Ce qui se jouait à travers la recevabilité de la plainte de l'enfant handicapé, c'était l'extension juridique du statut de sujet libre, héritier des Lumières, qui n'a d'autres interdits que ceux qui lui fixe l'usage de la raison. C'est cette prétention qui est jugée démesurée par ceux qui ne pensent le droit qu'en référence à des valeurs transcendantes que le sujet a vocation de découvrir et de respecter et non de se donner
[...] Pourquoi une polémique passionnelle et non un débat public mesuré, critique et courtois ? Toutes ces remarques ne résultent pourtant que d'une approche un peu triviale du problème. Car à y regarder de plus près, cette polémique est inhérente à un régime démocratique. De tels conflits surgissent chaque fois que le droit ne se contente pas de réglementer le comportement des humains mais qu'il entreprend de déterminer la nature même de l'humain. La démocratie est alors ce régime dans lequel la constitution même de l'humain est problématique car elle n'est pas le fait d'une Révélation ou d'une tradition mais celui d'une décision collective. [...]
[...] Un disciple de Protagoras, l'ami de Périclès. L'homme est la mesure de toute chose : conventionnalisme sociologique plus que relativisme sceptique. C'est un disciple de Gorgias, l'auteur d'un Traité du non-être : l'Etre n'est pas ce que la parole dévoile, mais ce que le discours crée, c'est un effet du dire. Il n'y a pas de réalité pré discursive. La loi, la norme n'a donc d'autres fondements que l'accord consensuel qui articule l'éthique (ce qui semble le meilleur), la logique ( il est établi par le discours) et le politique (il en résulte concorde et cohésion). [...]
[...] Car sous l'aspect de la causalité naturelle, l'enfant à naître n'est qu'un vivant potentiel, un humain en puissance et non en acte. Or comment accorder des droits à ce qui n'existe pas ? C'est pourquoi la causalité juridique procédait tout autrement. L'enfant à naître était supposé déjà né par une anticipation fictive de sa naissance et c'est en tant qu'existence fictivement réalisée qu'il était sujet de droits mais ces droits étaient assortis d'une condition suspensive : qu'il naisse effectivement. La décision de la Cour de Cassation étend en quelque sorte cette démarche au corps même du sujet en le dissociant de sa causalité biologique et des conditions naturelles de son origine. [...]
[...] On comprend mieux désormais l'enjeu de cette décision : c'est bien des limites de l'autonomie du sujet qu'il s'agit. D'où la virulence des attaques de ceux qui veulent le maintenir dans l'assujettissement à une loi naturelle transcendante. Ce qui se jouait à travers la recevabilité de la plainte de l'enfant handicapé, c'était l'extension juridique du statut de sujet libre, héritier des Lumières, qui n'a d'autres interdits que ceux qui lui fixe l'usage de la raison. C'est cette prétention qui est jugée démesurée par ceux qui ne pensent le droit qu'en référence à des valeurs transcendantes que le sujet a vocation de découvrir et de respecter et non de se donner. [...]
[...] A propos de l'affaire Perruche. O. Cayla et Y.Thomas Synthèse Personne ne conteste à une femme le droit de demander réparation d'une erreur de diagnostic qui l'a empêchée de recourir à l'avortement thérapeutique auquel la loi l'autorise. Pour avoir été induite en erreur, elle doit être indemnisée du préjudice que constitue pour elle la naissance non-voulue d'un enfant gravement handicapé. Mais qu'en est-il pour l'enfant lui-même ? Peut-il lui aussi demander réparation des fautes médicales qui ont eu pour effet sa naissance handicapée ? [...]
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