Comme l'écrivait M. le Doyen Carbonnier « dans la constitution de la famille, l'élément charnel, biologique a perdu de son importance au profit de l'élément psychologique, affectif [...]. La famille n'est plus l'indivisible réseau tissé jure sanguinis, elle est un milieu éducatif qui n'existe qu'à condition d'être quotidiennement vécue ».
La recomposition familiale débute ainsi au moment où un adulte, parent d'enfants nés d'un mariage, d'un concubinage ou pacs précédent, se remarie ou cohabite avec un nouveau partenaire. Dans toutes ces hypothèses, l'un des deux adultes présents au foyer, quotidiennement ou lors du droit de visite, n'est pas le parent biologique d'au moins un des enfants de l'autre. En 1999, plus d'un million d'enfants étaient élevés par un couple dont seul l'un des membres était leur parent.
Des études sociologiques ont montré la difficulté éprouvée par les beaux-parents et les enfants à définir leurs relations mutuelles et, plus récemment, les différences dans la manière dont beaux-pères et belles-mères occupent leur place et leur rôle auprès de leurs beaux-enfants. Dès lors le beau-parent doit être intronisé par le parent auprès des enfants pour pouvoir trouver sa place au sein du foyer. Il « n'est ni un parent ni un ami ». Pourtant, lorsqu'il est présent auprès de l'enfant, il remplit parfois un rôle de type parental : il peut surveiller les devoirs de l'enfant, le réprimander, participer à son éducation et ses loisirs... A ce rôle peuvent s'ajouter des relations caractéristiques de l'amitié telles que la complicité, la confidence. Le statut familial du beau-parent reste complexe. Il s'inscrit aujourd'hui au sein des nouvelles parentalités qui désignent les relations de prise en charge d'un enfant par un adulte qui n'est pas son parent mais qui exerce en fait une fonction parentale. Dès lors sont aussi concernés les enfants nés d'une précédente union hétérosexuelle ou adoptés par un célibataire et qui vivent avec le nouveau compagnon de même sexe de leur parent, ce que l'on nomme « l'homoparentalité ». Dans toutes ces situations, la question se pose dans les mêmes termes : comment reconnaître la prise en charge de l'enfant par le beau-parent et ainsi lui permettre d'obtenir les moyens juridiques pour accomplir la fonction parentale exercée dans les faits ?
Longtemps assimilé à celui du parent, le statut familial du beau-parent tend à se modifier au profit d'une place particulière auprès de l'enfant : d'un « parent de substitution » il devient un « parent additionnel ». Cette modification tient entre autres au fait que les recompositions familiales ont changé de nature ; le parent absent du foyer recomposé reste toujours présent et sa place est pleinement reconnue par le droit, notamment depuis les lois du 22 juillet 1987 et 8 janvier 1993 et dernièrement par la loi du 4 mars 2002 qui généralise le principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale quel que soit le mode de conjugalité des parents. Mais cette loi qui tend à privilégier la pérennité des liens de l'enfant avec le parent qui ne réside pas avec lui n'a pas consacré en droit le rôle du beau-parent auprès de l'enfant tant les deux objectifs étaient difficiles à concilier.
Ainsi, le droit positif est toujours marqué par l'absence de règles juridiques particulières régissant les relations entre l'enfant et son beau-parent pendant la vie commune. En effet, le lien de parenté ou d'alliance reste le critère premier de la création de droits et obligations dans les relations familiales. Le beau-parent n'est pas en principe rattaché à l'enfant par un lien de filiation ; seul un lien d'alliance existe entre eux lorsque le couple est marié, ce qui permet uniquement d'appliquer les dispositions relatives à l'empêchement à mariage (C. civ., art. 161). Si la famille est fondée sur un concubinage ou un pacs, l'enfant et le beau-parent n'ont aucun lien juridique entre eux. Le beau-parent fait néanmoins partie des tiers, ce qui lui permet de bénéficier de certaines dispositions juridiques applicables en grande partie en cas de séparation du couple et non durant la vie commune (par exemple un droit de visite au titre de l'article 371-4, al. 1, c. civ.).
En l'absence de règles juridiques spécifiques, le beau-parent peut être tenté de se rattacher juridiquement l'enfant par la création d'un lien de filiation fictif ou mensonger. L'adoption constitue le meilleur moyen de créer des liens juridiques entre deux personnes biologiquement étrangères. A ce titre deux formes d'adoption de l'enfant sont possibles : l'adoption plénière et l'adoption simple. Mais elles ne sont ouvertes qu'aux couples mariés, ce qui ferme l'adoption aux personnes de même sexe. Et contrairement à l'adoption de l'enfant du conjoint, l'adoption de l'enfant du concubin prive ce dernier de l'autorité parentale sur son enfant.
Depuis les lois du 8 janvier 1993 et du 5 juillet 1996, l'article 345-1 du code civil prévoit que l'adoption plénière est possible lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard du conjoint de l'adoptant, ou lorsque l'autre parent s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ou encore lorsque l'autre parent est décédé et qu'il n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant. Les cas d'adoption plénière de l'enfant du conjoint sont ainsi restreints afin d'éviter une rupture avec la famille d'origine.
