« Quel que soit l'être de chair et de sang qui vient à la vie, s'il a figure d'homme, il porte en lui le droit humain. » C'est sans doute là ce qu'aurait répondu Monsieur Jean Jaurès s'il avait eu à se prononcer sur l'article premier de la loi du 4 mars 2002 et plus précisément sur son alinéa un.
En effet, cet article de loi aborde notamment la question de la légitimité des préjudices à la fois de l'enfant né d'un handicap mais également celui de ses géniteurs en mêlant à cela des dispositions sur la responsabilité du corps médical mais aussi sur l'application de la législation elle-même. Cette notion de préjudice, niée à l'enfant et reconnue aux parents dans une certaine mesure, est pondérée par le principe du droit à la vie lequel à une réalité juridique qui va bien au-delà du cadre national puisque consacré par la Convention Européenne des Droits de l'Homme dans son article 2.
Cet article, et plus généralement cette loi, fait suite à l'arrêt « Perruche » de la cour de Cassation du 17 novembre 2000. Dans cet arrêt de principe, la Haute Cour reconnaît à un enfant (Nicolas Perruche) le préjudice d'être né handicapé, le médecin n'ayant pas décelé son handicap lors du diagnostique prénatal exigé par la mère. La Cour reconnaît à son demandeur qui agit en qualité de victime un droit à réparation à la charge du corps médical. On peut dire sans exagérer qu'une telle approche du préjudice par la jurisprudence sème le trouble au sein du droit et au sein même de la société car il permet de demander réparation pour le fait d'exister. Il est donc peu surprenant, si ce n'est attendu, qu'un tel arrêt entraîne une réaction législative musclée.
C'est à Monsieur Bernard Kouchner, alors ministre de la santé, qu'incombe la tâche de légiférer sur le sujet. La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est le résultat de son labeur. Cette loi est donc prise en urgence ce qui explique ses imperfections et les polémiques qu'elle a engendrées notamment de la part des associations vouées aux handicapés.
L'article 1 du Titre 1 intitulé Solidarité envers les personnes handicapées, pose plusieurs problèmes comme la légalité des préjudices en cause, mais également la question de savoir si une telle loi est réellement nécessaire puisque la jurisprudence Perruche est isolée. En effet, dans les affaires précédant les juges, qu'ils soient attachés au fonds comme au droit, ont toujours refusé de reconnaître le préjudice d'exister peu importe comment on existe et pourquoi.
Il semble donc pertinent de s'interroger sur les conséquences de la loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner par rapport au préjudice de l'enfant qu'elle cherche finalement à anéantir (1), puis par rapport au préjudice invoqué par les parents qu'elle reconnaît dans une certaine mesure (2).
[...] B : L'application controversée de l'article 1 de la Loi Kouchner L'application de l'article 1 de la loi Kouchner est possible à toutes les instances en cours Peut-on alors parler de rétroactivité ? Selon l'article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif Alors, comment comprendre cet alinéa 4 ? Il semblerait que le législateur de 2002 ait cherché à contourner l'interdiction posée par l'article 2 du Code civil en fixant une limite à la rétroactivité : la date d'introduction de l'instance c'est-à-dire les affaires pour lesquelles toutes les voies de recours n'ont pas été épuisées. [...]
[...] Cet alinéa est assez riche, car en plus de reconnaître un dommage entraînant réparation, il fixe des limites au préjudice parental. Cependant, on peut s'interroger sur le bien-fondé d'un préjudice parental. Pour mieux comprendre pourquoi le législateur accorde aux parents des réparations du seul fait de leur statut, essayons d'en saisir la nature. Un préjudice, si on sort du langage purement juridique, est une gêne directement occasionnée par élément extérieur (attitude, paroles, ) et pour laquelle on estime avoir droit à des réparations. [...]
[...] Notons à titre indicatif que la Cour Européenne des Droits de l'Homme sanctionne la France sur le fondement de l'article 1 du protocole numéro 1 relatif aux atteintes aux droits des intéressés. On peut aussi remarquer que la loi susmentionnée du 11 février 2005 relative au droit à l'égalité avait créé un précédent au niveau national. Toutefois, l'application de l'article 1 de la loi Kouchner, plus soumise à son article 4 n'obéit plus, à l'heure actuelle, au principe dégagé par les juges européens. [...]
[...] La loi Kouchner, article 1 alinéa 3 s'applique justement à clarifier les rôles de chacun et ses implications. Pour commencer, le législateur de 2002 formule une première réserve au préjudice parental : pour que celui-ci donne lieu à des réparations et donc existe juridiquement, la responsabilité du corps médical dans l'existence du handicap doit être engagée pour faute caractérisée Cette disposition fait directement référence à celle qui la précède. Or, comme nous l'avons vu au-dessus, la responsabilité du médecin et du corps médical en général est très délicate à mettre en cause. [...]
[...] C'est là le paradoxe puisque la jurisprudence n'a pas force de loi et qu'on ne peut s'en prévaloir. Par ailleurs, l'article 1 de la loi Kouchner et son alinéa un en particulier permet d'anticiper d'éventuelles dérives en matière de préjudice et donc de responsabilité. Antérieurement à la loi en question, les affaires présentées devant les tribunaux opposaient un enfant né handicapé à un médecin qui n'a pas été en mesure de déceler ce handicap. Mais, à partir du moment où on reconnaît à l'enfant le préjudice d'être né, on peut légitimement se demander si la responsabilité ne risque pas de basculer du médecin aux parents qui ont donné la vie en conscience du handicap ou qui l'on provoqué (par exemple une femme qui fume pendant sa grossesse Une fois le préjudice de vivre reconnu on peut craindre l'avènement du procès de l'enfant contre ses parents, car ceux-ci lui ont donné la vie, une vie qu'il exècre. [...]
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