Le dommage, en tant que lésion d'un intérêt, est traditionnellement considéré comme une condition nécessaire de la responsabilité civile. Ce trait de caractère est lui-même dicté par la fonction essentiellement réparatrice et indemnisatrice de la responsabilité civile. Que celle-ci cherche avant tout à réparer un dommage implique naturellement l'existence d'un dommage. Et, de fait, la jurisprudence confirme que le préjudice est bien une condition indispensable de la mise en œuvre d'une responsabilité civile.
Pourtant, un courant de contestation tend aujourd'hui à remettre en cause cette analyse. Les auteurs qui nient l'existence d'une véritable « responsabilité contractuelle » considèrent que l'allocation de dommages et intérêts n'est qu'un mode d'exécution par équivalent du contrat inexécuté. Ils sont alors conduits à nier l'existence d'un préjudice, la seule constatation de l'inexécution suffisant selon eux à justifier l'allocation de dommages et intérêts.
Plus récemment, ce sont les partisans, dont C. THIBIERGE, d'une responsabilité strictement « préventive » fondée sur le principe de précaution qui ont porté l'assaut. Ils considèrent que la nécessité de prévenir des dommages graves et irréversibles menaçant l'humanité devrait conduire à imposer des mesures préventives avant tout dommage et alors même qu'un dommage ne serait qu'éventuel.
Pour le moment, la jurisprudence n'a guère été sensible à ces remises en cause doctrinales de l'exigence d'un dommage.
Comme la responsabilité délictuelle, la responsabilité contractuelle suppose toujours la réalisation d'un dommage et la preuve de celui-ci, preuve qui se fait par tous moyens, s'agissant d'un fait juridique.
La faute contractuelle consistant en une inexécution du débiteur, le dommage ne peut, lui, être envisagé qu'au regard du créancier et consiste dans les conséquences néfastes de l'inexécution. Sans doute, le plus souvent, le fait de l'inexécution emporte la réalisation d'un préjudice. Mais il peut arriver, de manière exceptionnelle certes, qu'une inexécution ne cause pas de véritable dommage. Ainsi lorsque, par suite de circonstances nouvelles, le contrat ne présente plus d'intérêt pour le créancier.
Pourtant, diverses décisions ont adopté, au regard de cette exigence d'un dommage, des positions discordantes. Un arrêt de la troisième chambre civile du 30 janvier 2002 a admis qu'un preneur pouvait être tenu d'indemniser son bailleur pour manquement à ses obligations, sans qu'il soit besoin de justifier d'un dommage. Mais le 3 décembre 2003, la même chambre rappelait clairement la nécessité d'un dommage. Puis la première chambre civile est venue semer le doute en décidant que « si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention ». La solution a été réaffirmée par la suite dans les mêmes termes le 31 mai 2007.
Aux termes de l'article 1149, ce dommage peut, comme en responsabilité délictuelle, consister aussi bien dans un gain manqué que dans une perte. Entrent ainsi dans le préjudice, non seulement tout ce dont le créancier s'est trouvé privé du fait de l'inexécution – inexécution stricto sensu ou mauvaise exécution – mais encore tous les effets induits par cette inexécution, et notamment les suites directes des préjudices.
Quant à leur nature, la responsabilité contractuelle prend en considération les mêmes dommages que la responsabilité délictuelle : préjudices matériels comme dommages moraux.
Irrésistiblement, les problématiques se portent sur ce que recherchent à tout prix les victimes : obtenir réparation. Et cette question est d'autant plus lancinante que les dommages ont pris une ampleur démesurée, en nombre et en intensité, avec le développement de cette nouvelle forme de dommage qu'est l'accident et d'une nouvelle cadence, avec les risque sériels. Dès lors, si le fait générateur et le lien causal passent au second plan, le droit de la responsabilité civile n'est-il pas voué à devenir un droit de la réparation ? L'entreprise débouche alors sur un vide législatif inquiétant, tant sur les conditions que sur l'évaluation de la réparation, sinon une exigence, celle de l'article 1382 et une évidence, le principe de réparation intégrale. Toutes les réponses ou presque étant prétoriennes, il en résulte un double transfert : d'abord de compétence, de la loi vers le juge, ensuite de financement, du responsable vers la collectivité. Les largesses du droit de la responsabilité devraient être logiquement compensées par une plus grande rigueur des règles de réparation. Or, le juge, libre de toute entrave juridique et sans doute rassuré par la prise en charge collective des dommages, s'expose au double danger qui menace aujourd'hui notre système d'indemnisation : réparer trop, réparer mal.
