La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs est de celle que l'on n'espérait plus. Issue d'une longue maturation, remontant à plus de dix années auparavant, elle cherche à répondre à une évolution du droit dit des incapacités qui nécessitait une révision de la loi du 3 janvier 1968, certes fondatrice du droit nouveau, mais qui avait tout de même près de quarante ans d'existence. La réforme a été précédée de nombreuses études et rapports et la doctrine, souvent discrète sur ce secteur du droit civil, s'est développée heureusement pendant ces années de préparation. La difficulté de réformer n'en était pas moins certaine pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, contrairement à d'autres réformes récentes dans le même domaine du droit des personnes (divorce, filiation, succession, etc.), la réforme du droit des incapables majeurs ne pouvait qu'induire un certain coût, elle ne pouvait se faire à coût constant. C'est que l'application même du droit des incapacités implique un personnel, de plus en plus nombreux, formé et qualifié, et qu'il eût été illusoire de préparer un droit nouveau sans s'en préoccuper. La voie avait déjà été tracée en 1964-1968 quand le doyen Carbonnier avait arraché la création d'un juge spécialisé, le juge des tutelles, sans qu'on puisse affirmer que tous les moyens espérés ont été ensuite au rendez-vous. La réforme impliquait donc une participation d'autres administrations que celle de la justice, santé publique, finances, secrétariat d'état à la famille qui ne pouvait que rendre l'entreprise plus délicate mais aussi plus fructueuse si elle était réussie. Le splendide isolement dans lequel se complaisent parfois les civilistes n'était donc pas de mise et les participations ne pouvaient être que nombreuses.
[...] Les décrets et arrêtés d'application auront une grande importance et, même si le chemin est tracé, il sera semé de toutes sortes d'embûches. La fin du XIXe siècle avait vu s'amorcer un véritable droit de la protection de l'enfant, le début du XXIe voit s'ouvrir un droit de la protection des majeurs, à chaque siècle ses impératifs. Si la loi du 5 mars 2007 traduit une bataille gagnée, la guerre ne l'est pas encore Bibliographie Le Recueil Dalloz. La Semaine Juridique. [...]
[...] Aussi hardie que puisse paraître l'image et au risque de chagriner ceux qui ont oublié les réactions hostiles qu'elle suscita, la loi de 1975 était la traduction en droit de la famille du mouvement de mai 1968 : laissez-moi régler ma vie personnelle La progression de l'idée qui commence à faire l'objet d'une vraie systématisation sera variable selon les secteurs du droit des personnes et de la famille. Mais la loi de 2007 se situe dans la continuité du divorce par consentement mutuel facilité, des conventions dans les divorces contentieux (C. civ., art. 268), de la permission encadrée des pactes sur succession future, de la décadence du caractère d'ordre public de la réserve (C. civ., art. 929), de l'ouverture des substitutions permises, etc., voire même, allons jusque-là, de l'admission de la fiducie par la loi du 19 février 2007. [...]
[...] D'un côté c'est la personne qui ressort victorieuse de la réforme, comme dans toutes celles concernant le droit de la famille ces dernières années, au détriment des corps intermédiaires (la famille et elle se trouve en face de l'État, il est vrai personnalisé par le juge ou ses délégués (mandataires judiciaires à la protection des majeurs) de l'autre, et le lien avec le premier terme est évident, c'est l'autonomie de la volonté qui s'impose, une autonomie bien tempérée mais tout de même enfin c'est l'aspect social qui progresse renforçant le pont entre le droit civil des personnes et le droit social entendu au sens large et même sans doute le droit de la consommation autour du concept de vulnérabilité La personne De la réforme de l'autorité parentale en 2002 à la réforme de la filiation en 2006, en passant par celle du divorce en 2004, c'est une vision prépondérante de la personne individu qui domine au détriment des analyses plus collectives du droit des personnes et de la famille. La réforme du 5 mars 2007 n'y échappe pas mais le mouvement vient de loin. [...]
[...] Les actes médicaux touchent évidemment pour l'essentiel à la personne de l'incapable mais qui, dans une époque de dépenses de santé explosives et de moins en moins bien assurées, osera avancer qu'ils ne comportent aucune incidence patrimoniale ? De même encore, le débat presque historique entre le rôle de la famille et le rôle de l'État se devait de se rouvrir avec un élément de nouveauté redoutable. Alors que l'État était en général représenté sous la forme du juge avec le diptyque rassurant voulu par Carbonnier, famille ou juge, voilà que la publicisation parfois dénoncée des tutelles prenait une autre allure impliquant cette fois l'État ou ses collectivités décentralisées directement, dispensatrices de crédit et de personnel. [...]
[...] Haut du formulaire Des incapables aux personnes vulnérables La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs est de celle que l'on n'espérait plus. Issue d'une longue maturation, remontant à plus de dix années auparavant, elle cherche à répondre à une évolution du droit dit des incapacités qui nécessitait une révision de la loi du 3 janvier 1968, certes fondatrice du droit nouveau, mais qui avait tout de même près de quarante ans d'existence. La réforme a été précédée de nombreuses études et rapports et la doctrine, souvent discrète sur ce secteur du droit civil, s'est développée heureusement pendant ces années de préparation. [...]
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