La formule traditionnelle du gage avec dépossession « sentait la misère exploitée » par les créanciers. Le débiteur se voyait « confisquer » son bien jusqu'à l'entier paiement du prix. Le danger était d'autant plus grand que cette opération ne nécessitait aucun formalisme. Ce n'est que par l'ordonnance du 23 mars 2006 que le gage perd enfin cette connotation péjorative. Le créancier gagiste n'est désormais plus perçu comme un usurier en puissance, en témoigne la nouvelle nature juridique du gage.
Le gage appartient à la famille des sûretés réelles, en ce sens qu'un bien vient garantir la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Aujourd'hui, l'article 2333 du Code civil, consacré par l'ordonnance du 23 mars 2006, énonce que « Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs ». Il faut en déduire que le gage est une convention conclue entre le propriétaire d'un meuble corporel et un créancier, parfaite par l'établissement d'un écrit dont l'objet est de conférer au gagiste le droit de se faire payer par préférence aux autres créanciers sur le bien affecté en garantie, mais qui crée, avant l'échéance de l'obligation de garantie, une situation différente selon qu'elle s'opère avec ou sans dépossession. Ainsi, le gage est une « sûreté spéciale » portant sur un ou plusieurs biens meubles grevés du débiteur ou même d'un tiers.
[...] Depuis l'ordonnance du 23 mars 2006, le nouvel article 2333 du Code civil ne fait plus du tout référence au dépôt et donc à la dépossession du débiteur. En effet, le texte précité mentionne que Le gage est une convention dès lors, il disparaît de la catégorie des contrats réels. Même l'article 2337 énonce que Le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite. Il l'est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu Il faut entendre que le bien faisant l'objet du gage peut rester chez le débiteur lui-même. [...]
[...] Mais, en toute hypothèse, les choses futures ainsi gagées devront toujours être déterminables En ce sens qu'elles devront au moins être déterminées quant à leur espèce et leur quotité. Le gage sans dépossession permet également au débiteur de gager des choses fongibles. N'étant plus un contrat réel, le constituant conserve la chose là où il demeure et peut utiliser la chose à condition de pouvoir la remplacer par une autre de même nature. La fongibilité suppose l'interchangeabilité. Or, quand un bien est mis en possession du gagiste, le constituant ne peut plus du tout l'utiliser ni même le remplacer. [...]
[...] Le véritable intérêt concerne le concours de créanciers, et plus spécifiquement de plusieurs créanciers gagistes. La solennité du gage permet, en vertu de l'article 2340 du Code civil, un droit de préférence du créancier-gagiste antérieur, opposable au créancier-gagiste postérieur lorsqu'il est régulièrement publié nonobstant le droit de rétention de ce dernier La formule est considérable, car elle vient énoncer que même si un créancier-gagiste a été mis en possession du bien, le créancier-gagiste sans dépossession a priorité sur ce premier dès lors qu'il était le premier à réaliser la mesure de publicité. [...]
[...] Toutefois, il ne faut pas négliger les règles spécifiques attachées au gage commercial. Lorsque le gage a une nature commerciale, c'est à dire, selon l'article L.521-1 du Code de commerce lorsqu'il est constitué soit par un commerçant, soit par un individu non commerçant, pour un acte de commerce il reste soumis au droit commun du gage sauf dispositions spécifiques du Code de commerce. Or, on sait qu'en droit commercial la preuve est libre, comme l'énonce l'article L.110-3 du Code de commerce : A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens Dès lors, la formalisation du gage commercial par un écrit ne s'impose pas. [...]
[...] Si on revient à notre gage, sûreté réelle, on se rend compte que sa nature juridique, c'est-à-dire ce qui le définit, le caractérise ou encore ce qui est normalement attaché à un acte juridique et qui répond à son caractère ordinaire dixit Gérard Cornu, a subi de profondes modifications par l'ordonnance de 2006. À noter que la nature juridique sous entend l'idée de droit commun Il s'agira dès lors d'envisager le gage dans sa généralité normalité et d'écarter les gages spéciaux de notre raisonnement juridique, mis à part ceux consacrés par ladite ordonnance. Autrement dit, le sujet portant sur la nature juridique du gage nous n'envisagerons que les règles générales applicables aux gages de droit commun. [...]
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