Dans la lignée de la loi sur les accidents du travail, la loi du 5 juillet 1985 « tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation », dite loi Badinter, est intervenue pour retirer le contentieux des accidents de la circulation à l'article 1384 alinéa 1er du Code civil. La loi du 5 juillet 1985 constitue un régime dérogatoire au droit commun et est d'application exclusive. L'intervention d'une loi spéciale en la matière était plus que souhaitable car les accidents de la circulation sont devenus la source principale de dommages résultant du fait des choses. La responsabilité du fait des choses est une responsabilité objective et le gardien pouvait être exonéré de sa responsabilité en prouvant un cas de force majeure, mais aussi la faute de la victime. Si la faute de la victime présentait les caractères de la force majeure, alors le gardien était totalement exonéré de sa responsabilité, sinon il l'était partiellement. L'indemnisation partielle n'était pas adaptée à la matière des accidents de la circulation car il paraissait injuste de diminuer l'indemnisation de la victime alors que le débiteur partiellement responsable profiterait de son assurance de responsabilité.
L'arrêt Desmares du 21 juillet 1982 a donc instauré le « système du tout ou rien » consistant à exonérer totalement le gardien en cas de faute de la victime présentant les caractères de la force majeure ou à ne pas l'exonérer du tout dans le cas contraire.
L'intitulé de la loi témoigne de son objectif initial de protection des victimes. Il s'agissait de permettre d'indemniser largement les victimes d'accidents de la circulation et d'accélérer les procédures d'indemnisation.
Nonobstant, cette loi a été l'objet de pressions diverses du lobby des assureurs ainsi que du lobby des constructeurs automobiles.
Toute la question sous-jacente à la loi était de déterminer quelle serait la place de la faute dans l'évaluation de l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation. La loi du 5 juillet 1985 a donc opéré une distinction parmi les victimes d'accident de la circulation en envisageant un régime différent selon qu'il s'agit des victimes non-conductrices (I) ou des victimes conductrices (II).
[...] La place de la faute dans la loi du 5 juillet 1985 Depuis l'arrêt Jand'heur du 13 février 1930, la jurisprudence a consacré la responsabilité générale du fait des choses, fondée sur l'article 1384 alinéa 1er du Code civil. La jurisprudence relative à la responsabilité du fait des choses est le plus souvent casuistique, et les solutions sont envisagées au cas par cas. Le contentieux des accidents du travail, à l'origine de la réflexion sur le principe général de responsabilité du fait des choses a été retiré au domaine de l'article 1384 alinéa 1er par une loi spéciale du 9 avril 1898, qui a consacré la théorie du risque-profit spécifique à ce domaine. [...]
[...] L'impact du statut de conducteur sur l'indemnisation des victimes par ricochet. L'article 6 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages On se situe dans l'hypothèse où un proche parent est affecté par le dommage subi par la victime directe d'un accident de la circulation. [...]
[...] Cette prise en compte particulière de la faute de la victime dont la causalité est simplement envisagée relativement à son préjudice a suscité une certaine clémence de la jurisprudence. C'est ainsi que dans un arrêt d'assemblée plénière du 6 avril 2007, la cour de cassation admet qu'il n'y ait pas de lien causal entre l'état d'alcoolémie de la victime et la réalisation de son dommage. C'est sous cet aspect qu'il faut comprendre que la cause du dommage n'est pas toujours la cause de l'accident, qu'elle peut être dissociée. [...]
[...] La question soulevée était de savoir s'il fallait prendre en considération sa situation de conducteur pour apprécier son droit à indemnisation en tant que victime par ricochet. La cour de cassation a répondu à cette question par l'affirmative et a fait primer l'article 4 de la loi de 1985 sur l'article 6. On a opposé à la victime par ricochet sa propre faute. Même si l'on comprend le raisonnement technique de la cour de cassation s'agissant de l'indemnisation des victimes par ricochet, cela témoigne tout de même d'une certaine incohérence vis-à-vis du laxisme dont la loi fait preuve à l'égard des victimes non-conductrices. [...]
[...] L'article 6 de la loi de 1985 prévoit donc que pour apprécier le droit à réparation de la victime par ricochet, on prend en considération la situation de la victime directe. Ainsi, la victime par ricochet du fait du dommage subi par un conducteur se verra opposer la faute éventuelle de ce conducteur et son droit à réparation sera fonction de cette faute. La victime par ricochet est donc indemnisée selon les mêmes critères que la victime directe, elle est une sorte de reflet de la victime directe. [...]
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