Liberté d'expression, responsabilité civile délictuelle, article 10 de la CEDH, article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, article 1240 du Code civil, loi sur la liberté de la presse de 1881, droit à réparation, droits de la personnalité, article 9 du Code civil, attentats de Charlie Hebdo
"Qu'est-ce que la liberté d'expression ? Sans la liberté d'offenser, elle cesse d'exister". Par cette ligne, l'auteur indien Salman Rushdie affirme l'idée suivant laquelle le principe multiséculaire de la liberté d'expression doit nécessairement passer par une forme de violence envers autrui : c'est, en quelque sorte, un mal pour un bien. Cette idée de concession permet de mettre en relief la primauté de la notion de liberté d'expression, qui semble pouvoir apporter justification à une offense faite à autrui. En effet, la liberté d'expression est un principe fondamental de tout État de droit, défini comme le droit de toute personne à penser comme elle le souhaite, mais aussi à pouvoir exprimer ses opinions par tous les moyens qu'elle juge opportune.
Considéré comme étant universel, le principe a, en France, valeur constitutionnelle puisqu'il se retrouve dans l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle-même intégrée au préambule de la Constitution de 1958, et qui déclare notamment que "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement (...)". L'émoi, la révolte et la solidarité qui ont suivi les attentats de Charlie Hebdo en 2015 témoignent de la profonde reconnaissance et du respect immense de cette valeur par le peuple français. Au niveau international, ce principe est également reconnu et protégé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, mais aussi par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
[...] La responsabilité civile, normalement à la portée générale, n'apparait donc plus que comme un principe subsidiaire derrière la loi de 1881, et les abus de la liberté d'expression n'entrant pas dans le champ d'application de cette dernière ne feront l'objet d'aucune sanction. Or, « Toute faute ne peut se caractériser comme un abus de droit, mais tout abus de droit peut se caractériser comme une faute » (Emmanuel Dreyer), et il s'agirait donc, en suivant un raisonnement logique, de rétablir le caractère universel de la responsabilité civile en permettant de nouveau l'application de l'article 1240 aux cas d'abus de la liberté d'expression. [...]
[...] Cette responsabilité civile ne peut être mise en œuvre que si sont réunis un fait générateur, qui est un fait quelconque fautif pouvant venir de l'individu concerné, d'une chose ou autrui, un dommage subi par la victime, et un lien de causalité entre ce fait générateur et ce dommage. Alors l'individu responsable sera tenu de réparer le dommage qu'il a causé, l'indemnisation étant la finalité première de la responsabilité civile. Par l'appellation de « responsabilité civile » sera donc désignée la responsabilité civile délictuelle et pas contractuelle, laquelle découle de la violation d'une obligation contractuelle. [...]
[...] Alors, la responsabilité civile légale telle qu'inscrite à l'article 1240 du Code civil, bien que la disposition soit civile et non pénale, joue un rôle clairement dissuasif, sinon préventif : en effet que serait une société dans laquelle les individus ne seraient pas tenus de réparer le dommage qu'ils causent à autrui ? Peut-être pas nécessairement une anarchie, mais au moins une société injuste, où les individus à l'origine d'un dommage, qu'il soit inintentionnel ou purement volontaire, ne seraient pas tenus de réparer celui ou celle qui le subit. La responsabilité civile a donc une portée morale essentielle, et c'est un principe qui, en plus d'avoir été consacré par le législateur, a été élevé à plusieurs reprises au rang de principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel. [...]
[...] ou plus simplement, faire une lecture stricte des textes applicables en la matière. Ainsi, il pourra soit qualifier une faute civile par application de l'article 1240 du Code civil, soit un délit de presse par application de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Alors si, par exemple, il retrouve dans une manifestation de la liberté d'expression une « allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » (article 29 de la loi du 21 juillet 1881), alors il pourra qualifier une diffamation qui justifiera une limite à la liberté d'expression en faveur du droit à la réparation des dommages alors causés. [...]
[...] Si la valeur du préambule de la Constitution de 1958, dans lequel est contenue la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et donc le principe de la liberté d'expression, a longtemps fait débat, la question a été réglée par la décision constitutionnelle « Liberté d'association » du 16 juillet 1971 qui cite, au titre de ses visas, « la Constitution et notamment son préambule »: le contenu du préambule de la Constitution a valeur constitutionnelle au même titre que le corps du texte, et donc la liberté d'expression est un principe à valeur constitutionnelle. Ainsi la responsabilité civile, dont découle le principe de réparation, et la liberté d'expression, sont deux principes égaux à valeur constitutionnelle. [...]
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