Le 25 mai 2004, l'officier d'état civil de la commune de Bègles (Gironde) a publié les bans du mariage annoncé de Monsieur Chapin et de Monsieur Charpentier, tous deux de sexe masculin. Le 27 mai 2004, le procureur de la République de Bordeaux a fait notifier à l'officier d'état civil, en raison de l'identité de sexe, son opposition au mariage qui a été inscrite sur les registres de l'état civil le 2 juin 2004. Malgré cette opposition, le maire de Bègles les a marié le 5 juin 2004 et a dressé l'acte de mariage sur les registres de l'état civil ; cet acte était rédigé de la manière suivante : « Ils ont déclaré l'un et l'autre vouloir se prendre pour époux ». Sur assignation à jour fixe du 22 juin 2004, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré nul cet acte, avec transcription en marge de l'acte de l'état civil et de l'acte de naissance des intéressés ; par arrêt du 19 avril 2005, la Cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. C'est l'arrêt attaqué. La procédure est régulière, le pourvoi recevable. Le procureur général de Bordeaux n'a pas déposé de constitution.
[...] Dans le droit positif actuel, la fonction première du mariage n'est plus la fondation d'une famille, ce n'est que l'un des moyens d'organiser une vie de couple. On admet que l'impuissance, qui est un empêchement naturel à la procréation, ne rend pas nul le mariage ; opposer à deux personnes de même sexe leur impossibilité de donner ensemble naissance à des enfants pour leur refuser le droit de se marier ensemble est donc une incohérence, et même plus, une discrimination. [...]
[...] Cette évidence repose sur une tradition remontant à l'origine et au développement de l'humanité. C'est, dans l'ancien testament, le récit de la création (Genèse 27) : Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu, il le créa, homme et femme il les créa Cette spiritualité imprègne la tradition judéo-chrétienne ; le mariage, rite et reconnaissance sociale du couple et de la famille, constitue l'institution destinée à structurer l'individu dans une société et à assurer son avenir en la perpétuant. [...]
[...] La Cour continue cependant de considérer le mariage comme l'union de deux personnes de sexes différents. Mais elle considère, au regard des avancées scientifiques et médicales, que l'identité sexuelle d'une personne ayant subi une opération de conversion sexuelle ne peut plus seulement se fonder sur des critères biologiques comme la permanence d'un chromosome masculin chez la requérante, mais doit tenir compte d'autres critères, tels que la reconnaissance par la communauté médicale et les autorités sanitaires dans les Etats contractants de l'état médical de trouble de l'identité sexuelle, l'offre de traitements, y compris des interventions chirurgicales. [...]
[...] En effet, le droit de la filiation exclut traditionnellement - quoique non explicitement - l'attribution à un même enfant de deux parents de même sexe. Dans le cas de l'adoption plénière, l'impossibilité d'une adoption conjugale par deux époux qui seraient hypothétiquement de même sexe ne résulte semble-t-il d'aucun texte du code civil. On peut à cet égard en déduire que la revendication d'une adoption plénière conjugale apparaîtrait juridiquement légitime en cas de consécration du mariage homosexuel. N'est-ce pas un bouleversement du droit de l'adoption ? - l'assistance médicale à la procréation au bénéfice des couples mariés (art. L. [...]
[...] Second moyen : la différence des sexes est-elle une condition substantielle du mariage en droit français ? Le second moyen, en cinq branches, pose la question de fond tant au regard du droit interne (1re branche) que du droit européen (2e à 5e branches). Droit interne : violation des articles 75 et 144 du code civil, la condition de différence de sexe étant étrangère à ces textes et l'article 75 n'imposant aucune formule sacramentelle au mariage. Droit européen : violation des articles et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ; atteinte grave à la vie privée et au droit de se marier librement en excluant les personnes de même sexe alors que ces textes n'impliquent pas obligatoirement que les époux soient de sexe différent et en privant de ce fait les homosexuels du droit de se marier ; violation de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantit le droit de se marier sans référence aucune au sexe. [...]
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