Selon l'article 1384 alinéas 1 du code civil « on est responsable, non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.»
Pendant longtemps, la doctrine ainsi que la jurisprudence ont considéré que la liste fournie par l'article 1384 était limitative et non énonciatrice, et que l'article 1er, d'ou l'on avait pourtant tiré une responsabilité générale du fait des choses, ne pouvait, à lui seul, fonder une responsabilité générale du fait d'autrui.
Ainsi la thèse majoritaire considérait que la formule « les personnes dont on doit répondre » ne faisait qu'annoncer les alinéas suivants de l'article sur la responsabilité des parents du fait de leurs enfants (alinéa 4), des maîtres et des commettants du fait de leurs domestiques ou préposés (alinéa 5), des artisans du fait de leurs apprentis, et les instituteurs du fait de leurs élèves (alinéa 6). L'article 1384 alinéas 1 ne posait donc pas, à l'origine, un principe général du fait d'autrui, mais valait introduction à quelques cas particuliers d'une telle responsabilité.
Ces cas de responsabilité du fait d'autrui semblaient liés, car avaient comme point commun de toucher à la responsabilité des personnes mais surtout étaient fondés sur la notion de faute. Ils apparaissaient ainsi comme des exceptions au régime de droit commun de la responsabilité délictuelle en ce qu'il s'agissait d'une faute présumée, contrairement aux articles 1382 et 1383 du code civil.
Etant donné que le code civil énumérait, dans son article 1384, une liste, pour le moins limitative, de responsabilité du fait d'autrui, ainsi que dans ses articles 1385 et 1386 une responsabilité spéciale du fait des animaux ou de la ruine des bâtiments, comment pouvait on envisager l'existence d'un principe général de responsabilité du fait d'autrui ?
En effet, le code civil faisait référence à une diversité de cas de responsabilité du fait d'autrui. Quant à l'évolution jurisprudentielle, elle mettait l'accent sur les différentes modifications des cas de responsabilité de fait d'autrui :si la responsabilité des instituteurs restait fondée sur une faute prouvée, les autres responsabilités du faut d'autrui devenaient de plus en plus objectives. « De cette diversité découlait l'impossibilité de dégager un véritable régime de responsabilité du fait d'autrui. » (Laydu)
La cour de cassation refusait toute extension de cette responsabilité en dehors des cas limitativement prévus par le code.
L'Assemblée Plénière est venue apporter une solution nouvelle avec l'arrêt Blieck du 29 mars 1991, en admettant la responsabilité d'une institution du fait d'un de ses pensionnaires.
En l'espèce, ayant constaté qu'un centre d'aide par le travail étant destiné à recevoir des handicapés mentaux encadrés dans un milieu protégé et soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée, la cour de cassation confirme la solution rendue par la cour d'appel qui avait considéré « à bon droit » que l'association gestionnaire de ce centre devait répondre, au sens de l'article 1384 al 1, de son pensionnaire et réparer le dommage que celui-ci avait causé (un incendie de forêt) dès lors qu'il résultait de ses constatations que l'association avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de cet handicapé.
Ainsi, comment doit-on analyser « l'effet Blieck » ? L'arrêt de l'Assemblée Plénière consacre t-il un principe général de responsabilité du fait d'autrui ou, au contraire, se contente t-il d'ajouter un nouveau cas aux alinéas 4, 5 et 6 de l'article 1384, une véritable extension au texte ?
La jurisprudence postérieure a permis d'apporter quelques éléments de réponse à la question concernant l'existence d'un principe général de responsabilité. En effet, l'arrêt Blieck apparaît comme une première étape de reconnaissance de ce dernier (I), mais, en ce gardant d'affirmer clairement son existence et d'en préciser le régime, la cour de cassation laisse subsister des incertitudes propres à en remettre en cause la portée (II).
[...] Une absence de critères généraux comme limite au principe : L'absence de critères généraux constitue un premier obstacle à la reconnaissance d'un principe général de responsabilité du fait d'autrui. Pour ce qui est des personnes dont on doit répondre la doctrine majoritaire pense qu'il est nécessaire de limiter cette appellation aux personnes potentiellement dangereuses. Cette limite trouve son application dans les cas où cela concerne un handicapé mental, un rugbyman au cours d'une portée (importance du critère de dangerosité l'idée se justifiait par le fait que la responsabilité suppose la transgression d'une règle, la violation d'une obligation. [...]
[...] Les différents cas de responsabilité du fait d'autrui prévus aux alinéas et 6 de l'article 1384 du code civil, ainsi que ceux de l'alinéa 1er , concourent à un même but : une meilleure indemnisation des victimes. Alors pourquoi instaurer un principe général de responsabilité du fait d'autrui qui rendrait désuet les alinéas et 6 de l'article 1384 et nécessiterait une refonte profonde de la responsabilité délictuelle ? [...]
[...] Un champs d'application étroit, opportunité discutable : Le code civil a prévu différentes hypothèses, indépendantes les unes des autres, de la responsabilité du fait d'autrui. Ces responsabilités sont alternatives puisqu'une personne ne peut être sous l'autorité de plusieurs autres en même temps. Ces cas absorbent la quasi totalité des ces de responsabilité du fait d'autrui (si on excepte celle des grands parents, et les centres sociaux et éducatifs publics qui relèvent du droit administratif qui échappent également à cette responsabilité). [...]
[...] Existe t-il un principe général de responsabilité du fait d'autrui fondé sur l'article 1384 al 1 du code civil ? Introduction Selon l'article 1384 alinéas 1 du code civil on est responsable, non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.» Pendant longtemps, la doctrine ainsi que la jurisprudence ont considéré que la liste fournie par l'article 1384 était limitative et non énonciatrice, et que l'article 1er, d'ou l'on avait pourtant tiré une responsabilité générale du fait des choses, ne pouvait, à lui seul, fonder une responsabilité générale du fait d'autrui. [...]
[...] En effet, le code civil faisait référence à une diversité de cas de responsabilité du fait d'autrui. Quant à l'évolution jurisprudentielle, elle mettait l'accent sur les différentes modifications des cas de responsabilité de fait d'autrui :si la responsabilité des instituteurs restait fondée sur une faute prouvée, les autres responsabilités du faut d'autrui devenaient de plus en plus objectives. De cette diversité découlait l'impossibilité de dégager un véritable régime de responsabilité du fait d'autrui. (Laydu) La cour de cassation refusait toute extension de cette responsabilité en dehors des cas limitativement prévus par le code. [...]
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