambre sociale de la Cour de cassation, lorsque l'invalidité préexistante se révèle être un état pathologique consolidé Toutefois, la question est plus gênante lorsque l'invalidité antérieure est évolutive. [...]
[...] L'ébauche des difficultés du sujet étant ainsi posé, abordons maintenant le fond du propos, à savoir dans un premier temps, la difficulté d'évaluation du préjudice : une faille dans le principe de réparation intégrale avant de voir dans un second temps, l'influence de ce principe à l'origine d'une particulière importance du pouvoir souverain des juges du fond dans l'évaluation du montant des dommages et intérêts (II). La difficulté d'évaluation du préjudice : Une faille dans le principe de réparation intégrale L'évaluation des dommages et intérêts s'effectue au jour du jugement et ce afin que la victime ne subisse pas les effets de la dépréciation monétaire (Cass. Civ le 6 octobre 1998). Cette volonté de dédommager au mieux la victime se ressent particulièrement dans la mise en œuvre du principe de réparation intégrale du préjudice. [...]
[...] Cependant, cette solution est critiquée en doctrine, puisque la majorité de celle-ci considère qu'une distinction pourrait être faite selon les moyens dont la victime disposait pour diminuer son préjudice. Pour exemple, Durry, Professeur à l'université de Paris II, espère qu'avec la réforme du droit des obligations sera introduite dans notre droit une disposition analogue à celle qui existe au Québec. Lorsque la victime pouvait, par des mesures raisonnables, réduire l'étendue ou éviter l'aggravation de son préjudice, son abstention entraînera une réduction de l'indemnisation, sauf si la mesure était de nature à porter atteinte à son intégrité physique A noter toutefois que le juge ne laisse pas toujours à la partie victime la possibilité d'être passive. [...]
[...] Par conséquent, si notre droit prône la réparation intégrale du préjudice, il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe, et dont elles doivent rechercher l'étendue dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation (Cass. crim.8 mars 2005). Autrement dit il est interdit pour les juges du fond d'avoir recours à la pratique des dommages et intérêts punitifs, visant à proportionner le montant de la réparation à la gravité du comportement fautif. Les dommages et intérêts ne pouvant être que compensatoires. La Cour de Cassation a affirmé ce principe à travers une jurisprudence constante, en insistant sur le fait que l'indemnisation ne saurait procurer un enrichissement à la partie lésée (Civ. 2e juillet 1981). [...]
[...] D'autres questions sont à prendre en compte concernant le principe de réparation intégrale du préjudice. Tout d'abord il est à noter que la proximité du lien de parenté avec la victime en ce qui concerne les préjudices par ricochet ne rentre pas en compte dans le montant de la réparation du préjudice. De même la situation financière des protagonistes au procès n'a pas d'influence sur le montant des dommages intérêts alloués. Dans le même esprit une autre question se pose, qui nécessite de plus amples développement : celle des prédispositions (incapacités antérieures) de la victime, autrement dit, celle de savoir si les juges doivent prendre en compte les éventuelles prédispositions de la victime pouvant réduire le montant de la réparation. [...]
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