Différents acteurs érigent alors des règles afin d'enrayer cette évolution qui tend vers une réparation excessive des dommages : le législateur à travers les textes qu'il adopte et le juge à travers les décisions qu'il rend (I) et les parties à travers les conventions qu'elles contractent (II).
[...] De telles clauses peuvent être déclarées abusives ou contraires à l'ordre public. Enfin, il faut observer que dans les cas où la loi se borne à interdire les clauses de non- responsabilité, une clause limitative de responsabilité ne saurait fixer un plafond d'un montant dérisoire : opérant une véritable fraude à la loi, la clause pourrait être réputée non écrite et ainsi privée d'effet. Un arrêt Faurecia de la chambre commerciale du 13 février 2007 exposait que ces clauses ne pouvaient aucunement couvrir un manquement à une obligation essentielle. [...]
[...] A noter que la Cour de cassation a condamné une pratique prétorienne en déclarant que l'état végétatif d'une personne humaine n'excluant aucun chef indemnitaire, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments Une autre tentative de réduction du droit à réparation de la victime en considération de l'aide que lui apportent ses proches a également échoué. Celle concernant l'incidence de l'obligation pour la victime de minimiser son dommage n'est pas définitivement tranchée. Selon la Cour de cassation, la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable (2e Civ juin 2003). [...]
[...] Malgré l'annexe à l'article L.132-1 du Code de la consommation, laquelle déclare comme clause abusive celles qui ont pour objet ou pour effet d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé la clause pénale n'est pas relevée en principe comme abusive. Sa validité ne peut être mise en cause que dans deux cas : lorsque le montant de la peine, faible par rapport aux dommages potentiels lui fait jouer le rôle d'une clause limitative de responsabilité interdite ; a fortiori lorsque le montant de la peine apparaît dérisoire de sorte que la clause pénale produit les effets d'une clause de non-responsabilité prohibée. Dans les deux cas, la clause doit être réputée non écrite. [...]
[...] En vertu de l'article 1149, le principe est ici le même que pour la responsabilité délictuelle : la réparation doit être mesurée à l'importance du dommage. La somme allouée doit compenser la totalité du préjudice causé par l'inexécution, sans enrichir le créancier. C'est le principe dit de réparation intégrale. Mais le champ d'application de ce principe se trouve réduit par la règle que seul le dommage prévisible a lieu d'être réparé. La réparation intégrale redevient la règle lorsque le débiteur s'est rendu coupable d'une faute intentionnelle ou d'une faute lourde. Toutefois, la portée de ce principe a été atténuée d'abord par des assouplissements de droit. [...]
[...] Néanmoins, la Cour n'est pas absolument hostile à une certaine obligation de minimiser le dommage. C'est ce qui paraît résulter d'un arrêt du 3 mai 2006 par lequel la première chambre civile approuve les juges du fond d'avoir refusé de réduire l'indemnisation du dommage de la victime d'une contamination posttransfusionnelle qui avait refusé un traitement, qu'elle n'était pas obligée de suivre, en se fondant sur le fait que celui-ci n'avait que 50% de chances d'avoir des effets bénéfiques. Selon la Cour, ce refus ne pouvait entraîner ni la perte ou la diminution de son droit à une indemnisation, ni la prise en compte d'une aggravation susceptible de découler d'un tel choix L'avant-projet de réforme du droit des obligations prévoit que l'abstention de la victime à prendre, par des moyens sûrs, raisonnables et proportionnés, des mesures de nature à réduire l'étendue de son préjudice ou à en éviter l'aggravation doit entraîner une réduction de son indemnisation, sauf si ces mesures étaient de nature à porter atteinte à son intégrité physique (article 1373). [...]
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