Le droit de désobéissance du fonctionnaire découle naturellement du strict principe d'obéissance hiérarchique auquel il est soumis au sein de l'administration. Cette obligation inclut pour les agents publics le devoir de se conformer aux instructions émanant de leurs supérieurs, ainsi qu'aux mesures régissant l'organisation des services.
Bien sûr, la fonction publique et ses membres sont soumis à la légalité. Cependant, la jurisprudence et le Législateur ont œuvré en faveur de la reconnaissance - sous des critères bien précis - d'un droit de désobéissance face à l'éventuelle injonction d'exécution d'ordres illégaux. Cette évolution est d'ailleurs largement le fruit de la prise de conscience des fautes ayant entaché l'administration sous le régime de Vichy.
L'interrogation essentielle est en réalité de savoir dans quelle mesure un fonctionnaire peut passer outre son devoir d'obéissance – notamment en cas de conflit entre l'ordre de son supérieur hiérarchique et une norme légale ou même constitutionnelle.
Après-guerre, la jurisprudence est de fait revenue sur le régime de large irresponsabilité des fonctionnaires pour les actes émanant de leur hiérarchie et a pu apporter une réponse à cette question. La loi du 13 juillet 1983, dite loi Anicet Le Pors, consacrera d'ailleurs les solutions apportées par la jurisprudence en fixant un cadre établissant les limites consenties au principe d'obéissance.
Au sens strict, le « droit de désobéir » n'a été énoncé en ces termes par le Législateur et le juge administratif que dans des cas bien déterminés : la loi y fait allusion au sein des textes sur les « abus d'autorité en matière sexuelle ». Pour sa part, la juridiction administrative s'y réfère à travers sa jurisprudence sur le droit de passer outre l'injonction de cesser une grève licite (arrêt Commune de Grand-Bourg-de-Marie-Galante, CE, 26 juin 1996) et sur celui d'invoquer le droit au retrait, au nom d'un « danger grave et imminent pour la vie et la santé » (arrêt Gloty c/ Commune de Chatenois-les-Forges, TA de Besançon, 10 octobre 1996).
Mais au-delà de ces situations données, le droit de désobéir doit aussi être regardé plus largement comme un devoir de désobéissance, lorsque l'ordre donné aurait pour effet de faire commettre à l'agent une infraction pénale. Les relativement récentes affaires Papon et celle dite des « écoutes de l'Elysée » sont venues consacrer cette responsabilisation de l'agent public, qui se retrouve in fine seul juge de ses actes dont il doit personnellement rendre compte. Il ne peut désormais plus se démettre de sa responsabilité devant les conséquences des actes exécutés en objectant qu'il avait seulement obéi aux ordres.
Le caractère au final impératif et impérieux de cette obligation de désobéir constitue en un certain sens le contrepoids de l'autonomie dont dispose le fonctionnaire, mais débouche sur un certain paradoxe. En effet, tandis que selon certains auteurs nous nous acheminons vers une « civilisation de la responsabilité personnelle pénale et disciplinaire », parallèlement les possibilités de recours du fonctionnaire contre un ordre qu'il ne peut se résoudre à exécuter demeurent très limitées. Et au final, ce refus d'obéissance, même s'il peut être légitime, se soldera le plus souvent à court terme par des sanctions pénales et disciplinaire contre l'agent public et, au-delà, de la démocratie
Le droit de désobéir est par conséquent l'expression d'une mutation profonde du rôle du fonctionnaire dans l'administration : celui-ci n'est plus envisagé comme un simple maillon d'une chaîne d'irresponsabilités, mais comme un individu libre et responsable dont on sollicite la conscience personnelle, garantie supplémentaire à la sauvegarde de l'intérêt public.
La liberté de désobéissance reconnue à l'agent s'illustre ainsi par une autonomie consacrée face à l'autorité hiérarchique, mais aussi et au-delà par une obligation de désobéissance, au caractère contraignant et limité.
[...] Et récemment, la Cour d'Appel de Paris a également suivi un raisonnement semblable dans l'affaire dite des écoutes de l'Elysée en réformant le 17 mars 2007 un jugement du Tribunal Correctionnel de Paris du 9 novembre 2005 qui sanctionnait de peines légères les responsables soumis à la volonté du Président de la République à l'occasion d'une faute non détachable du service. La Cour d'Appel requalifie cela en faute personnelle accomplie à l'occasion du service. D'ailleurs, le Code pénal définit aussi un devoir de désobéissance, avec un critère unique et donc plus facile à soulever : N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal - selon l'article 122-4. [...]
[...] Le principe d'obéissance hiérarchique est en effet de droit. Ceci sauf dans certains cas désormais établis par la loi, qui n'a en réalité fait que reprendre la jurisprudence administrative. Celle-ci, après-guerre surtout, a peu à peu jeté les bases de la désobéissance du fonctionnaire : - Arrêt Langneur novembre 1944, CE Section : l'agent exécutant des ordres illégaux du maire encourt des poursuites disciplinaires et pénales. - Arrêt Arrasse mai 1949, CE, énonce que l'ordre du supérieur n'a pas le caractère d'une contrainte irrésistible pour l'agent public. [...]
[...] Le droit de désobéissance du fonctionnaire Le droit de désobéissance du fonctionnaire découle naturellement du strict principe d'obéissance hiérarchique auquel il est soumis au sein de l'administration. Cette obligation inclut pour les agents publics le devoir de se conformer aux instructions émanant de leurs supérieurs, ainsi qu'aux mesures régissant l'organisation des services. Bien sûr, la fonction publique et ses membres sont soumis à la légalité. Cependant, la jurisprudence et le Législateur ont œuvré en faveur de la reconnaissance - sous des critères bien précis - d'un droit de désobéissance face à l'éventuelle injonction d'exécution d'ordres illégaux. [...]
[...] La relative indépendance de fait du fonctionnaire par rapport à sa hiérarchie Il faut obéir aux Princes lentement selon Pierre Jeannin, président du Parlement de Bourgogne qui, en 1572 avait demandé aux émissaires du roi un ordre écrit pour organiser les massacres de la Saint Barthélemy. L'ordre arrivant 2 mois plus tard, les exécutions de Protestants n'étaient plus à l'ordre du jour Malgré le principe hiérarchique, le fonctionnaire demeure en effet indépendant. Il a toute latitude pour faire connaître à sa hiérarchie son opinion sur l'ordre reçu ou la décision prise, pour attirer l'attention sur les conséquences néfastes qu'ils pourraient entraîner. [...]
[...] -René CHAPUS, "Droit administratif général" tome Domat droit public, éditions Montchrestien. -Grands arrêts de la Juridiction administrative, éditions Daloz - arrêt Papon de 2002. -Marc-Olivier BARUCH, "Servir l'Etat français. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture