L'enrichissement injustifié, ou sans cause, consiste en l'enrichissement d'une personne (l'enrichi) aux dépens d'une autre (l'appauvri). L'action d'enrichissement sans cause, anciennement appelée action « de in rem verso », a donc pour objet de compenser ce transfert de valeur injustifié, au moyen d'une indemnité que doit verser l'enrichi à l'appauvri. Cependant, aucun texte dans le Code Civil n'énonce de principe général pour ouvrir cette action; elle résulte totalement d'une création jurisprudentielle dont le point de départ fut le célèbre arrêt dit « du marchand d'engrais » rendu le 15 juin 1892 et faisant expressément référence à une action « dérivant du principe d'équité qui défend de s'enrichir aux dépends d'autrui ». Dans l'arrêt qu'il nous est donné d'étudier, la Cour de cassation se penche sur la question de l'enrichissement sans cause des parents du fait de l'attention et des soins qui leur ont été apportés par leur fils. Ce dernier, Norbert, demande de prélever sur un actif successoral une indemnité pour le temps et l'argent consacrés à ses parents durant leurs dernières années. Devant le refus de sa sœur, il engage contre la succession une action d'enrichissement sans cause arguant du fait que, pour éviter à ses parents d'être placés en maison de retraite, il leur avait apporté une assistance constante pour laquelle il avait sacrifié son avenir professionnel. Dans ce cas là, l'enrichissement sans cause est constitué par le dépassement des exigences de la piété familiale normale (appauvrissement de Norbert) afin d'éviter des dépenses (enrichissement des parents). La Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt du 9 juin 1992, déboute Norbert de sa demande d'indemnisation car l'assistance aux parents âgés résulte d'un devoir moral énoncé par l'article 205 du Code Civil: « les enfants à tout âge doit honorer ses père et mère ». Ce devoir moral devient la cause légitime de l'assistance apportée aux parents, l'enrichissement de ces derniers n'est donc pas sans cause et l'action de in rem verso est donc exclue. Norbert se pourvoit en cassation. L'enrichissement sans cause établit suite à l'exécution d'un devoir moral ne permet-il donc pas au demandeur d'obtenir indemnisation de l'appauvrissement qu'une telle exécution lui a occasionné ? La Cour de Cassation estime, dans cet arrêt du 12 juillet 1994, que la Cour d'Appel a violé l'article 1371 régissant les quasi-contrats. Elle casse et annule la décision de la Cour d'Appel et renvoie l'affaire devant la Cour d'Appel de Lyon; et ce en consacrant l'idée essentielle selon laquelle les exigences morales, comme celles de la piété familiale, ont des limites susceptibles d'être dépassées. Dans un premier temps, il nous faudra donc caractériser l'action d'enrichissement sans cause, en étudiant les conditions ainsi que les obstacles à son engagement (I). Cela nous permettra de déterminer l'applicabilité de cette action au cas d'un devoir moral (II).
[...] L'enrichissement sans cause : Cass. Civ. 1ère juillet 1994 L'enrichissement injustifié, ou sans cause, consiste en l'enrichissement d'une personne (l'enrichi) aux dépens d'une autre (l'appauvri). L'action d'enrichissement sans cause, anciennement appelée action de in rem verso a donc pour objet de compenser ce transfert de valeur injustifié, au moyen d'une indemnité que doit verser l'enrichi à l'appauvri. Cependant, aucun texte dans le Code Civil n'énonce de principe général pour ouvrir cette action ; elle résulte totalement d'une création jurisprudentielle dont le point de départ fut le célèbre arrêt dit du marchand d'engrais rendu le 15 juin 1892 et faisant expressément référence à une action dérivant du principe d'équité qui défend de s'enrichir aux dépens d'autrui Dans l'arrêt qu'il nous est donné d'étudier, la Cour de Cassation se penche sur la question de l'enrichissement sans cause des parents du fait de l'attention et des soins qui leur ont été apportés par leur fils. [...]
[...] Norbert se pourvoit en Cassation. L'enrichissement sans cause établit suite à l'exécution d'un devoir moral ne permet-il donc pas au demandeur d'obtenir indemnisation de l'appauvrissement qu'une telle exécution lui a occasionné ? La Cour de Cassation estime, dans cet arrêt du 12 juillet 1994, que la Cour d'Appel a violé l'article 1371 régissant les quasi- contrats. Elle casse et annule la décision de la Cour d'Appel et renvoie l'affaire devant la Cour d'Appel de Lyon ; et ce en consacrant l'idée essentielle selon laquelle les exigences morales, comme celles de la piété familiale, ont des limites susceptibles d'être dépassées. [...]
[...] L'appauvrissement réel est donc nécessairement à prouver afin de rendre l'action de in rem verso effective. Cependant l'appauvrissement peut également consister en un manque à gagner. - L'enrichissement : L'appauvri ne dispose de la possibilité d'action que si quelqu'un s'est corrélativement enrichi. Cela consiste par exemple en la réalisation d'une économie par dépense évitée. En l'espèce, les frais de maison de retraite ont été évités par le dévouement quotidien de Norbert qui a permis à ses parents de réaliser des économies tout en provoquant un appauvrissement certain de leur fils. [...]
[...] Si tel est le cas, l'indemnisation sera refusée. Les modalités d'indemnisation doivent donc être étudiées tant le cadre du devoir moral est flou. B La possible indemnité résultant de l'accomplissement d'un devoir moral excessif Même dans le cadre d'un devoir moral, l'intention libérale peut être invoquée pour débouter le demandeur de l'action d'enrichissement sans cause de son indemnisation, au terme de l'article 1371 CCiv. En effet, l'intention libérale, action désintéressée et volontaire, réintroduit la notion de cause à l'enrichissement et rend donc impossible l'action de in rem verso. [...]
[...] Ainsi, le devoir moral ne doit pas aller jusqu'à certains sacrifices concernant la vie personnelle de l'enfant. En l'espèce, l'assistance apportée aux parents était telle que Norbert a sacrifié sa vie professionnelle. On imagine sans mal une promotion ou un déplacement offerts à Norbert, mais qu'il refuse pour rester auprès de ses parents âgés. Un tel manque à gagner constitue l'appauvrissement du fils, au profit des parents à qui il a également concédé de nombreuses dépenses pour éviter leur placement en maison de retraite. [...]
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