La notion de protection de la vie privée découle d'un long processus à la fois politique et juridique, et continue aujourd'hui de se heurter à des problèmes de délimitation. En effet, la notion de vie privée en tant que telle n'est pas clairement définie, et ne peut s'appréhender qu'en considérant les modalités de sa protection et les différents droits concrets qu'elle suppose. C'est pourquoi notre étude se centre sur le cas français tout en considérant les évolutions introduites dans le droit interne par le développement de la réglementation européenne, et en évoquant parfois les progressions parallèles des systèmes anglo-saxons.
En dépit des dispositions législatives et réglementaires existant sur ce sujet, ainsi que d'une jurisprudence abondante, la protection de la vie privée se heurte aujourd'hui à deux nouvelles difficultés. L'incompatibilité des aspirations manifestées par les citoyens révèle des contradictions entre cette nécessaire protection de la vie privée et d'autres principes démocratiques. Ainsi, la sécurité, considérée depuis de nombreuses années comme l'une des préoccupations majeures des français génère des dispositifs de protection et de surveillance de plus en plus sophistiqués et difficilement conciliables avec une garantie d'inviolabilité de la vie privée. De même, les évolutions technologiques et le développement de l'informatique et des télécommunications ne vont pas sans nuire à la confidentialité des activités privées.
On peut donc se demander comment le développement d'une protection de la vie privée a mené à la consécration de la notion même de vie privée et comment cette protection évolue et s'adapte face aux attaques renouvelées qui lui sont portées.
Nous verrons tout d'abord que le développement de la protection de la vie privée a permis l'avènement d'une vision étendue de la notion de vie privée, puis que cette protection continue d'être en concurrence avec d'autres principes démocratiques et enfin que cette protection est mise à mal par le développement des nouvelles technologies de l'information.
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[...] Ainsi, les juges ont eu à se prononcer sur le point de savoir où finissait la vie privée d'un homme public. Et si la réponse n'est pas facile on peut cependant prendre un exemple. Le tribunal de Paris a affirmé dans un jugement de 1987 que : " s'agissant de personnes ayant une situation qui les signale à l'attention du public par l'influence qu'elles exercent sur la vie économique, une nécessaire transparence s'instaure quant à leur patrimoine. La Cour d'appel a précisé en 1989: " l'intrusion de la presse, dans le domaine du patrimoine, peut être légitime à condition de procéder d'une volonté d'informer le public et de s'appuyer sur des renseignements sérieux et objectifs collectés sans fraude ni artifice." Ainsi, si les mêmes lois s'appliquent aux personnes publiques et aux citoyens anonymes, la jurisprudence reconnaît généralement un champ plus large à la vie publique des hommes publics. [...]
[...] Le projet dénoncé consiste en l'utilisation dans toutes les administrations du numéro de sécurité sociale ( NIR) et la volonté prétendue du ministère de l'intérieur pour s'approprier d'autres fichiers tels que le cadastre, les fichiers des impôts, ceux du ministère du travail. L'émotion de l'opinion publique ainsi que la forte mobilisation politique et sociale font échouer le projet et débouchent sur la loi du 6 janvier 1978 dont l'intitulé indique qu'elle est "relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés." L'article premier de la loi inclut explicitement la vie privée : informatique doit être au service de chaque citoyen. [...]
[...] Elle est à l'origine de l'approfondissement des bases juridiques de la protection de la vie privée. En effet, par exemple, le Conseil Constitutionnel a interdit le 12 janvier 1967 puis à nouveau le 18 janvier 1995 la fouille généralisée des véhicules parce qu'elle constituait une atteinte à la liberté individuelle. De même, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France le 24 avril 1990 parce qu'elle se refusait à légiférer sérieusement sur les écoutes téléphoniques en constatant que cette immixtion dans la vie privée, réglementée de façon floue, n'était pas conforme aux exigences d'une société démocratique. [...]
[...] Ce n'est qu'après la condamnation de la France en 1991 par la Cour européenne des droits de l'homme qu'un projet de loi a été envisagé. Les interceptions téléphoniques sont désormais limitées par une autorisation du juge d'instruction lorsque les nécessités de l'information l'exigent en matière criminelle et correctionnelle si la peine encourue est supérieure à deux ans. Ainsi, la tentation reste toujours forte pour l'Etat et les pratiques de l'Elysée révélées par la presse montrent que rien n'est jamais acquis dans ce domaine. [...]
[...] Peu à peu, la protection de la vie privée, cette garantie de chacun contre les empiétements de la collectivité, recule devant une discipline à laquelle il paraît nécessaire de se plier pour permettre à l'Etat, surveillant chacun, de protéger tout le monde. Le cas des contrôles d'identité est éloquent. Interdits avant 1981, la loi Sécurité et Liberté les a institutionnalisés aux dépens de la liberté individuelle. Cette évolution peut sembler consacrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, il a validé dans sa décision du 18 janvier 1995 la loi du 21 janvier de la même année concernant la vidéo-surveillance. [...]
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