Les personnes physiques sont titulaires de droits subjectifs. Tous ces droits ne s'expriment pas de la même manière, n'ouvrent pas les mêmes possibilités d'action, ni ne mettent à la charge des personnes qui en sont titulaires les mêmes obligations. Le droit, qui se réalise à l'aide de catégories juridiques dans lesquelles prennent place les éléments de la vie juridique, selon leurs natures et leurs ressemblances, distingue traditionnellement entre les droits patrimoniaux et les droits extra-patrimoniaux de la personne. On retrouve ici la notion fondamentale de patrimoine, notion qui sous-tend l'ensemble de notre droit. Définie par François Terré comme “l'ensemble des rapports de droit appréciables en argent, qui ont pour sujet actif ou passif une même personne et qui sont envisagés comme formant une universalité juridique”, cette notion de patrimoine permet ainsi d'envisager deux catégories de droits : ceux qui sont susceptibles d'être appréciés en argent et ceux qui ne le sont pas. Par exemple, le droit de propriété est un droit patrimonial tandis que le droit de se faire reconnaître comme l'enfant naturel d'une personne est un droit extra-patrimonial dont on sent bien, intuitivement, qu'il n'est pas susceptible d'une évaluation monétaire.
Pourtant, sous l'effet de l'évolution de la notion juridique de patrimoine, les frontières sont devenues de plus en plus floues entre droits patrimoniaux et droits extra-patrimoniaux. Il semble aujourd'hui que le critère de l'appréciation en argent ne soit plus pertinent pour distinguer entre les deux catégories de droits puisque l'appréciation en argent d'un préjudice subi par une personne dans son âme ou dans son corps est réalisé quotidiennement par le juge en vue de l'indemnisation de ce préjudice.
Dès lors le critère de l'appréciation en argent est-il toujours pertinent pour la classification des droits subjectifs de la personne ? La notion de patrimoine permet-elle toujours d'appréhender de manière efficace la différence fondamentale qui semble néanmoins persister entre ce que l'on appelle traditionnellement droits patrimoniaux et droits extra-patrimoniaux ?
[...] Lindon et D. Amson ; Paris février 1993, D. 1993.IR.118 Ibid Ibid Yvonne Lambert-Faivre, “L'éthique de la responsabilité”, RTD civ p C'est ici tout le problème posé par les sanctions civiles ayant pour but de protéger la personne. [...]
[...] De nombreux droits extrapatrimoniaux entrent en effet dans le circuit des échanges volontaires. Au-delà de la traditionnelle rémunération du travail humain rappelée par Alain Sériaux qui fait entrer dans le commerce l'être même de la personne du travailleur, le nom, l'image ou la voix d'une personne sont aujourd'hui accessibles aux échanges et introduisent une dimension vénale dans des droits traditionnellement extrapatrimoniaux[10] . Par exemple, les juges du fond ont vu dans l'image d'une personne belle et/ou célèbre un élément de son patrimoine qu'elle pouvait céder contre rémunération[11] et transmettre à ses héritiers. [...]
[...] I - Une stricte distinction traditionnelle entre droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux La summa divisio entre droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux exprime une différence de nature entre les différents droits de la personne physique. Ainsi les droits subjectifs sont soit l'émanation de la personne et relèvent de la sphère de l'être soit des biens de la personne et relèvent de la sphère de l'avoir Cette dichotomie fondamentale permet l'identification de nombreux critères de distinction entre les différents droits subjectifs de la personne humaine A - Une dichotomie entre l'être et l'avoir Qu'il s'agisse de la science juridique ou de la science économique, le patrimoine apparaît toujours comme ce que possède une personne, comme ses biens. [...]
[...] Les droits sont patrimoniaux dès lors qu'ils sont susceptibles d'une transmission héréditaire. C'est le cas des droits de créance et des droits de propriété. Rappelons à ce titre que, étymologiquement, le terme de patrimoine signifie qui vient des pères”. Les droits patrimoniaux sont donc ceux qu'il est possible de recevoir de ses aïeux. Ainsi, toujours par la négative, les droits extrapatrimoniaux sont ceux qui n'ont pas de vocation successorale : on ne transmet pas à ses descendants son droit à la vie, son droit de vote, son droit à la liberté de conscience ou bien encore le droit à sa propre image. [...]
[...] Ainsi il n'est pas possible d'échanger le droit extrapatrimonial d'autorité parentale. Il n'est pas possible non plus de se déposséder du droit à l'inviolabilité de son domicile ou de son droit au nom. C'est donc la capacité qu'a le droit de changer indéfiniment de titulaire qui lui donne sa qualité de droit patrimonial. Les droits peuvent également être appréhendés dans une perspective temporelle plus longue, et au della de l'échange immédiat, la “vocation successorale”[7] est un critère intéressant pour saisir la patrimonialité des droits. [...]
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