De nombreuses réformes, tant législatives que réglementaires, ont démontré ces dernières années l'ambition d'une justice rénovée. Cependant, ces réformes s'inscrivent dans une pure logique de gestion des flux dans le système judiciaire, sans prise en compte des intérêts des justiciables. En effet, cette tendance s'est surtout manifestée en ce qui concerne la procédure d'appel.
L'appel, qui est né de l'affirmation du pouvoir royal contre la justice seigneuriale, est aujourd'hui prévu à l'article 542 du nouveau code de procédure civile (NCPC) selon lequel « l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré ». Cette procédure constitue donc une voie de recours de droit commun, c'est-à-dire qu'elle est à disposition de tous justiciable dans tous les cas, sauf si la loi en dispose autrement d'après l'article 543 du NCPC. L'appel représente alors la garantie d'une bonne justice, ainsi que la sauvegarde d'une liberté publique de pouvoir obtenir un nouvel examen des affaires tranchées par les juges de première instance. Malgré la symbolique qui entoure la procédure d'appel, celle-ci n'a pas valeur constitutionnelle. Ce n'est pas pour autant que l'appel n'a pas de valeur, en effet le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 21 février 1968 « Lebon », a considéré que la règle du double degré de juridiction est un principe général du droit. De même, la Cour de cassation considère que le droit d'appel a un caractère d'ordre public selon l'arrêt de la deuxième chambre civile du 9 février 1997. En toute hypothèse, l'appel constitue un droit pour les justiciables qui a été consacré par le législateur aux articles 543 à 560 du NCPC.
Ce droit au double degré de juridiction est fondamental, car il poursuit un double objectif d'après l'article 542 du NCPC. D'une part, l'appel constitue une voie de recours de réformation, c'est-à-dire un second examen d'une affaire réalisée par une juridiction supérieure à celle qui a statué en première instance, dans le but de réparer les erreurs intellectuelles des premiers juges. D'autre part, il s'agit d'une voie de recours d'annulation, c'est-à-dire qu'il est possible de faire annuler un jugement irrégulier. Par ailleurs, il est possible de remarquer l'existence d'un appel-nullité autonome de création jurisprudentielle, qui ne fera pas l'objet de notre étude.
Toutefois, l'appel a subi certaines modifications : De voie de recours, il a été transformé en voie d'achèvement du litige par l'élargissement des personnes pouvant intervenir dans cette procédure à l'article 554 et 555 du NCPC, par l'extension des demandes nouvelles recevables opérée par l'article 565 et 566 du NCPC ainsi que par la jurisprudence, et par l'évocation de l'article 568 du NCPC. De plus, depuis le décret du 20 août 2004, d'autres modifications sont intervenues pour favoriser le développement de l'appel, et ainsi favoriser la prise en compte des intérêts des justiciables.
En revanche, très récemment puisqu'entré en vigueur le 1er mars 2006, le décret du 28 décembre 2005 a marqué la volonté de limiter l'accès aux juges du second degré.
Ainsi aujourd'hui, l'appel constitue-t-il toujours une voie ordinaire de réformation des jugements de première instance ?
Il conviendra alors de relever l'évolution paradoxale de la procédure d'appel, en étudiant dans quelles mesures l'appel a été modifié pour davantage prendre en compte les intérêts des justiciables (I). Mais il sera également nécessaire d'examiner les dispositions du décret du 28 décembre 2005, faisant de l'appel une procédure quasi extraordinaire (II).
[...] L'appel : une voie de recours quasi extraordinaire dépendante de l'intimé ? La réforme opérée par le décret du 28 décembre 2005 constitue une évolution de la procédure d'appel dans un unique but de gestion du système judiciaire, lequel est actuellement en crise du fait de l'encombrement des tribunaux. Dès lors, le décret de 2005 est animé par la volonté de limiter l'accès au juge du second degré pour remédier aux difficultés que traverse le système judiciaire, et par conséquent il atteint le principe même du double degré de juridiction sans prendre en considération les intérêts des justiciables. [...]
[...] Cependant, le décret du 28 décembre 2005 a opéré une réforme allant à l'encontre de l'esprit des évolutions précédentes. II- Le retour à la réalité de la logique purement gestionnaire dans l'appel En raison des difficultés pratiques liées à l'encombrement des tribunaux, le pouvoir réglementaire a adopté le décret du 28 décembre 2005 modifiant l'appel, dans une logique de pure gestion du système judiciaire. Par cette réforme, la procédure de l'appel se trouve restreinte par conséquent l'appel est presque devenu, dans certains cas, une voie quasi extraordinaire La restriction du double degré de juridiction Depuis le décret du 28 décembre 2005, l'article 526 du NCPC dispose que Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée [ ] Ainsi, l'accès aux juges du second degré se trouve limité. [...]
[...] Ce droit au double degré de juridiction est fondamental, car il poursuit un double objectif d'après l'article 542 du NCPC. D'une part, l'appel constitue une voie de recours de réformation, c'est-à-dire un second examen d'une affaire réalisée par une juridiction supérieure à celle qui a statué en première instance, dans le but de réparer les erreurs intellectuelles des premiers juges. D'autre part, il s'agit d'une voie de recours d'annulation, c'est-à-dire qu'il est possible de faire annuler un jugement irrégulier. Par ailleurs, il est possible de remarquer l'existence d'un appel-nullité autonome de création jurisprudentielle, qui ne fera pas l'objet de notre étude. [...]
[...] Mais quel sera l'accueil réservé par la Cour de cassation concernant cette réforme, entrée en vigueur le 1er mars 2006, en sachant qu'elle n'a pas fait l'objet d'un avis favorable de l'assemblée générale de la Cour de cassation le 6 juin 2005 ? Bibliographie Serge GUINCHARD et Frédérique FERRAND, Procédure Civile Coll. Précis Dalloz, Dalloz, Paris, 7ème édition Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Gabriel MONTAGNIER, André VARINARD, Institutions judiciaires Coll. Précis Dalloz, Paris, Dalloz, 28ème édition Nouveau code de procédure civile coll. Codes Dalloz, Paris, Dalloz, 99ème édition Code civil Coll. Codes Dalloz, Paris, Dalloz, 107ème édition, 2008. [...]
[...] L'évolution récente de l'appel Nous ne sommes pas non plus de ceux qui peuvent tout accepter parce qu'une logique purement gestionnaire de la justice se dessine dans notre pays. La justice est chose humaine ; elle ne vit que pour les hommes qui la subissent. ( . ) Elle est faite pour ceux qui y ont recours ou qui y sont attraits, c'est-à-dire les citoyens. Seul leur intérêt doit être pris en compte selon Jean Villacèque. De nombreuses réformes, tant législatives que réglementaires, ont démontré ces dernières années l'ambition d'une justice rénovée. [...]
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