Le droit romain ne prévoyait pas de réparation du préjudice corporel. À cette époque le principe était la vengeance privée avec la Loi du Talion. Cette « indemnisation » s'explique par un principe fondamental du droit romain : « Le corps d'un homme libre ne reçoit aucune estimation ». En même temps que l'Etat est devenu plus puissant, celui-ci a été apte à imposer une compensation pécuniaire au préjudice corporel. C'est à partir de là que l'idée de réparation a émergé.
Le principe de réparation acquis a évolué au rythme de la société, laquelle a connu, aux XIXe et XXe siècles, un essor technique et technologique considérable. Cette société, qu'Ulrich Beck a désignée comme la « société du risque » a engendré des accidents de toutes sortes. Le recours au droit est aujourd'hui de plus en plus présent. La société ne laisse plus de place à la notion de risque acceptable. Désormais, si dommage il y a, il doit être imputable à un responsable et donner lieu une indemnisation .
Il est également à noter que la création jurisprudentielle de la responsabilité pour risque, encouragée par la doctrine de Saleilles et Josserand, a rendu possible l'indemnisation du préjudice corporel sans que la victime ait à prouver la faute du responsable .
En 1982, le Conseil Constitutionnel a élevé le droit à l'indemnisation au rang de principe fondamental. L'étape suivante dans la promotion de l'indemnisation des victimes de préjudice corporel a certainement été la mise en place de systèmes d'indemnisation sui generis. La loi du 5 juillet 1985 peut être considérée comme l'une des grandes étapes de la création des systèmes sui generis. Cette loi est l'aboutissement d'une réflexion juridique intense qui a été au cœur d'une « guérilla » juridictionnelle opposant la Cour de cassation aux juges du fond.
Le 21 juillet 1982, les juges du Quai de l'Horloge ont donc décidé de faire évoluer la jurisprudence en matière d'accident de la circulation et donc de préjudice corporel, ouvrant ainsi la porte au Garde des Sceaux de l'époque, Robert Badinter. En effet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ont instauré un système du "tout ou rien", en considérant que la faute de la victime, en l'espèce le comportement des piétons imprudents, n'exonérait en rien le gardien, sauf s'il s'agissait d'un cas de force majeure .
Sous l'impulsion de la Cour de cassation, la loi du 5 juillet 1985 a donc eu pour effet d'ouvrir le champ de l'indemnisation à un plus grand nombre de victimes. Des attentes importantes existaient lors de l'entrée en vigueur de cette loi, à savoir l'établissement d'une idée directrice relative à la définition des différents postes de préjudices et aux techniques d'évaluation du préjudice. Malheureusement bien que la loi « Badinter » ait été une grande avancée dans la réparation du préjudice corporel, de nombreuses lacunes sont apparues.
À travers ces lacunes de la loi du 5 juillet 1985 se pose la question de savoir comment évaluer monétairement la perte d'un membre ou les répercussions d'une cicatrice au niveau du visage. Une actrice défigurée sera-t-elle indemnisée de la même manière qu'une ouvrière. Un ingénieur amputé pourra-t-il arguée du même préjudice professionnel qu'un sportif de haut niveau. Comment le régleur doit évaluer le préjudice corporel d'une victime ?
[...] En effet, l'expert médical, par exemple pour les préjudices personnels, notamment le pretium doloris et le préjudice esthétique, donne une évaluation de un à sept et le magistrat estime, selon son intime conviction, le montant de la réparation. L'utilisation des barèmes aurait pour effet de supprimer tout contrôle et toute spécificité du handicap. Il est primordial que le pouvoir du juge soit protégé. Il ne saurait être transféré aux médecins experts, ce qui aurait une conséquence catastrophique, notamment lorsque ces derniers ne travaillent que pour des sociétés d'assurances. D'autre part, les barèmes d'indemnisation minimisent le droit des victimes. [...]
[...] Il est indéniable qu'il existe aujourd'hui une certaine insécurité judiciaire du fait des différences d'évaluation qui peut exister entre les juridictions. A titre d'exemple, en 2008, la Cour d'appel de Versailles indemnisait un préjudice esthétique évalué à 7/7 en moyenne par une somme supérieure à 30.000 Il en était de même de la Cour d'appel d'Agen et de Toulouse. La Cour d'appel de Bordeaux, quant à elle, indemnisait ce même préjudice par l'allocation d'une somme supérieure à 40.000 Malgré un réel écart, il ne semble pas que cette différence justifie la mise en place d'un nouveau système basé sur les barèmes. [...]
[...] L'évaluation du préjudice corporel Le droit romain ne prévoyait pas de réparation du préjudice corporel. A cette époque le principe était la vengeance privée avec la Loi du Talion. Cette indemnisation s'explique par un principe fondamental du droit romain : Le corps d'un homme libre ne reçoit aucune estimation En même temps que l'Etat est devenu plus puissant, celui-ci a été apte à imposer une compensation pécuniaire au préjudice corporel. C'est à partir de là que l'idée de réparation a émergé[2][2]. [...]
[...] La réparation du dommage corporel est une matière protéiforme entremêlée entre le monde médical, le monde juridique et le monde économique. Deux outils font office de passerelle entre l'expertise médico-légale et les techniques d'indemnisation : d'une part, une mission type d'expertise, d'autre part un barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun. La mission type sert de guide à l'expert judiciaire ou au médecin-conseil de l'assureur ou de la victime. La première mission type que les juges ont adoptée, inspirée des travaux de la Table ronde Automobile (1964) et des réflexions de la Commission Chenot (1968) résulte d'une circulaire du ministère de la Justice du 19 avril 1972. [...]
[...] Toutefois, il convient de préciser que ce ne sont pas ces postes de préjudices qui coûtent cher. Il y a donc tout lieu de craindre que cette réglementation soit progressivement étendue aux autres chefs de préjudices, telle la tierce personne. En outre, un tel projet aurait nécessairement pour effet de figer la jurisprudence. En effet, l'utilisation d'un référentiel empêcherait toute évolution de la jurisprudence qui serait comme standardisée. On parle de bonnes juridictions ou de bonnes décisions mais ce sont aussi peut-être des juridictions qui se sont autoformées, notamment au contact des experts, des médecins, en participant à des colloques, à des diplômes interuniversitaires concernant le handicap, pour juger en connaissance de cause. [...]
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