Le nouveau conjoint a également la faculté d'opter pour une adoption simple, beaucoup moins radicale que l'adoption plénière, puisque l'enfant maintient des liens avec sa famille d'origine et conserve tous ses droits. L'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe devant le greffier en chef du TGI afin d'obtenir l'exercice en commun de cette autorité (C. civ., art. 365, al. 1er).
L'adoption simple semble être une voie intéressante puisqu'elle concilie l'appartenance aux deux familles. Mais les enquêtes montrent que la création de ce nouveau lien de filiation qui s'ajoute au lien d'origine n'est pas toujours facile à vivre pour les membres d'une famille recomposée.
L'établissement d'un lien de filiation mensonger peut aussi être une voie utilisée par le nouveau conjoint ou concubin de la mère. Si l'enfant n'a pas été reconnu par son père, il a la possibilité de le reconnaître. L'acte de reconnaissance n'est en effet soumis à aucune condition de véracité de la filiation. Le beau-parent peut donc reconnaître l'enfant de son épouse ou concubine malgré l'absence de liens biologiques entre eux.
La création d'un lien de filiation fictif ou mensonger a pour conséquence de faire acquérir au beau-parent le statut juridique d'un parent, ce qui conduit à une négation de la spécificité de son rôle auprès de l'enfant. A la différence du compagnon de même sexe, les beaux-parents ne raisonnent pas forcément en termes d'inscription dans une généalogie. La création d'un lien de filiation va, dans certains cas, au-delà de leurs revendications qui tendent davantage vers l'instauration d'un statut juridique approprié à leur fonction.
De surcroît, le lien qui s'établit par une adoption ou par une reconnaissance mensongère est fragile. D'une part, l'adoption simple est révocable lorsqu'il existe des motifs graves (C. civ., art. 370) ; d'autre part, le beau-parent a la possibilité lors de la désunion familiale de contester sa reconnaissance. Cette faculté de repentir, inévitable sans doute, est le facteur principal de l'instabilité. La situation juridique de l'enfant est alors fluctuante et soumise aux vicissitudes sentimentales du parent puisque, une fois la filiation anéantie, le parent peut demander à son nouveau partenaire de reconnaître l'enfant. L'ordonnance du 5 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, devrait atténuer les remises en cause du lien de filiation puisqu'elle prévoit que toute contestation devient irrecevable quand l'enfant a eu une possession d'état conforme à son titre pendant cinq ans depuis sa naissance, ou depuis la reconnaissance si celle-ci a été faite ultérieurement (C. civ., art. 333).
Au quotidien, la prise en charge de l'enfant englobe deux types de relations qui s'apparentent au rôle joué par le beau-parent auprès de l'enfant : les relations d'autorité et de responsabilité à l'égard de l'enfant et la question de son entretien, complément naturel des relations personnelles. Malgré les insuffisances du droit positif, la prise en charge de l'enfant par son beau-parent, indépendamment de la création d'un lien de filiation, n'est pas pour autant une situation de non-droit, qu'il s'agisse de sa participation à l'éducation ou à l'entretien de l'enfant pendant la vie commune.
[...] Les cas d'adoption plénière de l'enfant du conjoint sont ainsi restreints afin d'éviter une rupture avec la famille d'origine. Le nouveau conjoint a également la faculté d'opter pour une adoption simple, beaucoup moins radicale que l'adoption plénière, puisque l'enfant maintient des liens avec sa famille d'origine et conserve tous ses droits. L'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe devant le greffier en chef du TGI afin d'obtenir l'exercice en commun de cette autorité (C. [...]
[...] C'est pourquoi il a été proposé d'instituer des mandats conventionnels permettant au beau-parent d'accomplir les actes usuels relatifs à l'éducation et la surveillance de l'enfant. Plus souples à mettre en oeuvre, ils permettraient au beau-parent d'aider au quotidien le parent dans sa tâche éducative. La responsabilité civile et pénale du beau-parent Malgré l'absence de droits et devoirs en matière d'autorité sur l'enfant, le beau-parent peut être tenu responsable civilement lorsque l'enfant commet un dommage si une faute de surveillance lui est imputée (C. civ., art 1383). [...]
[...] O. Jacob, juin 1998. D. Versini, L'enfant au coeur des nouvelles parentalités Rapport annuel pour 2006 de la défenseure des enfants. [...]
[...] Ainsi, le droit positif est toujours marqué par l'absence de règles juridiques particulières régissant les relations entre l'enfant et son beau- parent pendant la vie commune. En effet, le lien de parenté ou d'alliance reste le critère premier de la création de droits et obligations dans les relations familiales. Le beau-parent n'est pas en principe rattaché à l'enfant par un lien de filiation ; seul un lien d'alliance existe entre eux lorsque le couple est marié, ce qui permet uniquement d'appliquer les dispositions relatives à l'empêchement à mariage (C. [...]
[...] Hyest, Rapport d'information 392 fait au nom de la commission des lois sur les nouvelles formes de parentalité et le droit déposé le 14 juin 2006. A. Martial, S'apparenter, Ethnologie des liens de familles recomposées éd. MSH, Paris M.-Th. Meulders-Klein et I. Théry (sous la dir. Les recompositions familiales aujourd'hui Nathan, coll. Essais et recherches M.-Th. Meulders-Klein et I. [...]
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