Une étude comparative du droit des contrats spéciaux de 1804 et du droit actuel révèle un paradoxe intéressant : 365 des 456 articles consacrés au droit des contrats spéciaux sont demeurés intacts depuis 1804 alors que la matière a été la proie de bouleversements extrêmement profonds et fréquents. Cette évolution du droit des contrats spéciaux transparait notamment à travers le thème fondamental du prix dans les contrats spéciaux.
La notion de prix doit être ici entendue au sens large : c'est la contrepartie d'une prestation qui peut avoir des dénominations diverses (prix, loyers, honoraires, rente). Les contrats spéciaux sont des conventions soumises à un régime juridique spécifique qui s'ajoute au droit commun des obligations. Ce sujet nous invite donc à étudier le rôle de la notion de prix en droit des contrats spéciaux.
Au premier abord, ce sujet pourrait être envisagé sous l'angle de la qualification des contrats spéciaux. Le prix est, en effet, un élément essentiel de certains contrats (la vente par exemple). Il permet donc de participer à leur qualification. Bien que très intéressante, cette approche nous oblige à laisser de côté les évolutions récentes de la jurisprudence en matière de prix.
En effet, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu quatre arrêts le 1er décembre 1995 qui ont complètement « chamboulé » le droit des contrats spéciaux français en décidant que l'article 1129 du Code civil ne serait plus applicable au prix, « sauf dispositions légales particulières ». Ces arrêts ont donc détourné le prix de l'application du droit commun pour le soumettre à l'application du droit des contrats spéciaux.
[...] En outre, pour certains contrats, la fixation du prix peut relever de la tâche d'un tiers. Par exemple, l'article 1592, en matière de vente, dispose que le prix peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers Enfin, dans certains cas, c'est le juge qui procédera à la fixation du prix dans le silence du contrat. C'est notamment le cas en ce qui concerne les ventes conclues en exécution d'un contrat-cadre. Symbole de cette diversité des acteurs de la fixation des prix, la vente peut se voir appliquer pas moins de 4 régimes distincts : le régime de droit commun avec l'accord des parties (l'article 1591 du Code civil), la détermination unilatérale du prix dans l'hypothèse de ventes conclues en exécution d'un contrat-cadre qui ne détermine pas le prix des ventes futures , la détermination prétorienne du prix dans cette même hypothèse si les parties ne s'entendent pas et enfin la détermination du prix par un tiers arbitre (article 1592 du Code civil). [...]
[...] Ceux-ci découlent des deux modèles de contrats évoqués précédemment. En effet, dans le modèle de la vente, le prix doit être déterminé lors de la formation du contrat, par l'accord des parties. Le rôle du juge est donc par principe mineur puisqu'il ne peut contrôler que les modalités de détermination du prix (Civ. 1ère février 1998). C'est ce contrôle qui est opéré lorsque le juge vérifie que les clauses introduites par les parties pour déterminer le prix respectent bien les conditions posées par l'arrêt de la chambre des requêtes, rendu le 7 janvier 1925 (la fixation du prix ne doit pas dépendre de la volonté d'une seule partie ; la fixation du prix ne doit pas requérir un nouvel accord des parties). [...]
[...] Le juge ne peut, en principe, contrôler le prix ou en ordonner la révision. Cependant, il existe plusieurs exceptions à ce principe : ainsi, en matière immobilière, la lésion est admise au profit du vendeur si elle dépasse les 7/12ème du prix de vente. L'acquéreur peut alors rendre la chose en échange du prix, ou racheter la lésion avec déduction du 1/10ème du prix. C'est donc une forme de révision du prix. De même, toujours en matière immobilière, la loi Carrez permet lorsque la superficie d'un lot est inférieure de plus de 1/20ème à celle exprimée dans le contrat de vente, de diminuer le prix proportionnellement à la mesure manquante. [...]
[...] Ainsi, dans un contrat d'entreprise, le créancier qui s'engage à fournir une prestation bénéficiera du pouvoir de fixation unilatérale du prix de cette prestation, que le débiteur devra payer même s'il n'y a pas consenti préalablement à la formation du contrat. Dans le second modèle, le prix doit être déterminé ou déterminable pour que le contrat se forme. Par conséquent, les acteurs de la fixation du prix sont l'ensemble des parties au contrat puisque seul un accord trouvé entre les parties sur le prix ou sa déterminabilité permet au contrat de se former. [...]
[...] Là encore, on observera une certaine disparité de contrôles Le contrôle du prix dans les contrats spéciaux : Aborder la notion de contrôle du prix, c'est en réalité s'interroger sur deux contrôles distincts. D'une part, il convient de s'intéresser au contrôle de la fixation du prix, les parties devant respecter certaines règles qui se sont développées suite aux arrêts du 1er décembre 1995 D'autre part, on peut dénombrer un certain nombre d'abus dans la fixation du prix ainsi que des déséquilibres contractuels due à la survenance d'évènements particuliers au cours de l'exécution du contrat, qui engendrent la nécessité de réviser le prix La diversité reste ici aussi le maître mot. [...]
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