Fidèle aux conceptions du droit romain et de l'ancien droit, le code pénal de 1810 sanctionnait le recel comme une forme de complicité de l'infraction d'origine. Ce régime juridique portait atteinte aux principes généraux du droit car il tenait pour un acte de complicité un comportement postérieur à l'infraction d'ores et déjà consommée. La théorie de l'emprunt de criminalité ,qui régit tout le droit de la complicité,imposait que l'acte d'aide d'aide ou d'assistance apporté à l'auteur principal soit nécessairement antérieur ou concomitant à l'infraction principale. L'arrêt Begnis,arrêt de principe, disposait ainsi que « la complicité ne peut être réalisée aux yeux de la loi ni par des faits postérieurs à l'acte principal,ni par une simple abstention » 15 janvier 1948. Pour éviter que des comportements répréhensibles n'échappent à la répression du fait de leur localisation dans le temps,le législateur a été contraint d'intervenir pour incriminer de façon spécifique certains agissements postérieurs et respecter de la sorte les solutions imposées en la matière. Ainsi, la loi du 22 mai 1915 a-t-elle érigé le recel de choses en délit distinct,lui reconnaissant une répression indépendante de celle de l'infraction d'origine. Aujourd'hui,l'art 321-1 définit le recel en ces termes: « le recel est le fait de dissimuler,de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre,en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Constitue également un recel,le fait en connaissance de cause, de bénéficier,par tout moyen,du produit d'un crime ou d'un délit ». Cette incrimination générale du recel de choses ne doit pas occulter que certains recels ont été incriminés spécialement et sont soumis à des règles particulières. En effet, le recel par profit tiré de l'infraction est une notion potentiellement si extensive que la seule cohabitation,voire de simples rapports réguliers avaient un délinquant risqueraient de suffire à le caractériser. La loi a donc viser spécifiquement certaines de ces hypothèses en traçant les contours précis de l'infraction,ainsi distinguée du recel proprement dit. L'art 321-6 alinéa 1 assimile à un receleur celui qui ne peut justifier l'origine d'un bien qu'il détient alors qu'il est en relations habituelles avec une personne qui se livre à la commission de crimes ou délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Il s'agit de présumer un recel que l'on ne parvient pas à établir. La même technique peut être étendue au détriment de celui qui tire profit de l'activité d'autrui qui ,à défaut d'être criminelle,présente un caractère asocial. Il est en est ainsi de celui qui ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie alors qu'il vit avec une personne se livrant à la prostitution. La solution est identique pour celui qui est dans la même incapacité alors qu'il exerce une influence sur des personnes se livrant à la mendicité. Sont également réprimés de façon spécifique le recel de cadavre,de malfaiteurs, de déserteur... Il est à noter que le recel est susceptible d'être justifié par l'ordre ou l'autorisation de la loi. Le greffier qui détient des billets de banque contrefaits à la suite de leur saisie, l'officier de police judiciaire qui détient des stupéfiants...De même, il a été admis que les droits de la défense pouvaient entraîner ce résultat (11 juin 2002).
[...] Infraction autonome,le recel illustre de manière éloquente le pouvoir de la jurisprudence dans l'interprétation des textes. Le silence initial du législateur lui a permis d'accroitre sans cesse le champ d'application d'un délit qui semblait à l'origine fort simple et pourvu de contours bien définis. Ici encore, elle a dématérialisé des comportements afin de durcir la répression en réduisant le concept de détention à une notion quasi évanescente. De plus, le recel rejoint ici certaines infractions contre les biens, même s'il ne se contente pas de protéger les atteintes au droit de propriété, dans le débat de plus en plus vif sur l'appréhension par le droit pénal des biens immatériels. [...]
[...] La jurisprudence a,en outre, fait preuve d'une grande rigueur en admettant pendant un temps que l'intention frauduleuse pouvait apparaître après la réception de la chose, à tout moment de la détention. Elle assimilait le recel différé au recel immédiat. Or, il est de règle que tous les éléments constitutifs d'une infraction doivent coexister au moment de sa commission matérielle: en conséquence, l'intention du receleur doit être présente quand il reçoit la chose ou quand il tire profit de l'infraction d'origine. [...]
[...] Quant aux fond, cette dépendance se répercute sur les éléments constitutifs du recel,qui ne peut se concevoir qu'en présence d'une infraction d'origine et sur les modalités de sa répression A. L'INFRACTION PREALABLE,CONDITION D'EXISTENCE DU RECEL. Délit autonome depuis 1915, le recel n'en demeure pas moins une infraction de conséquence, dépendante de la caractérisation d'une infraction d'origine. La rédaction de l'ancien article 460 avait semblé limiter le champ d'application du recel: en visant les choses »enlevées,détournées ou obtenues paraissait se référer aux seules infractions de vol, escroquerie et abus de confiance. Cependant, la jurisprudence n'avait pas hésité à généraliser le domaine du recel à toutes les infractions. [...]
[...] Allant plus loin, une décision a admis que le fait de mettre son compte bancaire à la disposition d'un escroc pour qu'il y fasse transiter des sommes est un recel CA Paris 13 février 1990. dans ce prolongement, l'article 321-1 considère comme receleur celui qui se contente de faire office d'intermédiaire afin de transmettre la chose et qui, éventuellement,ne l'aura jamais entre les mains,son acte consistant à rapprocher l'auteur de l'infraction d'origine et le receleur. Suffisante, la détention n'est pas nécessaire:il suffit que l'agent bénéficie,par tout moyen,du produit d'un crime ou d'un délit. L'acte matériel de recel se dématérialise. [...]
[...] De la dissimulation de la chose, les juges vont déduire sa connaissance de l'origine frauduleuse. On peut commettre l'infraction, en réalité,en détenant la chose ou, plus largement,en tirant profit de l'infraction d'origine. Au sens strict,détenir une chose c'est avoir la mainmise sur elle pendant une certaine durée: apparaissent une composante matérielle et une composante temporelle. S'agissant de la composante temporelle,les juges savent se la rappeler lorsqu'elle facilite la répression:ils en concluent que le recel est une infraction continue,si bien que le point de départ du délai de prescription de l'action publique est repoussé au jour ou la détention prend fin et que de nouvelles poursuites sont possibles si l'agent continue à détenir la chose après une condamnation. [...]
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