De tous temps, les tribunaux ont eu recours à l'expertise. Ainsi les Romains, dont, nous sommes les héritiers, avaient recours aux Juratores, assujettis, comme leur nom l'indique, au serment.
Longtemps en France on a eu recours à la preuve testimoniale pour déterminer la valeur des choses puis les juges ont pris l'habitude de demander leur avis à des hommes de l'art, notamment dans les litiges entre voisins, les questions de bornage. Il s'agissait de mesureurs, de jurés, de maçons, de charpentiers et de clercs de l'écritoire, ces derniers chargés de la rédaction des rapports.
En 1575, un édit d'Henri III prescrivit que tous les Offices d'Experts seraient à l'avenir héréditaires. En 1690, fut ordonnée l'extinction des charges et leur remboursement en même temps que furent créés, à Paris et dans de nombreuses villes de province, des Offices d'Experts « de probité et d'expérience » bénéficiant d'un monopole. Il y avait alors cinquante Charges à Paris, vingt cinq entrepreneurs maçons et vingt cinq bourgeois architectes. La Révolution interdit les jurandes et les corporations mais des Experts seront tout de même, en de rares occasions, questionnés par les Tribunaux.
L'expertise moderne apparaît dans notre législation avec le Code Civil, le Code d'Instruction Criminelle et le Code Pénal. C'est du reste à cette époque qu'apparaissent la médecine du crime et l'expertise médicale en matière civile pour tout ce qui concernait les grossesses, les naissances tardives ou précaires, les déclarations aux Officiers d'état civil, tant pour les dates de naissance que pour la détermination des sexes.
L'importance de l'expertise dans le procès pénal peut d'ailleurs aisément se mesurer à la marque d'intérêt croissante manifestée à son égard par le législateur. Alors que le code de procédure pénale recense aujourd'hui dix-sept articles qui y ont explicitement trait (c. pr. pén., art. 156 à 169-1), le code d'instruction criminelle de 1808 n'en contenait que deux, qui ne faisaient aucune référence expresse aux termes d'expert ou d'expertise. Ainsi, l'article 43 précisait qu'en cas d'infraction flagrante, le procureur de la République se faisait accompagner, en se rendant sur les lieux, d'une ou de plusieurs personnes présumées, par leur art ou profession, capables d'apprécier la nature ou les circonstances du crime ou du délit. Le suivant, l'article 44, prescrivait au procureur de la République se transportant au lieu de découverte d'un cadavre de se faire assister d'un ou de deux officiers de santé qui feraient un rapport sur les causes de la mort et sur l'état du cadavre. La nécessité d'une réglementation d'ensemble des opérations d'expertise ne s'est imposée qu'en 1957, au moment des travaux préparatoires du code de procédure pénale.
Depuis son entrée en vigueur, les interventions législatives se sont, en revanche, accélérées. A partir de 1959, plus d'une dizaine de textes se sont en effet succédé. Ceux-ci ne suffisent pourtant pas à combler une première lacune du code d'instruction criminelle tenant à l'absence de définition de l'expertise. En effet, pas plus que son prédécesseur, le code de procédure pénale n'en donne une. Tout au plus, l'article 156 précise qu'il est recouru à l'expertise « dans le cas où se pose une question d'ordre technique ».
Or, comme le soulignent nombre d'auteurs, la référence à l'idée de technicité est insuffisante, toute opération effectuée par un homme de l'art ne constituant pas en soi une expertise. Comblant ce silence, la doctrine propose deux critères pour définir l'expertise. Le premier, unanimement affirmé, est celui d'une interprétation nécessaire par l'expert des résultats de ses opérations. Ainsi, l'expertise « appelle non une simple constatation, mais une réponse reposant sur une interprétation », autrement dit « elle implique un choix, un avis », l'expert devant exprimer « son opinion sur un point controversé ou discutable ». Le second critère, plus rarement énoncé, découle de la finalité assignée à l'expertise. Celle-ci est alors présentée « comme le recours à un tiers spécialisé dans un domaine technique permettant d'établir la preuve de faits », tout examen n'ayant pas « pour but de fournir des éléments de preuve » ne pouvant être ainsi qualifié.
