Le trait d'esprit de Pierre Desproges en réponse à la question « peut-on rire de tout ? » est resté fameux « oui mais pas avec n'importe qui ».
L'humour est un moyen privilégié pour faire passer des messages politiques ou des opinions qui, sous une forme plus commune pourraient choquer.
Le rire et l'humour sont omniprésents dans la vie de la société : presse (journal satirique, caricatures), cinéma (comédie), arts plastiques, livre, théâtre (pamphlet et satire), musique (parodie), télévision (émission humoristique)…
Le législateur français estime que la parodie, le pastique et la caricature sont des exceptions à la protection du droit d'auteur, exigeant un accord écrit de l'auteur, à condition qu'il y ait un but ludique.
L'utilisation d'une marque est tolérée lorsque c'est pour exercer la critique sociale et environnementale par biais de l'humour.
De même, la diffamation sur le ton de l'humour n'est pas sanctionnée sévèrement si la bonne foi est prouvée.
Le droit semble ne s'intéresser à l'humour que lorsqu'il est question d'expression d'opinion, de jugements concernant la vie privée d'une tierce personne, la religion, l'écologie ou autre problème de société. Car, force est de constater que l'humour peut être une forme d'expression justifiant un jugement de valeur qui, si elle n'était pas exprimée sous le ton de l'humour, engagerait la responsabilité de son auteur.
Le but principal de l'humour est de faire rire l'audience à laquelle il est destiné, dans ce contexte, l'humour est propre à chacun et ne devrait, a priori, pas être réprimé, en ce qu'il fait partie intégrante de la liberté d'expression.
En effet, la liberté d'expression est protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Or, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, sans une solide garantie du droit à la liberté d'expression, protégée par des tribunaux indépendants et impartiaux, il ne saurait y avoir de pays libre ou de régime démocratique.
C'est ainsi que la liberté d'expression est considérée par la Cour européenne des droits de l'homme comme un des fondements essentiels d'une société démocratique, en étant une des conditions primordiales pour son progrès et pour l'épanouissement de chacun (CEDH Handyside contre Royaume-Uni, 1976).
Cependant, la liberté d'expression n'est pas sans limite, car elle se voit censurée lorsqu'elle porte atteinte à l'honneur ou la réputation d'autrui. La Cour européenne des droits de l'homme et du citoyen attache alors de l'importance au ton utilisé par l'auteur pour censurer ou non ses paroles.
Généralement la liberté de critique sur le ton de la plaisanterie est reconnue et protégée par les textes. Cependant, il en va autrement lorsque l'humour est emprunt de moqueries poussées, dénigrements et déshonneur d'une personne.
Force est de constater que le rire se fait souvent au détriment de quelque chose, ou d'autrui. Se pose alors le problème des limites accordées à la plaisanterie.
Pénalement, la blague terroriste, le bizutage, le cas nullard sont réprimés car ils portent atteinte à la personne d'autrui ou le font craindre sérieusement.
L'humour n'est donc pas sans limite et les tribunaux peuvent être saisis d'un cas « d'humour déplacé » qui porte atteinte aux intérêts d'autrui.
On peut alors se demander quelles sont concrètement les interactions entre humour et droit, peut-on rire de tout ? Et comment ?
Nous verrons que l'humour, corollaire de la liberté d'expression, est protégé par le droit (I), mais il est également encadré par le droit (II).
[...] Les limites que connaît l'humour sont alors sanctionnées par les tribunaux. En effet, des limites à la liberté d'expression et donc à l'humour sont prévues notamment par l'alinéa 2 de l'article 10 de la CESDH : L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire Ainsi, lorsque la loi le prévoit et lorsqu'il existe un motif légitime à la limitation de ce droit, l'humour connaît des limites. [...]
[...] Les tribunaux civils peuvent donc sanctionner pour faute et pour atteinte à la personne, l'humour déplacé d'une personne. La 1ère chambre civile a ainsi jugé le 16 juillet 1998, dans une affaire de caricature d'un personnage politique dans un jeu vidéo, que l'utilisation dans un sens volontairement dévalorisant de l'image d'une personne justifie que soient prises par le juge toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte ainsi portée aux droits de la personne Par contre, dans l'affaire des caricatures de Mahomet, le Tribunal de Grande Instance de Paris a décidé le 22 mars 2007, dans procès de Charlie Hebdo, qu'il n'y avait pas d'injure à l'encontre de la communauté musulmane dans son ensemble, mais une critique des islamistes terroristes, ne justifiant pas de sanction pour les dessins humoristiques. [...]
[...] En utilisant le ton de l'humour, les opinions péjoratives ou critiques sont mieux perçues. Ainsi, le film controversé La vie est belle de Roberto BENIGNI au sujet de la Seconde Guerre Mondiale illustre la possible conciliation entre l'humour et le respect de la dignité des personnes, ainsi que la reconnaissance de la gravité des actes passés. Le réalisateur y évoque un père racontant avec humour à son fils les horreurs de la Shoah, la lui présentant comme une gigantesque farce. [...]
[...] On peut alors se demander quelles sont concrètement les interactions entre humour et droit, peut-on rire de tout ? Et comment ? Nous verrons que l'humour, corollaire de la liberté d'expression, est protégé par le droit mais il est également encadré par le droit (II). I L'humour protégé par le droit L'humour est un corollaire de la liberté d'expression qui est protégée par de nombreux textes mais également par la jurisprudence A Une protection par les textes De nombreuses dispositions ayant trait à la liberté d'expression permettent de protéger l'humour. [...]
[...] Pages 235 et suivantes. - Liberté d'expression, un guide sur la mise en œuvre de l'article 10 de la CESDH Monica MACOVEI, Précis sur les droits de l'homme n°2. Codes et textes - Article 10 de la DDHC de 1789. - Loi du 29 juillet 1881 (articles 29 et suivants) - Code pénal - Code Civil (articles 9 et 1382 et suivants) - Code de propriété intellectuelle (article L122-5§4) - Article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. [...]
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