Au gré des réformes, le législateur s'est attaché à gommer les défauts de la prestation compensatoire. Il a ainsi réaffirmé, sur le plan civil, le principe d'un versement en capital, conformément à la logique indemnitaire et forfaitaire qui anime l'institution, en même temps qu'il mettait en place corrélativement un statut fiscal incitatif ; il a assoupli les conditions de sa révision et a marginalisé son impopulaire transmissibilité passive. En revanche, rien n'a été prévu s'agissant d'une lacune pourtant récurrente de la prestation : l'imprévisibilité qui entoure sa fixation.
La fixation de la prestation consiste à déterminer si le divorce fait apparaître une disparité dans les conditions de vie respectives des époux et, dans l'affirmative, à mesurer cette disparité. Il s'agit ensuite, compte tenu non seulement de la nature du préjudice constaté et de son étendue exacte mais aussi de la consistance du patrimoine du débiteur, de choisir la forme appropriée et de fixer le montant pour compenser cette disparité. Or, ni la loi créatrice de 1975, ni les réformes successives de 2000 et 2004 n'ont donné de recette, même à titre d'exemple, pour savoir comment opérer. La plupart des magistrats admettent du reste que la fixation d'une prestation est « un art difficile ». De leur coté, les avocats déplorent qu'aucune méthode de calcul ne se dégage en jurisprudence et les justiciables se plaignent, à juste titre, de l'arbitraire des décisions et des différences inadmissibles de traitement qui en découlent.
Et pourtant, autant l'admettre d'emblée, il n'existe à nos yeux aucune recette miraculeuse de calcul, tant la prestation, qui repose à la fois sur des critères objectifs, livrés par la loi, mais aussi sur des critères subjectifs, tels que l'histoire du couple ou le contexte de la rupture, se prête mal à tout effort de systématisation trop accentué. Aussi, cette courte étude, qui est le fruit à la fois d'un travail universitaire et d'une expérience personnelle acquise sur le terrain de l'expertise judiciaire, n'a-t-elle d'autre objectif que de fournir quelques pistes de réflexion et de proposer une base de raisonnement destinée à guider non seulement le magistrat qui statue en la matière, mais aussi les parties qui entendent s'accorder sur la prestation, tant dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel (c. civ., art. 278) que dans le cadre d'une procédure contentieuse (c. civ., art. 268 et 279-1).
Il s'agit d'une réflexion en trois temps qui consiste, tout d'abord, à définir la notion de disparité, ce qui est essentiel puisque celle-ci est à l'origine du droit à prestation. Le concept identifié, il s'agit ensuite de proposer une méthode aux fins de rechercher l'existence, au regard des données propres à chaque espèce, d'une éventuelle disparité. La disparité décelée, il s'agit enfin de s'attacher aux contours de sa compensation.
[...] Il en résulte un intérêt contradictoire entre les parties. En tout état de cause, avant de privilégier ces modes d'exécution, il convient de prendre en compte les inconvénients classiques qui y sont irréductiblement attachés et qui peuvent engendrer des contentieux nourris en présence d'époux divorcés. En l'absence de disponibilités financières immédiates chez l'époux débiteur, le juge peut lui permettre d'échelonner le paiement du capital dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires (c. [...]
[...] La question reste débattue pour le RMI, écarté des éléments de fixation par certaines juridictions du fond au motif que la solidarité ne devait pas se substituer aux devoirs et obligations nés du mariage. Enfin, parce qu'il est nécessaire pour apprécier la disparité de prendre en considération l'ensemble des ressources dont bénéficient les époux, même indirectement, notons qu'il doit être tenu compte, dans le calcul de la compensation, de l'état de concubinage dans lequel vit l'un d'entre eux lors du prononcé du divorce, à condition de vérifier, avec vigilance, le caractère notoire de ce dernier. [...]
[...] Cette souplesse retrouvée n'empêche pas certaines contraintes. Ainsi, qu'il constate l'existence d'une disparité en capital ou en revenus, le juge doit par principe prévoir que la prestation prendra la forme d'un versement unique et définitif, c'est-à-dire d'un capital (c. civ., art 270, al et 274). Le plus souvent, le versement en question s'opère en numéraire, étant ici simplement précisé qu'en présence d'une disparité en revenus, la somme mensuelle destinée naturellement à compenser cette disparité doit être transcrite en capital, en utilisant éventuellement pour ce faire le mode de calcul spécifique mis en place par le décret 2004- 1157 du 29 octobre 2004, pour calculer la valeur de substitution d'un capital à une rente. [...]
[...] La pétition de principe doit cependant être nuancée. Certaines ressources, compte tenu de leur affectation particulière, n'ont pas à être prises en considération. C'est le cas des sommes versées au titre de la réparation des accidents de travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap (c. civ., art al. 2). C'est le cas également, selon une jurisprudence bien assise, des allocations familiales qui peuvent être versées à l'époux qui sollicite une prestation compensatoire et de la pension versée à ce dernier par son conjoint au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, au motif que ces diverses sommes sont destinées à bénéficier aux enfants et non à procurer des revenus à celui qui les reçoit. [...]
[...] L'époux qui a cessé de travailler pendant un certain nombre d'années rencontre nécessairement, au moment de la séparation, des difficultés de réinsertion professionnelle et se retrouve parfois même, compte tenu de son âge et de sa qualification, dans l'impossibilité de recouvrer une profession rémunératrice. En tout état de cause, il ne peut espérer un emploi et, au-delà, une rémunération de même niveau que son conjoint, qui lui, de son côté, a évolué socialement. Plus tard, cette activité tronquée se répercutera sur ses droits à la retraite. [...]
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