En 1651, le philosophe anglais Thomas Hobbes écrivait dans le Léviathan que « la fin capitale et principale, en vue de laquelle les hommes s'associent dans les républiques et se soumettent à des gouvernements, c'est la conservation de leur propriété. » Au-delà de la relation qu'elle implique entre les hommes et les choses, la propriété privée influence donc également le rapport à l'Etat des individus. Notamment, jusqu'à l'abolition du suffrage censitaire en 1851, seul le propriétaire était un vrai citoyen. Aujourd'hui encore, le mode de calcul de certains prélèvements obligatoires, au premier rang desquels l'Impôt sur les grandes fortunes (ISF), montre que la propriété privée façonne les relations que les individus entretiennent avec l'Etat.
En outre, la Propriété s'immisce également dans la relation entre les individus et l'Etat en raison de sa nature même. En effet, à l'instar des autres « droits en majuscule » que constituent la Liberté et l'Egalité, le droit de propriété autorise à ne faire que ce qui ne nuit pas à autrui. Le Talmud, un des ouvrages les plus importants du judaïsme, ordonne d'ailleurs aux croyants: « que la propriété de ton prochain te soit aussi chère que la tienne ». Transcrit dans le champ du droit public, ce principe prend un sens plus large, et le droit de propriété est alors perçu comme ayant une « fonction sociale » dont l'usage doit contribuer au bien de la collectivité, ce qu'exprime magistralement Léon Duguit dans son Traité de droit constitutionnel (1911). Si la propriété, « droit naturel et imprescriptible de l'homme », est un « droit-liberté », ce que défendirent en leur temps Locke, Turgot puis Benjamin Constant, elle n'en demeure donc pas moins un « droit-devoir » : « la propriété oblige ». Le droit de propriété, même « inviolable et sacré » , n'est donc pas un droit absolu : il peut faire l'objet de limitations exigées par l'intérêt général, limitations qui seront régies en toute légitimité par l'Etat.
[...] D'autant plus qu'en même temps qu'a été conçue de manière de plus en plus large la notion d'utilité publique justifiant l'expropriation, la liste des bénéficiaires possibles de l'expropriation s'est enrichie. Livrée à l'appréciation discrétionnaire d'autorités de plus en plus nombreuses, la notion court le risque d'être invoquée abusivement, portant des atteintes inadmissibles aux garanties individuelles. Par ailleurs, le système d'indemnisation des expropriés reste critiquable, et ce, même si le droit à indemnité est étendu. Le législateur a en effet pris des précautions pour que les bases d'évaluation retenues n'entraînent en aucun cas un enrichissement injustifié au profit de l'exproprié. [...]
[...] Le Droit de propriété a donc une valeur constitutionnelle, et le législateur doit donc veiller à ne pas porter atteinte à ce droit, sauf si la nécessité publique l'exige, ce qui a pour conséquence de renforcer les garanties des expropriés. Toujours au niveau supra-législatif, le droit européen protège également les propriétaires durant la procédure d'expropriation. Indépendamment du droit au procès équitable qui vaut notamment pour les procédures d'expropriation[6], le protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme adopté en mars 1952 pose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. [...]
[...] Dans ce dernier cas de figure, un droit de rétrocession offre au propriétaire un véritable droit à ce que sa dépossession ne soit pas inutile[14]. Enfin, le propriétaire est également protégé lorsque l'administration entend limiter l'expropriation à une faction seulement d'un immeuble de l'exproprié, et que l'autre partie, compte tenu de l'importance de l'amputation, est inutilisable à elle seule. Par la réquisition d'emprise totale, l'exproprié peut alors contraindre l'administration à acheter plus qu'elle n'a besoin et plus qu'elle ne le souhaiterait[15]. [...]
[...] Cela pourrait cependant avoir pour double conséquence de diminuer le nombre de propriétaires qui pourraient s'estimer lésés dans leur droit de propriété, tout en faisant toutefois porter les procédures d'expropriation sur les cas les plus conflictuels, et donc les moins susceptibles de se régler dans le respect total du droit de propriété. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Article 2 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Article 17 Article 2 DDHC : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. [...]
[...] Notamment, afin d'introduire un recours pour excès de pouvoir contre une déclaration d'utilité publique (ou un arrêt de cessibilité), le requérant pourra invoquer aussi bien le moyen de l'incompétence (par exemple dans le cas où la déclaration d'utilité publique aura été prononcée par un arrêté préfectoral alors qu'elle aurait dû faire l'objet d'un décret), que les moyens du vice de forme, de la violation de la loi ou encore du détournement de pouvoir. Deuxièmement, à l'occasion du contrôle qu'il exerce sur la déclaration d'utilité publique, le juge adminsitratif peut également être appelé à vérifier non seulement si les règles légales ont été observées, mais également si l'objet de l'opération correspond bien à la notion d'utilité publique[9]. De plus, le contrôle du juge ne se limite pas dans ce cas à une appréciation abstraite ou théorique. [...]
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