« Les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées des fonctions administratives » expliquait l'article 13 du titre 2 de la loi des 16 et 24 aout 1790. Ce principe instituant la séparation des juridictions administratives et judiciaires sera confirmé par la loi du 16 fructidor an III.
Les juridictions se distinguent donc selon leur ordre. Ainsi, la juridiction administrative applique le droit administratif et comprend les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel, ainsi que le Conseil d'Etat. Parallèlement, la juridiction civile applique le droit civil. Cette dualité est une spécificité héritée de l'Histoire. En effet, l'édit royal de Saint-Germain-en-Laye de 1641, visait à écarter les tribunaux des affaires du gouvernement, ce texte fut ensuite perfectionné par l'œuvre révolutionnaire et le régime napoléonien. Cependant, après l'effondrement de ce régime, les critiques adressées au dualisme juridictionnel son devenues assez fréquente. Ainsi, selon les partisans d'une juridiction unique, la justice administrative serait partielle et arbitraire, et c'est d'ailleurs pourquoi la protection des libertés fondamentales aurait été confiée au juge judiciaire par l'article 66 de la Constitution de 1958. Ils en déduisent que cette compétence a été confiée aux juridictions civiles car le juge administratif ne recherche, selon eux, non pas le bien des administrés, mais seulement celui de l'administration. Pour aller dans le même sens, ils invoqueront aussi la théorie des circonstances exceptionnelles permettant à l'administration de demeurer sous l'empire du droit administratif, lorsqu'en temps normal, le juge judiciaire aurait été compétent pour sanctionner l'arbitraire administratif (CE 28 juin 1918 Heyries). Pour eux, la justice administrative, c'est l'administration qui se juge ! Cependant, a la fin des années 1910, Maurice Hauriou constatait que « les adversaires de la juridiction administrative ont perdu du terrain». Ainsi, les membres des commissions parlementaires ont successivement refusé de renvoyer devant les tribunaux judiciaires le contentieux administratif. Désormais, la plupart des insatisfaits du régime ne réclament plus l'abolition de la dualité juridictionnelle, mais plutôt des réformes visant à améliorer le système juridictionnel. Cependant, il reste des juristes prônant l'unification des juridictions. Comme l'a fait Grégoire Bigot on peut en déduire que la répartition des compétences au XIXe siècle est « l'histoire d'un affrontement » entre la justice administrative et les tribunaux ordinaires.
Cette dualité juridictionnelle a longtemps constituée une spécificité française. En effet, le modèle Anglo-Saxon ignore toujours ce dualisme juridictionnel et ne possède qu'une cour suprême unique. Cependant, dans ces pays, il existe des procédures spécifiques pour juger l'administration. Parallèlement, notons que plus de quatre-vingts Etats disposent sous un forme ou une autre d'une dualité juridictionnelle. En effet, les pays d'Europe germanique (Allemagne, Autriche, Suisse…) possèdent, un ordre administratif divergeant un peu du modèle français. Enfin, certains pays s'inspirent directement du modèle de la France, comme le Benelux, Italie, Espagne, Colombie, ou la Thaïlande.
En France, une juridiction tranche les conflits naissant entre les deux ordres : il s'agit du Tribunal des Conflits. Né par la loi du 24 mai 1872, on peut considérer qu'il définit les notions qui déterminent les compétences des deux ordres juridictionnels et qu'il harmonise les jurisprudences de ceux-ci. Ainsi, le Tribunal des Conflits affirme que toutes les actions formées en responsabilité contre l'Etat échappent aux mains du juge judiciaire. Par la suite, la dualité juridictionnelle a aussi été consacrée par les lois du 16 et 24 aout 1790 et par l'arrêt Blanco.
La réforme du dualisme juridictionnel est d'abord, sinon exclusivement, une préoccupation doctrinale, mais s'interroger sur la nécessité du maintien de la dualité nous amène à étudier les inconvénients pratiques, tels que la difficulté d'identifier la juridiction compétente, le ralentissement des procédures liés aux questions préjudicielles, et le risque de contrariété de jurisprudence. Ces problèmes sont toujours d'actualité. En effet, le juge judiciaire et le juge administratif ont une idée différente quant à l'application de la convention européenne des droits de l'Homme. Ainsi, dès 1984, la Cour de Cassation a admis les règles de procès équitable (Cour de Cassation, 10 janvier 1984, Renneman), mais il a fallu attendre plus de 10 ans pour que le Conseil d'Etat s'aligne sur cette jurisprudence (CE Assemblée, 14 février 1996 Maubleu). Ce dualisme a donc toujours intéressé les juristes, ainsi, Roland Drago et Marie-Anne Frison-Roche prônent la réunification des ordres de juridiction, tandis que d'autres, tel Bernard Stirn, estiment que«la dualité des ordres de juridiction est un atout, presque une évidence ». De plus, les dispositions du Code Civil n'étant pas applicable aux litiges mettant en cause la puissance publique, c'est tout à fait explicitement que les tribunaux civils se réfèrent à la jurisprudence administrative et en font application. Ainsi, même s'il le fait maladroitement le juge judiciaire applique le droit administratif si cela s'avère nécessaire. De même, le juge administratif se réfère parfois au Code Civil (CE Sect., 6 mai 1983 Société d'exploitation des établissements Roger Revellin), « tantôt pour combler les lacunes du droit administratif, tantôt pour améliorer la situation des administrés », explique Benoît Plessix. Ainsi, le juge judiciaire applique parfois le droit administratif et le juge administratif peut être amené à se référer au droit civil.
