« Édicter quelques règles puis faire confiance», ce proverbe français est tout le principe de la fiducie dont le terme vient du latin « fides » qui signifie « confiance ». Juridiquement, la fiducie est définie comme une « opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés (...), présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires. » (Article 2011 du Code civil). Le patrimoine, quant à lui, consistant dans l'ensemble des biens et obligations d'une personne a été longuement appréhendé par Aubry et Rau qui en ont fait naître une universalité de droit. En effet dans leur œuvre (1838), ces deux auteurs, devenus plus tard conseillers de la Cour de cassation, ont déterminé qu'au sein du patrimoine l'actif et le passif formaient une masse et ne pouvaient donc se dissocier. Les notions de fiducie et de patrimoine touchant toutes deux aux biens et droits d'une personne semblent sans aucun doute liées, les difficultés s'annonçant plutôt quant à leur cohabitation.
Introduite en France par la loi du 19 février 2007, la fiducie n'est cependant pas une nouveauté ; en effet on la trouvait déjà dans la pensée romaine (« Fiducia cum credito », « Fiducia cum amico »), mais ces notions ont été oubliées dès le Moyen-Âge. Les pays de commun law ont par contre une connaissance parfaite de ce système juridique que l'on retrouve chez eux à travers la notion de Trust qui permet à une personne (le « stellor »), de transférer à une autre (le « trustee »), la propriété de biens, à charge pour lui de les restituer au bénéficiaire. Il est important tout de même de différencier la fiducie du trust, car bien que liées, ces deux pratiques se distinguent au niveau des droits qu'elles procurent.
[...] I La Conception d'Aubry et Rau : un monument historique déclassé en 2007 ? Malgré les critiques, la théorie classique du patrimoine élaborée par Aubry (1803-1883) et Rau (1803-1877), a eu un tel impact qu'elle a marqué l'enseignement, traversant toutes les universités sans jamais être détrônée Cependant, cette affirmation bien que véritable sans pâtir de la fiducie depuis le 19 février 2007 La Théorie classique du patrimoine : une œuvre contestable, mais incontestée «Pour la théorie classique, on ne saurait mieux faire que de se reporter à la source, Aubry et Rau (Jean CARBONNIER). [...]
[...] En effet, alors que la disposition de l'Article 2015 du Code civil était sa principale restriction, limitant la possibilité de fiducie aux personnes morales, il permet aujourd'hui aux avocats d'avoir la qualité de fiduciaire. Cette dernière affirmation ne peut être restreinte que si l'avocat est frappé d'une interdiction d'exercer cette profession, auquel cas, la fiducie prendra fin de plein droit. L'Article 18 de la LME prévoit quant à lui, que le Gouvernement puisse prendre une ordonnance, dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la LME pour permettre aux personnes physiques de constituer une fiducie dans un but de garantie et de gestion. [...]
[...] Dès lors, toutes les restrictions que subissait un an auparavant la fiducie, et grâce auxquelles la théorie classique du patrimoine se voyait préservée , semblent avoir disparu, rendant le procédé plus fort et plus présent. L'Article 18 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 est entré en application au 1er février 2009. Depuis, la fiducie se voit transformée; bénéficiant d'une durée maximum plus longue, ayant un champ d'application agrandi, s'ouvrant aux personnes physiques, elle est devenue une véritable institution du droit civil français, qui bouleverserait Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau. [...]
[...] Les rédacteurs du Code civil ont semblé très attachés à cette conception classique qu'on retrouve aujourd'hui à l'Article qui dispose que Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. Dès lors, apparaît bel et bien en droit français la théorie selon il existe un lien évident entre les dettes d'une personne et ses biens et droits ; un débiteur s'il ne recouvre pas la créance de son créancier, devra la payer sur ses biens propres jusqu'à être désobligé envers lui. Cette conception se distingue cependant de la théorie objective qui elle, a admis que le patrimoine puisse devenir multiple, le détachant de la personne. [...]
[...] À la lumière de ces textes, il apparaît clairement que la théorie classique est remise en cause, puisque le patrimoine qui se revendiquait incessible du vivant de son titulaire, est désormais détaché de sa personne et on permet la constitution d'un patrimoine d'affectation dont la gestion est confiée à un tiers. En effet, le principe de la fiducie est le suivant : le constituant transfère une partie de son patrimoine à un fiduciaire, qui doit le détenir séparément de son propre patrimoine. Toutefois, il existe une limite: ce transfert n'est pas définitif, l'objectif étant qu'à l'issue du contrat, soit qu'il soit à une durée déterminée, soit qu'il ait rempli son objet, les biens constituant le patrimoine fiduciaire doivent être remis à un bénéficiaire. [...]
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