L'expertise prend indéniablement une place croissante tout au long du procès pénal, y compris jusque dans sa phase exécutoire. Il a ainsi été souligné que « le technicien devient face au magistrat un personnage dont celui-ci ne pourra plus se passer sous peine de déni de justice ». Une telle affirmation conduit à se poser la question de la force juridique de l'expertise. S'agit-il de simple avis technique donnés aux juges qui en fait ce qu'il en veut ou s'agit-il au contraire d'éléments qui ont valeur de preuve ?
En théorie, l'expert ne donne que des avis. Le juge d'instruction, puis la juridiction de jugement sont donc entièrement libres de suivre ou de ne pas suivre l'avis de l'Homme de l'Art. (I) Cependant en pratique, il en va différemment car, en bien des matières, l'expertise peut constituer une preuve. (II)
[...] Sa mission peut se dérouler en la présence du juge d'instruction (c. pr. pén., art dernier al.). L'annulation des interrogatoires opérés par l'expert hors la présence de l'avocat nécessite un grief portant atteinte aux droits de la défense. L'expert judiciaire établit un rapport écrit qu'il remet à la juridiction qui a ordonné la mesure. Le rapport doit comprendre la description des opérations menées, les conclusions techniques qui en résultent et la signature de l'expert. Le rapport du spécialiste désigné sur demande de l'expert peut être annexé (c. [...]
[...] Le témoignage est en soi un élément de preuve. Le juge au contraire choisit l'expert, qui interprète et apprécie la valeur et la signification des indices qui lui sont soumis. L'expert n'est chargé d'aucune partie de l'administration de la justice, et par la suite ses opérations ne sont pas des actes d'instruction interruptifs de la prescription. Le rapport de l'expert n'a aucun effet sur le sort de l'action publique, notamment quant à la prescription. Il en est de même des lettres adressées par l'expert au tribunal. [...]
[...] 163). Le délai imparti à l'expert est prorogé sur décision motivée. Le retard dans la mission d'expertise explique le remplacement sinon la radiation pure et simple de l'expert désigné (c. pr. pén., art et 161). L'expert commis requiert parfois l'intervention d'un autre expert spécialisé pour éclairer ses constatations. Cette personne désignée par le juge devra prêter serment (c. pr. pén., art. 162) L'expert peut entendre toutes personnes autres que le mis en examen, sauf exception (médecin expert ou psychologue, c. [...]
[...] En cas d'abolition, c'est le non-lieu qui s'impose. Ici, l'expert prend véritablement la place du juge. L'article 122-1 du nouveau Code pénal distingue d'une part le discernement c'est-à-dire la capacité de comprendre, par exemple la gravité d'un acte, qui peut être «aboli ou seulement altéré et d'autre part le contrôle des actes autrement dit la capacité de vouloir accomplir un acte, qui peut être aboli ou seulement entravé Si le discernement ou le contrôle des actes est aboli, le prévenu est considéré comme pénalement irresponsable et n'est donc pas punissable, puisque seule est envisagée la totale irresponsabilité. [...]
[...] Les experts procèdent à leur mission sous le contrôle du juge d'instruction ou du magistrat que doit désigner la juridiction ordonnant l'expertise. Le doyen Cornu a défini l'expertise comme une mesure d'instruction consistant, pour le technicien désigné par le juge, à examiner une question de fait qui requiert ses lumières et sur laquelle des constatations ou une simple consultation ne suffiraient pas à éclairer le juge et à donner un avis purement technique sans porter d'appréciation purement juridique L'expertise est donc un examen, par un expert qu'une juridiction d'instruction ou de jugement a commis, d'une question de fait qui requiert un avis purement technique, de nature à éclairer cette juridiction. [...]
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