Deux arrêts de la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 19 Juin 2003 ont sonné le glas d'une ouverture du droit français à l'obligation de minimiser son dommage. L'emploi d'un visa de cassation commun, d'une grande généralité, n'a que solennisé la solution : « La victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ».
L'obligation de minimiser son dommage est issue de la Common Law, « mitigation of damages » se traduisant littéralement par « minimisation des pertes ». G.Cornu l'a définie comme « l'obligation pour le créancier, de prendre toute mesure propre à limiter le dommage résultant de l'inexécution du contrat. » Cependant, outre le caractère a priori contractuel de la notion définie par G.Cornu, le concept se calque aussi bien à la responsabilité extracontractuelle ou délictuelle. Nous parlerons dès lors d'obligation de minimiser son dommage, la minimisation des pertes en ce contexte ayant une connotation commerciale.
S'agissant du terme « obligation », celui-ci recoupe une notion d'engagement, un lien de droit dont l'inexécution implique la sanction. L'idée que sous-tend ce terme explique la raison pour laquelle certains systèmes juridiques se réfèrent à la notion d'incombance (notamment les droits allemand et suisse). Pour notre part (le droit français ne connaissant pas cette notion), dans un souci de neutralité quant à toute idée de sanction ou de faute, notre préférence irait vers l'évocation des conséquences de la non-minimisation du dommage (le terme d'obligation à l'égard du créancier laissant également à penser que le débiteur aurait une action autonome contre le créancier). Néanmoins, pour faciliter le discours, nous garderons tout au long de cet exposé l'expression, communément comprise, d'obligation de minimiser son dommage.
On peut relever deux grandes conceptions de l'obligation de minimiser son dommage :
- Une conception « dure », retenue par les droits de Common Law
- Une conception « souple », retenue notamment par la « lex mercatoria » dans le cadre de l'arbitrage international, la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, les Principes Unidroit, le Code Européen des Contrats, les Principes de Droit Européen des Contrats ainsi que par certains de nos proches voisins tels que le droit allemand, belge, néerlandais ou italien (exception faite dans ce dernier cas du préjudice corporel) (également en droit québécois).
Si « comparaison n'est pas raison », on peut se demander néanmoins si cet isolement de notre droit en ce domaine comme en bien d'autres n'est pas un frein à son attractivité.
[...] Ce point de vue, loin d'être isolé, est partagé par toute une partie de la doctrine allemande Fondements applicables aux deux types de responsabilité La théorie de la causalité →Pour L'article 1151 du Code civil dispose que les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention Malgré son emplacement dans le Code et les termes employés, il s'applique tant à la responsabilité contractuelle qu'à la responsabilité délictuelle. Ainsi, la théorie de la causalité devrait permettre de circonscrire la réparation du dommage à ce qui est une suite immédiate et directe du fait dommageable. [...]
[...] On considère que l'obligation de modération est économiquement favorable. Ce postulat est pourtant, à l'instar de la doctrine libérale, loin d'être incontestable. Il est indéniable que l'obligation de modérer son dommage risque de favoriser le débiteur au détriment du créancier, et ce, au nom du principe laisser faire, laisser passer Il n'est, en effet, pas toujours de l'intérêt économique de la victime de minimiser son dommage. Cela lui impose, par exemple, de trouver un autre contractant qui n'aura pas forcément le même savoir-faire que son débiteur initial. [...]
[...] Il ne faut pas, en effet, que l'introduction de la mitigation soit le résultat d'un forçage de notre droit. Une telle décision nécessite une réflexion approfondie et se doit d'être l'œuvre du législateur. Conclusion Pour que ce débat soit véritablement fructueux, il convient, en conclusion, de proposer un compromis. On tranchera donc dans le sens de l'introduction de l'obligation de modérer son dommage, non par la jurisprudence, mais par le législateur, tout en délimitant strictement son étendue. Les articles 1344 et 1373 du projet Catala constituent, dans cette optique, une base de réflexion opportune. [...]
[...] Faut-il introduire l'obligation de minimiser son dommage en droit français ? Deux arrêts de la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 19 Juin 2003 ont sonné le glas d'une ouverture du droit français à l'obligation de minimiser son dommage. L'emploi d'un visa de cassation commun, d'une grande généralité, n'a que solennisé la solution : La victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable L'obligation de minimiser son dommage est issue de la Common Law, mitigation of damages se traduisant littéralement par minimisation des pertes G.Cornu l'a définie comme l'obligation pour le créancier, de prendre toute mesure propre à limiter le dommage résultant de l'inexécution du contrat. [...]
[...] Ce courant explique d'ailleurs que les réticences soient beaucoup plus vives, beaucoup plus marquées en matière de responsabilité extracontractuelle (dont relèvent les deux arrêts de principe de la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 19 Juin 2003) qu'en matière contractuelle. L'absorption par notre droit d'une obligation de minimiser son dommage aurait-elle une utilité ? Comment notre système juridique interne pourrait-il l'intégrer ? L'utilité de l'obligation de minimisation Les partisans de la mitigation font valoir que son introduction dans le droit français permettrait de favoriser l'économie tout en moralisant le droit. Cette conception est loin de faire l'unanimité. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture