équité, droit civil, Code civil, juge civil français, application de la loi, déni de justice
Aristote distinguait, dès le IVe siècle av. J.-C., l'équité de la justice. Si cette dernière est universelle et absolue, l'équité est quant à elle l'adaptation d'une loi générale à une situation particulière. Ainsi, il est possible à un juge de statuer strictement selon la loi ou « en équité », c'est-à-dire au regard de la situation de chaque plaideur. Dans notre Code civil, toutefois, cette dernière pratique est strictement interdite à l'article 5 qui défend au juge de trancher un conflit autrement que par application de la loi, tandis que l'article 4 lui interdit le déni de justice, même en cas d'absence de loi applicable au conflit à trancher.
Cette aporie dans laquelle se trouve le juge civil français devant juger un conflit en l'absence de loi applicable, ou en s'appuyant sur une loi qui ne saurait saisir, de par sa généralité, la singularité de la situation, est en fait moins profonde qu'elle ne pourrait sembler puisque seul le non-respect de l'article 4 entraîne une sanction pénale. Il semblerait donc, de prime abord, que le déni de justice entraîne des conséquences bien plus lourdes pour le juge que le jugement en équité. Reste qu'il pose une question aux enjeux importants : celle de l'égalité de tous devant la loi civile.
[...] Le juge est, depuis l'après-guerre, de plus en plus encouragé par la loi à statuer en équité. Alors que le Code civil de 1804 était farouchement opposé aux jugements en équité, il tend aujourd'hui à les favoriser. La loi du 13/07/1965, par exemple, qui réforme les régimes matrimoniaux, dispose à l'article 1579 que si l'application des règles d'évaluation d'un bien dans le cadre de la liquidation d'un régime de participation aux acquêts devait conduire à un résultat manifestement contraire à l'équité le juge pourrait y déroger à la demande de l'un des époux. [...]
[...] Adapter ainsi le Code civil à la société majoritairement rurale du début du XIXe siècle avait pour avantage de ne pas voir le juge confronté à une situation que le Code n'aurait pas prévue ; et donc d'éviter qu'il ne soit obligé de recourir à un jugement en équité pour rendre justice. Dans le cadre d'un contrat cette fois, le juge n'a aucunement le droit de recourir à l'équité pour modifier ce qui a été convenu entre les deux parties (Cass. Civ., 6/03/1876, Canal de Craponne). En effet, de telles pratiques affaibliraient considérablement la théorie de l'accord de volonté et donneraient au juge un pouvoir immense quant à l'application des conventions. [...]
[...] Loin de l'épouvantail d'un gouvernement des juges, elle est définie comme une interprétation de la loi par les juges, et non comme une création juridique. C'est ainsi que la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 12/12/2002, que le basculement d'un immeuble n'est pas une ruine du bâtiment au sens de l'article 1386 du Code civil et est donc soumis à l'article 1384 alinéa 1er, bien plus favorable aux victimes. De l'interprétation à la création jurisprudentielle, il n'y a cependant qu'un pas, dont la loi cherche à empêcher qu'il ne soit franchi. [...]
[...] Le juge civil français doit-il être équitable ? À cette question, s'il faut en principe répondre par la négative, cela a toutes les caractéristiques du principe philosophique dont le caractère absolu ne parvient pas à embrasser la réalité de manière convaincante ; c'est pourquoi il conviendra de nuancer cette position initiale en examinant l'importance croissante que revêt le principe d'équité en droit civil (II). I/Le juge civil entretient un rapport paradoxal à l'équité Si le Code civil de 1804 est absolument légaliste, au point de ne laisser que peu de place au juge dans l'adaptation de la loi civile aux situations particulières il n'en reste pas moins que celui-ci, dans l'optique de lutter contre les inégalités, peut dans certains cas statuer en équité A/L'équité pensée comme un obstacle à l'égalitarisme révolutionnaire Il conviendra donc d'examiner dans quelle mesure l'équité est un frein à l'égalité de tous devant la loi et doit donc être exclue, à la fin d'un XVIIIe siècle marquée par la mise à bas de la monarchie absolue, du droit civil. [...]
[...] Néanmoins, l'équité, que l'on trouve dans le Code civil à l'article 1135, a permis aux juges de dégager, dans certains contrats, une obligation de sécurité ; dans le contrat de transport de personnes par exemple, point de départ de toute une construction jurisprudentielle, l'expansion de l'obligation de sécurité fut titanesque (Cass. Civ. 21/11/1911). Ainsi, dans les contrats, l'équité prend une place complémentaire de la volonté des parties, ce qui permet au juge de sanctionner les conventions iniques, conclues au détriment flagrant d'une des parties. [...]
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