Au regard circonspect de certains à l'égard de l'opportunité pour un couple homosexuel de se marier, opposant cette hypothétique faculté, tantôt à une loi naturelle thomiste l'interdisant, tantôt aux dérives possibles dans les domaines de l'adoption et de la filiation, Mme Taubira a avec force, le 29 janvier 2013, répondu par une mise en garde contre le regard que leur porteront leurs « enfants et petits-enfants ». Ces termes rappellent ceux qu'utilisa Robert Badinter, lors de sa plaidoirie contre la peine de mort, rappelant aux mêmes députés : « si vous votez la mort, vous resterez seuls avec votre verdict, pour toujours. Et vos enfants sauront que vous avez condamné un jour un jeune homme, et vous verrez leur regard ». La confrontation de ces deux discours met toutefois en valeur une lacune : si l'argumentum ad novitatem semble être prisé des grands orateurs, il n'en reste pas moins considéré comme un simple sophisme sans valeur de vérité, et le fait que l'idée moderne soit portée par des générations nouvelles ne peut en aucun cas être une preuve de sa supériorité. Or, on semble affirmer que la règle de droit doit être, par définition, conforme à l'évolution sociétale.
[...] Le mariage toutefois tributaire des bonnes mœurs et de l' ordre public Comme le droit en général, le droit de la famille est tributaire de l'évolution sociale ; en effet, aucune loi n'a vocation à devenir immuable, sauf à devenir inappliquée et à tomber en désuétude, voire déclencher la colère des justiciables. Ainsi, une fois les bases du mariage posées, et ses conditions de formation les plus importantes rédigées dans les textes de loi, les autres seront débattues, critiquées, puis adaptées à l'état des mœurs. [...]
[...] La Cour de Cassation a d'ailleurs considéré comme évident, après le mariage de Bègles de 2004, que le mariage était par définition hétérosexuel. L'opinion publique semble néanmoins reconnaître aujourd'hui majoritairement le mariage homosexuel comme une évolution bénéfique à la société, et du moins, quoi qu'en disent certains députés, il n'est plus choquant pour quiconque de croiser dans la rue un couple homosexuel. Les bonnes mœurs se sont donc adaptées, ce que le droit est logiquement en train de suivre. Cette marche vers l'égalité n'a pas été le seul fondement des modifications des conditions de formation du mariage : en effet, en plus de cette revendication continue d'égalité, le législateur a aussi dû faire face à des problèmes plus ponctuels, qui ne se sont pas développés, mais sont apparus brusquement, bien après la mise en place du mariage par le Code civil de 1804. [...]
[...] D'autre part, la monogamie est le dernier élément fondateur du mariage et de son aspect institutionnel. En effet, l'article 147 du Code civil dispose que l' on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier Cette condition garantit que le mariage sera réellement le fondement d'une société stable, et n'est donc pas remise en cause depuis que le droit canonique a imposé cette règle. La polygamie est toutefois, contrairement à l'inceste, acceptée dans d'autres Etats, et l'on remarque ici un profond attachement du mariage français à des conditions anciennes, héritées du mariage chrétien. [...]
[...] Ces deux types de mariage ne respectent pas les conditions ordinaires de formation du mariage, et se construisent donc en réaction à des évènements ponctuels ayant pour conséquence un changement brusque dans l' état des mœurs Enfin, le législateur, dans le contexte très particulier du régime de Vichy et l'apogée des théories eugéniques, a voulu soumettre le mariage à un certificat prénuptial, dans le but que les couples malades génétiquement ne puissent se marier et procréer. Son intérêt a beaucoup été critiqué, et la recherche de l'égalité matrimoniale, ainsi que le constat d'une augmentation des naissances hors mariage, a permis sa suppression pure et simple, par une loi du 20 décembre 2007. [...]
[...] Pourtant, il faut qu'il soit assez solide pour assurer la pérennité d'un certain système social : ainsi, le législateur a plus récemment substitué la notion de sacrement à celle d'institution d'ordre public. La première décision en ce sens est anecdotique, mais confirme l'institutionnalisation du mariage civil : par le décret n°2006-579 du 16 mai 2006, Dominique De Villepin, alors premier ministre, n'approuve pas le projet d'acte nommé du pays' relatif au tourisme nuptial tel que transmis au ministre de l'outre-mer le 24 janvier 2006 par le président de la Polynésie Française V. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture