Lors de son entretien télévisuel du 14 juillet 2002, le Président de la République, Jacques Chirac déclara qu'il voulait marquer son quinquennat par trois grands chantiers: "Le troisième chantier, ce sont les handicapés qui en France n'ont pas encore trouvé leur place convenablement de façon digne et beaucoup de progrès restent à faire". Ces derniers propos tenus par le chef d'Etat du "pays des droits de l'Homme" peuvent paraître choquant pour tout individu extérieur. En effet, la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen adoptée par les constituants le 26 août 1789 ne proclame-elle pas que "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" dans son article premier? Dès lors, pourquoi le législateur devrait prendre des mesures positives afin de donner une place dans la société aux personnes handicapées, place qu'elles sont sensées pleinement occuper?
Dans nos sociétés, où le paraître l'emporte sur l'être, ce qui diffère de la normalité communément admise est stigmatisé, refoulé, voire pointé du doigt. A cet égard, l'exemple le plus flagrant en la matière fut la Seconde Guerre Mondiale durant laquelle les national-socialistes au pouvoir expérimentèrent la solution finale sur les personnes handicapées. On peut également citer le décret du 3 mai 2002 qui permet la stérilisation des handicapés mentaux sans leur consentement. Ces derniers ont souvent fait l'objet de mise au ban de la société, dite valide, les considérant comme inférieures, voire des bêtes de foires, posant problème quant au principe de dignité humaine. En effet, ce n'est qu'en 1975 que l'Organisation des nations unies déclare que « le handicapé a essentiellement droit au respect de sa dignité humaine ». A partir de là, la justice va tendre à faire respecter ce principe. Ainsi par son arrêt « Commune de Morsang-sur-Orge », le Conseil d'Etat considère que l'attraction de "lancer de nains", consistant à faire lancer un nain par des spectateurs, conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d'un handicap physique et présentée comme telle. Une attraction de ce type a été regardée comme portant atteinte, par son objet même, à la dignité de la personne humaine. Au-delà de l'action des juges en la matière, l'opinion publique va également avoir un rôle à jouer en la matière tel que le scandale provoqué par le comédien Patrick Timsit dans son sketch sur les trisomiques. Malgré l'abandon des poursuites à son égard , au moins pour reprendre les propos des parties : « on a gagné quelque chose... », « ... on aura parlé des handicapés mentaux ». Car, finalement, en dehors du traditionnel Téléthon, rare moment où les regards se tournent vers des enfants victimes de maladie neuro-musculaire, la question du handicap reste à la marge de la société.
La notion de personne handicapée, au sens de personne désavantagée par une infirmité, est relativement récente. Ce n'est qu'au XIXème siècle qu'elle acquiert de l'importance. La loi du 9 avril 1898 ancre l'assurance sociale et représente une étape majeure dans le droit du travail. Elle reconnaît les accidents du travail, effet de l'industrialisation de cette fin de siècle. La Première Guerre Mondiale renvoie dans les foyers des millions d'invalides. Les pouvoirs publics mettent alors en place les pensions et les reclassements professionnels dans un esprit de réintégration sociale. Dans les années 1920, l'organisation d'une formation professionnelle après le sanatorium permet le retour dans le monde du travail des victimes de la tuberculose. Cependant, l'école obligatoire est normalisatrice, les enfants ne pouvant s'y adapter sont orientés vers des enseignements spécialisés. A partir des années 1970, trois lois fondamentales voient le jour. Tout d'abord, la loi d'orientation du 30 juin 1975 constituait le fondement juridique du droit français en matière du handicap. Ensuite, la loi du 10 juillet 1987 vise l'emploi et l'embauche des personnes handicapées. Enfin, la loi du 13 juillet 1991 comporte diverses mesures destinées à favoriser la vie sociale, notamment l'accessibilité aux personnes handicapées des locaux d'habitation.
Toutefois, malgré ces diverses mesures et le fait que l'Assemblée générale des Nations unies ait proclamé 1981 "Année internationale des personnes handicapées", 1983-1992 "Décennie des Nations unies pour les personnes handicapées" et le 3 décembre "Journée des personnes handicapées", ces dernières restent un sujet tabou et toujours mises à l'index. Ainsi, il aura fallu l'affaire Perruche pour rouvrir le débat sur les lacunes de la prise en charge du handicap en France. En annulant en 2002 , la jurisprudence de la cour de cassation qui avait accordé une indemnisation à Nicolas Perruche, né gravement handicapé à la suite d'une erreur de diagnostic prénatal, le Parlement a renvoyé la compensation du handicap à la solidarité nationale. Trente ans après la loi d'orientation de 1975, un nouveau texte législatif a été promulgué le 11 février 2005 dont l'enjeu est de faire du handicap qui est une réalité de la vie, une réalité pleinement reconnue par la société. En effet en 2005, on recensait plus de cinq millions de personnes handicapées en France, soit près de 10% de la population.
Cette loi, en son article 2, pose une nouvelle définition plus large, reconnaissant pour la première fois le handicap psychique: "constitue un handicap toute limitation d'activité ou de restriction à la participation de la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques; d'un poly-handicap ou trouble de santé invalidant". Cette notion regroupe des causes diverses; tels que le handicap de naissance, l'invalidité par accident et l'altération de santé à la suite de l'atteinte par un virus ou une maladie, tout autant que des handicaps variés: sensoriels, moteurs, mentaux, maladie chronique. Le handicap se mesure par un taux d'incapacité prenant en compte les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne donnant accès à des droits, des allocations et des avantages. Toutefois, l'avancée de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ne s'arrête pas à une extension de la notion de handicap mais apporte et rappelle des évolutions fondamentales pour répondre aux attentes des personnes handicapées.
Ainsi quelles mesures vont permettre d'offrir une place aux handicapés au sein de la société qui leur jette un regard différent?
Afin de permettre une meilleur insertion et égalité des handicapés dans la société actuelle française, le législateur, relayé par le citoyen, va viser à une double intégration. Tout d'abord dans la vie de tous les jours, les personnes handicapées vont bénéficier d'aides et de droits qui leur sont dus tout simplement au titre de leur existence (I). Ensuite, au niveau professionnel, on va faire en sorte que ces mêmes personnes handicapées ne subissent plus de discriminations et puissent bénéficier d'une formation ou d'un emploi (II).
[...] Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, J.O. n°36 du 12 décembre 2005. Assemblée plénière du 17 novembre 2000 dit "arrêt Perruche", Bulletin 2000 A.P. p.15. Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, J.O. n°54 du 5 mars 2002. Circulaire du 26 avril 1982, J.O. du 13 juin 1982. [...]
[...] De même, des exigences proches s'imposent aux maisons individuelles neuves. S'agissant des bâtiments d'habitation collectifs existants, ils doivent être rendus accessibles en cas de réhabilitation importante, c'est-à-dire lorsque les travaux sont supérieurs à 80% de la valeur du bâtiment, et en cas de remplacement de composants tels que porte, interphone, boîtes aux lettres, éclairage. La loi prévoit également que les établissements recevant du public doivent être tels que toute personne, quelque soit la nature de son handicap, puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public, tout du moins. [...]
[...] Décret n°2002-779 du 3 mai 2002 pris pour l'application de l'article L.2123-2 du code de la santé publique, J.O. n°105 du 5 mai 2002. Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, J.O. n°36 du 12 décembre 2005. Jurisprudence: Conseil d'Etat 27 octobre 1995 Commune de Morsang-sur-Orge, Rec.Lebon p.372. Tribunal correctionnel de Paris 6 janvier 1999. Assemblée plénière du 17 novembre 2000 dit "arrêt Perruche", Bulletin 2000 A.P. p.15. [...]
[...] A cet égard, l'exemple le plus flagrant en la matière fut la Seconde Guerre Mondiale durant laquelle les national-socialistes au pouvoir expérimentèrent la solution finale sur les personnes handicapées. On peut également citer le décret du 3 mai 2002[1] qui permet la stérilisation des handicapés mentaux sans leur consentement. Ces derniers ont souvent fait l'objet de mise au ban de la société, dite valide, les considérant comme inférieures, voire des bêtes de foires, posant problème quant au principe de dignité humaine. [...]
[...] Un autre palier doit être franchi pour leur permettre une meilleure intégration, à savoir au niveau professionnel. II / Vers une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées Au delà d'une intégration davantage égalitaire au sein de la société, une problématique s'est également posée quant à l'insertion professionnelle des personnes porteuses d'un handicap. En effet, s'il est un domaine où les individus ont davantage de risques à faire l'objet d'une discrimination, il s'agit du milieu professionnel. Le législateur a alors édicté un certain nombre de mesures et a notamment réaffirmé pour les personnes handicapées le droit à l'école et le droit à l'emploi A - Le droit à l'école des personnes handicapées Le droit d'inscrire à l'école tout enfant porteur d'un handicap constitue une des évolutions fondamentales de la loi handicap du 11 février 2005 qui reconnaît la responsabilité de l'Education nationale à leur encontre. [...]
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