La recherche d'un statut du corps humain est un problème juridique assez récent, il découle comme chacun sait des réflexions d'éthique biomédicale soulevées depuis le début des années 1980. On pourrait penser qu'en 2004, après plus de 20 ans de débat, le sujet est épuisé et que les juristes, sans s'être entendus, ont du moins fait le tour des solutions envisageables.
Loin s'en faut : il n'y a qu'à consulter le recueil Dalloz depuis le début de l'année pour constater qu'une demi-douzaine d'articles se rattachant à la réification du corps humain ont été publiés. L'actualité scientifique comme jurisprudentielle ne cesse de vivifier le débat juridique.
Support de la personne, le corps humain est pour beaucoup une chose. Qu'est-ce qu'une chose demande alors Bernard Edelman, éclairant la question d'une réponse lumineuse : « une chose, objet de propriété, est un bien sur lequel le propriétaire exerce des pouvoirs – celui de céder (abusus) celui d'en jouir (usus) et celui d'en tirer profit (fructus) » .
Il rappelle d'ailleurs que cette définition découle de l'article 544 du Code civil : « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Le Code civil lie donc inéluctablement la chose à la propriété : s'il connaît des choses sans maître, il n'est possible d'être propriétaire que d'une chose.
Ce qui répugne le juriste dans la réification du corps humain, c'est la propriété. Cette dernière est porteuse de la toute-puissance du propriétaire qui peut aliéner son bien. Or, le corps humain est hors du commerce, indisponible, inviolable. Pour le Code civil n'est pas un bien, les dispositions sur le respect du corps humain sont d'ailleurs dans le livre premier sur les personnes, bien loin du livre III sur la propriété.
[...] Voir le tableau de l'annexe II. Voir la démonstration exposée supra, Section Chapitre Titre Partie I. [...]
[...] Le don de sang présageait alors que le corps humain put être rangé dans la catégorie des choses[15]. Le droit de propriété a l'intérêt d'offrir toutes les garanties pour que la chose ne devienne pas une marchandise et, sachant que seule une chose peut être donnée, il permet de réglementer le don d'organe, de sang, de gamètes Le droit romain connaissait déjà ce droit de propriété sur le corps : le maître pouvant exercer sur le corps de son esclave une prérogative qui appartient uniquement au propriétaire (le jus abutendi), c'est-à-dire le droit de l'aliéner (vendre, donner, léguer) et de le détruire, ce droit s'étendant sur le corps de ses enfants. [...]
[...] Le droit fondamental de propriété n'est plus absolu, car il ne correspond plus aux conditions dictées par l'article 544 du Code civil, le propriétaire ne dispose plus de la chose de la manière la plus absolue. Une telle perception du droit de propriété peut paraître très critiquable au regard de l'exercice de la propriété privée ou publique sur un bien mobilier ou immobilier[22], mais elle sert l'éthique biomédicale dans le sens où elle correspond tout à fait au droit qui peut être reconnu à l'individu sur son corps. [...]
[...] Ainsi, le corps appartient à la sphère du droit public comme il l'était sous le droit romain, puisque cette branche du droit se voyait confier tout ce qui était sacré, donc le corps humain. Pour continuer à honorer la sacralité du corps comme le faisaient les Romains, il suffirait de le faire tomber dans le domaine public. Un droit de propriété relatif C'est le caractère absolu de la patrimonialité qui effraye lorsque l'on parle de propriété sur le corps. C'est oublié que la jurisprudence du Conseil constitutionnel donne à ce droit un caractère relatif. [...]
[...] Toutefois, cette patrimonialité du corps humain est largement décriée. Elle est pour de nombreux auteurs, une atteinte à la dignité qui doit être accordée au corps humain, sa réification, premier pas vers sa commercialisation, est une atteinte à la dignité de la personne humaine. L'article 16 du Code civil adopte la notion d'attributs de la personne, élaborée par la doctrine civiliste, pour définir les droits de la personnalité, ce qui permet d'échapper à une objectivation du corps humain. Le corps et ses éléments sont considérés comme des attributs de la personne humaine, comme la voix, l'image et la vie privée. [...]
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