On peut donc se demander : « ce dualisme juridictionnel est-il légitime et nécessaire de nos jours ? »
S'ils sont distincts l'un de l'autre, le droit administratif et le droit civil ne sont pas tout à fait séparés. Certains juristes remettent même ce dualisme en cause (I), pourtant, ces deux ordres sont aujourd'hui indépendant et nécessaire au bon fonctionnement de la justice française (II).
[...] Faut-il maintenir la dualité des juridictions (administratives et civile) ? Les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées des fonctions administratives expliquait l'article 13 du titre 2 de la loi des 16 et 24 aout 1790. Ce principe instituant la séparation des juridictions administratives et judiciaires sera confirmé par la loi du 16 fructidor an III. Les juridictions se distinguent donc selon leur ordre. Ainsi, la juridiction administrative applique le droit administratif et comprend les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel, ainsi que le Conseil d'État. [...]
[...] Cependant, pour constater la régularité de l'emprise, le juge administratif sera compétent. Ainsi, les juridictions devront travailler ensemble, les pouvoirs du juge judiciaire étant limités, ne pouvant évaluer le préjudice subi et condamner l'administration à le réparer, c'est le juge administratif qui pourra imposer à l'administration d'arrêter cette emprise. On en déduit que le juge judiciaire est ici juge de l'administration et que l'unification des deux juridictions faciliterait le recours du justiciable. Les difficultés de répartitions de compétence et service public Le service public constitue la pierre angulaire du droit administratif, ce droit devrait donc s'appliquer à l'ensemble des services publics, c'est pourquoi Romieu énonçait, dans ses conclusions sur l'arrêt Terrier du Conseil d'État du 2 février 1903, que tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des services publics ( ) constitue une opération ( ) qui est, par sa nature, du domaine de la juridiction administrative Cependant, le service public revêt tantôt d'un caractère administratif, tantôt d'un caractère industriel et commercial (CE 16 novembre 1956 Union syndicale des industries aéronautiques). [...]
[...] Par la suite, la dualité juridictionnelle a aussi été consacrée par les lois du 16 et 24 aout 1790 et par l'arrêt Blanco. La réforme du dualisme juridictionnel est d'abord, sinon exclusivement, une préoccupation doctrinale, mais s'interroger sur la nécessité du maintien de la dualité nous amène à étudier les inconvénients pratiques, tels que la difficulté d'identifier la juridiction compétente, le ralentissement des procédures lié aux questions préjudicielles, et le risque de contrariété de jurisprudence. Ces problèmes sont toujours d'actualité. [...]
[...] Elle est donc indépendante. De plus, le droit administratif est un droit autonome par rapport au droit privé. Ainsi, l'arrêt Blanco du Tribunal des Conflits du 8 février 1873 écarte l'application du droit privé à l'action administrative. Enfin, notons que l'autonomie du droit administratif sera consacrée par l'arrêt du Conseil d'État du 6 décembre 1855 Rotschild. Le droit administratif est donc un droit indépendant, autonome. Le juge administratif : juge doté d'une certaine autorité, mais surtout juge des prérogatives de puissance publique. [...]
[...] On peut maintenant préciser que les décisions du juge administratif sont dotées d'une certaine autorité. Ainsi, elles s'imposent à l'administration : en effet, la solution du juge administratif revêt de l'autorité de la chose jugée ; et le juge dispose de moyens efficaces pour assurer l'exécution de ses décisions, à la fois, par les personnes privées (astreinte, injonction), mais aussi envers l'administration grâce au prononcé de sanctions similaires : astreintes et injonctions envers l'administration (CE 1987, Monsieur Etna). L'affirmation de la dualité des juridictions malgré une certaine critique Certains juristes continuent de critiquer cette dualité alors qu'elle a été consacrée sur le plan constitutionnel La persévérance de certaines critiques Les juristes favorables à l'unicité des juridictions invoquent souvent comme argument la lenteur excessive des délais pour voir une affaire jugée (CEDH octobre 1989 H. [...]
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