L'intérêt de l'enfant, ainsi que le disait Jean Carbonnier, est une « notion magique ». Il fait partie de ce que l'on appelle les standards du droit, c'est-à-dire des notions à contenu variable et indéterminé. Mais il n'est pas inutile pour autant. En effet, si le législateur se préoccupe de l'intérêt de l'enfant et pas celui de l'adulte, c'est que les adultes ont une autonomie qui leur permet de faire des choix.
Le problème vient du fait que l'intérêt de l'enfant n'est pas défini : il est donc susceptible de plusieurs sens qui peuvent s'opposer : intérêt éducatif contre intérêt affectif, intérêt immédiat contre intérêt futur, intérêt substantiel contre intérêt conflictuel. La Convention internationale des Droits de l'Enfant de 1984, qui cite « the best interest of the child » (traduit par l'intérêt supérieur de l'enfant) invite à arbitrer entre ces différents intérêts.
Dans quelle mesure ces derniers peuvent-ils s'opposer ?
[...] Dans cet exposé, nous adopterons une conception large du sujet : nous ne nous contenterons pas de viser les références expresses à l'intérêt de l'enfant présentes dans le Code civil, mais nous tenterons de montrer que cette notion est présente dans toutes les dispositions qui concernent l'enfance et dans les débats actuels concernant le droit de la famille. L'inflation de cette référence paraît d'ailleurs inquiétante car l'intérêt de l'enfant, selon le Doyen Carbonnier, paraît à même de rendre superflues toutes les institutions familiales. [...]
[...] Il en est de même pour l'enfant de plus de 13 ans en cas de changement de prénom (article 60). L'enfant mineur a également le droit de saisir personnellement le juge des enfants. Si ces remèdes ne sont pas appliqués, on pourrait assister à un coup d'état judiciaire. Un risque de coup d'état judiciaire Certains auteurs craignent que la considération de l'intérêt de l'enfant via la Convention internationale des droits de l'enfant, texte supra national, ne remette en cause les règles du Code civil. [...]
[...] L'article 373-2-6 dispose que le juge aux affaires familiales intervient dans l'intérêt de l'enfant. L'article 375-1, quant à lui, fait de l'intérêt de l'enfant la finalité de l'intervention du juge des enfants. Enfin, l'article 373-3 prévoit que cet intérêt est le critère dont il est tenu compte pour confier l'enfant à un tiers. On pourrait ainsi craindre que le juge se réfère à la pédagogie dominante qui n'est pas la plus adaptée au cas d'espèce, notamment concernant les familles immigrées. [...]
[...] Cependant, on peut noter deux tempéraments à ce principe. Un tempérament législatif tout d'abord : l'article 337 du Code civil concernant la contestation de la filiation permet au juge de donner un droit de visite à celui dont le lien de filiation a été détruit. C'est le seul texte en matière de filiation qui fait référence à l'intérêt de l'enfant. Un tempérament jurisprudentiel ensuite : dans un arrêt du 5 juillet 2007, le Tribunal de grande instance de Lyon a refusé d'ordonner une expertise biologique pour motif légitime d'intérêt de l'enfant à conserver son ancienne filiation. [...]
[...] La Cour de cassation ne s'est alignée sur la position du Conseil d'Etat que depuis 2005. Elle a attendu que le droit français soit conforme à la Convention internationale des droits de l'enfant pour la déclarer d'applicabilité directe. Même si elle semble faire très souvent référence à l'intérêt de l'enfant, elle ne fait que sanctionner les juges du fond quand ils oublient de mentionner l'intérêt de l'enfant. Les cassations prononcées sont simplement disciplinaires. Ainsi, la notion d'intérêt de l'enfant n'est pas encore à même de rendre superflues les institutions familiales du droit civil français. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture