La notion de contrat réel fait partie des dispositions du Code civil qui sont aujourd'hui les plus contestées par la doctrine et la jurisprudence. Trouvant son origine dans le droit romain, elle est employée de nos jours en matière de prêt, de gage ou de dépôt.
Cette conception peut être illustrée par l'arrêt de rejet la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation en date du 20 juillet 1981. Deux particuliers consentent un prêt de 400.000 F à une société, celle-ci devait en contrepartie leur concéder une hypothèque sur un immeuble. Ce dernier n'ayant qu'une valeur de 250.000 Fr, les prêteurs, trouvant la valeur insuffisante, récupèrent une partie de la somme, 300.000 Frs, déposés chez un notaire, le reste de la somme étant déjà en possession de la société. Les particuliers mettent alors en demeure la société de leur rendre leurs deux chèques de 50.000 Frs. Celle-ci les assigne au paiement de la totalité du prêt. La cour d'appel par arrêt confirmatif déboute la société et assigne celle-ci à rembourser la somme de 100.000 Frs, condamnant les deux prêteurs au paiement de dommages et intérêts. La société saisit la Cour de Cassation qui rejette le pourvoi, considérant que le contrat de prêt est un prêt de consommation, contrat réel et qu'il ne se réalise qu'à la remise de la chose prêtée à l'emprunteur lui-même ou à un tiers qui la reçoit et la détient pour le compte de l'emprunteur. En l'espèce, le contrat de prêt est donc demeuré irréalisé à concurrence de 300.000 Frs. A défaut de réalisation de ce contrat, les deux particuliers ne peuvent qu'être tenus à des dommages et intérêts en raison de leur manquement fautif à leur engagement de prêter des fonds.
La solution adoptée par la Cour de Cassation a toutefois connue une évolution liée notamment à l'apparition du droit de la consommation qui tend à faire du prêt un contrat consensuel, synallagmatique et à titre onéreux. L'arrêt de rejet de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 28 mars 2000 vient ainsi apporter des précisions quant à cette nouvelle inclinaison jurisprudentielle.
Un achat de matériel agricole devait être financé par un prêt consenti par un établissement de crédit, sous réserve que la personne demandant le prêt souscrive une assurance vie. Après l'avoir souscrite, l'emprunteur décède ; l'établissement financier nie être tenu d'un quelconque engagement.
Condamnée par les juges du fond, la société se pourvoit en cassation.
Celle-ci invoque, à titre principal, l'article 1892 du Code civil considérant le prêt de consommation comme un contrat réel, et fait valoir que, puisqu'elle n'a jamais remis les fonds faisant l'objet du contrat de prêt avant la livraison du matériel, le contrat de prêt ne s'était pas formé. Il ne pouvait donc s'agir que d'une promesse de prêt dont l'inexécution ne pouvait donner lieu qu'au paiement de dommages intérêts. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société et considère que le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel. L'existence d'un accord de volonté oblige la société au paiement de la somme convenue.
A la lumière de ces deux arrêts, comment qualifier la nature juridique du contrat de prêt ? Quelles sont les incidences et les conséquences pratiques de cette qualification sur son régime juridique ?
Il convient, pour répondre à cette interrogation, de s'interroger tout d'abord sur le principe classique du contrat de prêt, contrat réel (I), puis de remarquer l'œuvre de la jurisprudence qui atténue fortement ce caractère réel du contrat de prêt dans certaines situations (II).
[...] _ La critique vient également de la doctrine dont certains de ses représentants plaident en faveur de la transformation des contrats réels en contrats consensuels dans un souci de logique juridique. En effet, seule la tradition héritée du droit romain justifie l'existence encore aujourd'hui de contrats réels. La jurisprudence peut se charger d'y mettre fin en généralisant la solution dégagée par l'arrêt du 28 mars 2000, c'est-à-dire en considérant que tout prêt, consenti par un professionnel ou un particulier, est un contrat consensuel. Bibliographie Mr LARROUMET "les obligations, le contrat" aux éditions ECONOMICA. [...]
[...] C'est la remise de la chose qui fonde le contrat. C'est d'ailleurs sur cet argument que se fonde le premier moyen du 2nd arrêt, invoqué par la société : l'UFB n'ayant jamais remis les fonds faisant l'objet du contrat de prêt à D.B. avant la date de livraison du matériel, le contrat de prêt ne s'était pas formé _ Il en résulte que, comme le prêt est un contrat réel, la remise de la chose crée le contrat c'est-à-dire la rencontre des volontés liant les deux parties ; la remise de la chose n'est pas l'exécution d'une obligation crée par un contrat consensuel. [...]
[...] A la lumière de ces deux arrêts, comment qualifier la nature juridique du contrat de prêt ? Quelles sont les incidences et les conséquences pratiques de cette qualification sur son régime juridique ? Il convient, pour répondre à cette interrogation, de s'interroger tout d'abord sur le principe classique du contrat de prêt, contrat réel puis de remarquer l'œuvre de la jurisprudence qui atténue fortement ce caractère réel du contrat de prêt dans certaines situations (II). I. Le contrat de prêt, un contrat réel Il est clairement établi par les dispositions du Code civil que le contrat de prêt est un contrat réel, ce qui signifie que le contrat ne peut exister qu'à la remise de la chose à l'emprunteur et que toute action en justice visant a contraindre le prêteur à remettre la chose est impossible A. [...]
[...] Condamnée par les juges du fond, la société se pourvoit en cassation. Celle-ci invoque, à titre principal, l'article 1892 du Code civil considérant le prêt de consommation comme un contrat réel, et fait valoir que, puisqu'elle n'a jamais remis les fonds faisant l'objet du contrat de prêt avant la livraison du matériel, le contrat de prêt ne s'était pas formé. Il ne pouvait donc s'agir que d'une promesse de prêt dont l'inexécution ne pouvait donner lieu qu'au paiement de dommages intérêts. [...]
[...] La nature juridique du contrat de prêt Exposé sur le revirement de jurisprudence entre - l'arrêt de rejet la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation en date du 20 juillet 1981. - l'arrêt de rejet de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation du 28 mars 2000 Introduction La notion de contrat réel fait partie des dispositions du Code civil qui sont aujourd'hui les plus contestées par la doctrine et la jurisprudence. Trouvant son origine dans le droit romain, elle est employée de nos jours en matière de prêt, de gage ou de dépôt. [...]
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