L'exigence de loyauté de la preuve, et l'attention approfondie qui lui est accordée depuis les années 1990, a trouvé un nouvel écho, particulièrement retentissant, au cours de ce que les médias ont baptisé l'affaire Woerth-Bettencourt. Le procureur de Nanterre Philippe Courroye s'était violemment insurgé contre les écoutes réalisées par un domestique à l'insu de Mme Bettencourt, constituant le cœur de l'accusation de fraude fiscale portée contre cette personne et publiées dans les médias. Selon lui, ces écoutes sont "une très grave entorse au principe de la loyauté de la preuve, (...) un procédé d'une illicéité et d'une indignité extrêmes", pouvant conduire à "une société où, demain, n'importe qui s'arrangera pour faire sonoriser le bureau ou le domicile d'un avocat, d'un chef d'entreprise, d'un journaliste, d'un magistrat puis rendra publics ces enregistrements" (Le Monde, 23 juillet 2010). Le contentieux relatif aux écoutes et aux enregistrements illicites n'est pas nouveau et touche en effet au fondement du principe de loyauté de la preuve. Dans un système judiciaire où la preuve est libre, toutes les preuves n'en sont pas pour autant recevables. Certaines sont illicites, d'autres déloyales et il est du ressort du juge d'en déterminer la recevabilité.
[...] C'est l'idée de droiture et de probité dans le déroulement du procès qu'entend régir le principe de loyauté de la preuve. Il s'agit d'un principe contraignant fort, qui limite les moyens et les modes d'administration de la preuve bien qu'il ne s'appuie pas sur des bases textuelles et jurisprudentielles claires et univoques A. L'exigence de loyauté dans l'administration de la preuve : quelles limites encadrent le droit d'apporter la preuve ? La loyauté de la preuve est une notion protéiforme, mais dont on sent bien l'utilité. [...]
[...] Des limites à la portée du principe de loyauté Comme le souligne Vanessa Perrocheau, l'intensité de l'exigence de loyauté varie selon le domaine du droit dans lequel on se situe. Elle attribue ces divergences au souci d'une plus grande efficacité dans la recherche de la vérité qui prime dans certains domaines sur le respect de la loyauté. Un état des lieux des différences entre solutions légales et jurisprudentielles selon que le contentieux intervient dans tel ou tel domaine conduit en effet à analyser la portée du principe de loyauté mis en balance avec les autres impératifs du procès, au premier rang desquels celui de la recherche de la vérité A. [...]
[...] La procédure organise avec précision les conditions légales dans lesquelles doit être recueillie la preuve. Dans le débat judiciaire, il est attendu de chaque partie un bon comportement, qui consiste à mettre l'adversaire à même d'organiser sa défense en lui communiquant en temps utile ces moyens de défense et de preuve (Nouveau Code de Procédure Civile, art 15). Les droits de la défense montrent également qu'une exigence de loyauté sous-tend la procédure. L'obligation de donner connaissance de l'introduction de l'instance, l'obligation pour le juge de sanctionner le non-respect des droits de la défense ainsi que l'obligation pour le législateur d'organiser un système rationnel des voies de recours sont autant de manifestations de l'exigence d'un déroulement loyal du procès. [...]
[...] Des questions restent néanmoins en suspens. À quoi sert d'ériger en infractions pénales des comportements portant atteinte à la vie privée ou au secret des correspondances, incriminés par les articles 226-1 et 226-15 du Code pénal, tout en admettant la recevabilité des preuves obtenues en violation de ces textes ? La vérité n'étant recherchée que dans les limites de la vérité judiciaire, celle ci ne peut faire abstraction du cadre juridique normatif qui en motive sa recherche. Il ne s'agit pas d'une situation moins paradoxale que l'indifférence à l'égard de la déloyauté initialement commise par le salarié, comme dans l'affaire Nikon. [...]
[...] Si la charge de la preuve incombe à un magistrat ou de dans une moindre mesure, quand elle est le fait de la police judiciaire, l'appréciation de la loyauté se fera de façon très rigoureuse. Il s'agit d'une jurisprudence ancienne, qui remonte à l'affaire du juge Wilson en 1888, depuis confirmée par un arrêt de la Cour criminelle du 23 août 1994. C'est parce que la mise en œuvre de procédés déloyaux dans l'obtention des preuves serait contraire à la dignité de la justice que cette rigueur est aussi importante, et alors que les moyens de preuve sont tout à fait admis lorsqu'ils sont le fait de simples particuliers. [...]
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