La Cour de justice a rendu un arrêt qui attire l'attention sur les relations entre l'arbitrage et l'ordre public communautaire. L'arbitrage n'entre pas directement dans le champ du droit communautaire à moins que l'on se trouve en présence d'un arbitrage forcé (CJCE Evans, 4 déc. 2003). L'arbitre ne peut donc, par exemple, saisir la CJCE sur le fondement de l'article 177 du Traité devenu l'article 234 CE (Nordsee, 23 mars 1982). Les rapports avec les autres conventions internationales sont aussi distants : la Convention de Bruxelles, devenue règlement, la Convention de Rome et la Convention européenne des droits de l'homme ne sont pas davantage applicables. Et pourtant, cette décision rendue sur renvoi préjudiciel d'une juridiction espagnole montre que cet affranchissement n'est que provisoire.
La question a été posée à l'occasion d'un litige qui opposait un consommateur à une société de téléphonie mobile. Le contrat contenait une clause compromissoire que la société a mise en oeuvre à la suite d'une défaillance de la cliente. L'organisme d'arbitrage a donné dix jours à cette dernière pour refuser l'arbitrage au profit de la voie judiciaire, mais elle a, finalement, été condamnée après avoir seulement conclu au fond. Ce n'est qu'à l'occasion du recours exercé contre la sentence que la cliente a invoqué le caractère abusif de la clause. La juridiction espagnole a sollicité l'avis de la CJCE sur la question de savoir si le droit communautaire exigeait que le caractère abusif de la clause compromissoire soit sanctionné par la juridiction chargée du recours contre la sentence alors que le moyen n'avait pas été soulevé devant l'arbitre. La réponse a été positive : « la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclu avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu'elle implique qu'une juridiction nationale saisie d'un recours en annulation d'une sentence arbitrale apprécie la nullité de la convention d'arbitrage et annule cette sentence au motif que ladite convention contient une clause abusive, alors même que le consommateur a invoqué cette nullité non pas dans le cadre de la procédure arbitrale, mais uniquement dans celui du recours en annulation ».
[...] Ces raisonnements peuvent sans doute être transposés à l'arbitrage. On a pu soutenir que l'application de la Convention à l'arbitrage n'emporterait aucune conséquence tangible parce que les principes liés au procès équitable sont connus dans le droit de l'arbitrage. L'observation est exacte mais d'une portée réduite : dans quelle législation ou dans quel règlement d'arbitrage trouve-t-on aujourd'hui énoncés des principes directement contraires à la Convention ? Ce qui est en cause ici n'est pas tant l'existence des principes admis en matière d'arbitrage que le contrôle que le juge peut exercer sur leur application concrète lors d'un recours en annulation ou dans l'appel d'une ordonnance d'exequatur. [...]
[...] Ce n'est qu'à l'occasion du recours exercé contre la sentence que la cliente a invoqué le caractère abusif de la clause. La juridiction espagnole a sollicité l'avis de la CJCE sur la question de savoir si le droit communautaire exigeait que le caractère abusif de la clause compromissoire soit sanctionné par la juridiction chargée du recours contre la sentence alors que le moyen n'avait pas été soulevé devant l'arbitre. La réponse a été positive : la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclu avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu'elle implique qu'une juridiction nationale saisie d'un recours en annulation d'une sentence arbitrale apprécie la nullité de la convention d'arbitrage et annule cette sentence au motif que ladite convention contient une clause abusive, alors même que le consommateur a invoqué cette nullité non pas dans le cadre de la procédure arbitrale, mais uniquement dans celui du recours en annulation La décision est importante. [...]
[...] S'il n'est pas nouveau, le débat a récemment rebondi après l'arrêt Thalès de la Cour de Paris. Il porte tout à la fois sur la légitimité d'un tel contrôle et sur les moyens d'y parvenir. On ajoutera que l'origine internationale de cet ordre public donne au débat une acuité toute particulière puisque la Cour de justice ou la Cour de Strasbourg y trouvent un titre à intervenir. L'arrêt soulève nombre de questions et d'abord celle de savoir si l'office du juge dépend de l'attitude des parties. [...]
[...] Il ne suffit pas en effet de dire que ces règles ne s'appliquent pas à l'arbitrage ou aux décisions rendues par les juridictions des Etats qui n'ont pas signé ces conventions. Encore faut-il qu'à aucun moment les sentences ou les décisions étrangères n'entrent en contact avec un Etat signataire par le canal d'un exequatur dont on ne peut pas toujours faire l'économie. Ainsi, après avoir écarté les garanties du procès équitable invoquées dans une procédure d'exequatur au motif que la décision émanait d'un Etat qui n'avait pas signé la Convention européenne (Civ. [...]
[...] Si, pour assurer l'efficacité de l'arbitrage, il est nécessaire de reporter en aval le contrôle du juge, position qui présente quand même certains inconvénients, encore faut-il que ce contrôle puisse s'exercer réellement. Il serait surprenant, en des temps où la moindre activité est soumise au droit, que l'arbitrage devienne une justice absolue, au sens classique, c'est-à-dire déliée de tout. Bibliographie Ch. Jarosson, L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme P. Mayer, La sentence contraire à l'ordre public au fond Ch. [...]
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