Le 17 janvier dernier, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la société Total à des sanctions lourdes dans l'affaire Erika, pour avoir été responsable d'une faute pénale d'imprudence. Le groupe pétrolier a aussi été reconnu responsable pour faute civile d'imprudence et doit réparer le préjudice causé aux défenseurs du patrimoine écologique. L'affaire Erika revèle l'existence de la dualité du principe des fautes d'imprudence dans notre système juridique français. Selon l'article 121-3 du Nouveau Code Penal, la responsabilité pour faute de négligence engage une sanction tandis qu'en droit civil, elle entraîne la réparation des dommages, selon les articles 1382 et 1383 du Code Civil. Cependant, l'imprudence, qui peut se définir comme un manque de prévoyance ou de précaution et qui engage une responsabilité, a longtemps été une notion identiquement appréciée par les deux branches du droit. Ainsi, les juridictions interprêtaient de manière uniforme les fautes pénales et civiles d'imprudence, en appliquant les règles de primauté du droit pénal sur le droit civil. Cette méthode de jugement était la cause, dans de nombreux cas, d' effets pervers, où la faute d'imprudence n'était pas incriminé par le droit pénal, alors que le civil reconnaissait clairement l'existence d'un quasi-délit. Pour pallier à cette déficience, notre système juridique a du, a plusieurs reprises, réduire les incohérences des fautes de négligence. Ainsi, pour "punir le coupable" et " indémniser les victimes", il a fallu séparer les fautes civiles et des fautes pénales, considérant que l'une pouvait s'apprécier sans l'autre, marquant ainsi l'avènement du droit civil. De ce fait, dans quelles mesures le passage de l'unité à la dualité des fautes civiles et pénales d'imprudence a-t-il été gage d'efficacité pour les juridictions et pour l'appréciation des justiciables ? Il s'agit de démontrer ici que l'identité des fautes civiles et pénales d'imprudence,du fait de ses incohérences, n'a pas été empte de critiques durant tout le XXe siècle (I) et que seule la dualité des fautes d'imprudence permet le réequilibrages des deux branches du droit, offrant aux justiciables une meilleure justice sociale (II).
[...] La loi de 2007, quant à elle, distingue l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction des autres, où le juge civil est libre de statuer de suite ou d'attendre la décision du juge pénal. Ainsi, l'autorité de la chose jugée n'est plus vérifiée dans ce cas, où le juge civil peut prendre une décision indépendamment de la condamnation pénale de la faute d'imprudence. Mais, cette dualité a-t-elle encore raison d'exister aujourd'hui ? La summa divisio de la faute civile et de la faute pénale d'imprudence n'est peut-être plus pertinente. [...]
[...] Ainsi, si l'auteur de l'acte dommageable est relaxé au pénal, toute action en responsabilité pour faute civile sera un échec, les victimes ne pourront être indemnisées. Dans un second temps, la victime d'un dommage corporel ne peut échapper à la solidarité des prescriptions. De ce fait, pour une infraction d'imprudence, la procédure civile se doit de suivre le temps pour agir, determiné par les instances de droit pénal. Ainsi, l'affirmation du principe d'unité des fautes d'imprudence converge avec l'affirmation de la primauté du pénal sur le civil. Cette conception des fautes civiles et pénales d'imprudence a largement été critiquée par la doctrine. [...]
[...] La loi du 23 décembre 1980 reconnaît la désolidarisation à la prescription de l'action civile à l'action publique, tandis que la loi du 8 juillet 1983 dispose qu' une juridiction pénale saisie pour infraction non intentionelle et qui prononce la relaxe, peut toutefois accorder la réparation du dommage sur les fondements des règles du droit civil ) La jurisprudence Avant même la mise en application de la loi Fauchon, La Chambre Civile de Cassation le 30 janvier 2001 avait décidé de poser la dualité des fautes pénales et civiles lorsqu'elles concernent des faits d'imprudence ou de négligence. Depuis, les juridictions ont appliqué la dualité des fautes civiles et pénales d'imprudence à plusieurs affaires. Le 7 mai 2003, la Chambre Civile de la Cour de Cassation rend un arrêt en faveur du juge civil. [...]
[...] Le droit civil tend en effet à se pénaliser dans d'autres domaines. Le rapport Catala sur la réforme du droit des obligations rendu en 2005 suggère l'insertion des droits et intérêts punitifs dans les jugements civils. D'autre part, le droit pénal se civilise avec le principe de médiation pénale où le contrat intervient, alors que celui-ci se développe plus en matière civile ) Conclusion Les fautes civiles et pénales d'imprudence ont connu des fluctuations depuis l'avènement du Code Penal. Alors que les fautes pénales d'imprudence n'apparaissaient pas dans les textes en 1810 et qu'elles étaient réservées au domaine civil, elles ont prospéré tout au long du XXe siècle, prenant en compte une variété infinie de négligences qui étaient dès lors réprimables. [...]
[...] Bibliographie Site Internet et revues Site Legifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/ Site Dalloz : http://www.dalloz.fr/ Site LexisNexis Jurisclasseur : http://www.lexisnexis.com/ Site Doctrinal Plus : http://www.doctrinal.fr/ Faute civile et faute pénale, Pirovano Antoine, LGDJ Ouvrages généraux Traité de droit civil. Les effets de la responsabilité : exécution et réparation en nature, dommages et intérêts, aménagements légaux et conventionnels de la responsabilité, assurance de responsabilité,Viney Genevieve, LGDJ, Paris 2001. Dictionnaire de la culture juridique publié sous la dir. [...]
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