Un proverbe indien énonce « Trompe moi sur le prix, mais ne me trompe pas sur la marchandise ». Cette citation pourtant lourde de bon sens ne s'illustre cependant pas en droit moderne français où le prix, élément essentiel de toute vente, reste un point sensible et source de conflits. Une surestimation déplairait à l'acheteur, une sous-estimation au vendeur… tout se joue sur la recherche d'un équilibre autour du « juste prix »… cependant, les déséquilibres sont-ils tous source de nullité ?
Selon l'article 1582 du code civil, « la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, l'autre à la payer ». Ainsi, le législateur s'attache aux obligations essentielles et réciproques des parties telles que le prix. Cet élément devient donc une caractéristique indissociable de tout contrat de vente ; cependant, si le principe du consensualisme régit aujourd'hui la conclusion d'une convention, le prix défini par les parties est cependant aménagé par la Justice : celui-ci doit être déterminé, réel et sérieux. La vente sans prix, longtemps fermement censurée par la jurisprudence, connaît aujourd'hui une plus grande souplesse et reste admise sous certaines conditions. Cependant, lorsque les parties déterminent ce prix, sont-elles totalement libres dans ce choix ? Jusqu'où va le pouvoir des juges face à la volonté des parties ?
[...] Si cette dernière solution avait été retenue, la vente aurait pu être annulée ou les juges auraient pu proposer au vendeur, s'il souhaitait conserver l'objet, de payer la différence de la somme restante. On peut donc remarquer ici que les juges ont une approche mixte : d'un côté, ils se fondent sur des éléments objectifs pour constater en effet que le prix est particulièrement faible par rapport à l'objet du contrat mais dans un second temps, ils sont seuls à apprécier si ce prix peut être qualifié de dérisoire : dans certains cas, comme on l'a dit, ils pourront se baser sur des éléments de fait particuliers qui viennent encadrer la vente et s'ajoutent aux obligations de l'acheteur, mais en l'espèce, difficile de justifier objectivement un prix si peu élevé pour un bijou de qualité. [...]
[...] On peut ainsi dire que la vente est parfaite au sens de la loi : les parties ont pu librement échanger leurs consentements sur les modalités de la vente. Les juges ont admis la validité de cette convention : cependant, le contrat aurait pu être annulé du fait du déséquilibre manifeste entre la valeur vénale et la valeur économique du bien : la raison étant moins l'erreur de l'affichage que les conséquences que cette erreur a entraînées. Cependant, ce déséquilibre manifeste ne produit pas systématiquement la nullité de la convention : il faut pour cela, comme précité, que le prix payé revête un caractère dérisoire : or cette qualification est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond. [...]
[...] y a-t-il eu une sous-estimation non intentionnelle de la chose ? De cette réponse dépendra la validité de la vente. Si le prix versé revient à une absence de prix par son extrême faiblesse, la vente sera nulle pour absence de cause. La notion de cause apparaît donc ici par la négative, à travers la contestation. Une même vente, dont le prix est bas, mais pas jugé dérisoire par les juges, serait valide : la cause se confond alors dans l'objet même du contrat de vente ; à savoir le versement d'un prix préalablement convenu. [...]
[...] L'erreur commise par le magasin lors de l'étiquetage de la bague semble ici inexcusable et ne saurait porter préjudice à un acheteur qui, faisant confiance au prix indiqué par le professionnel, n'a commis aucune faute en se portant acquéreur de l'objet au prix indiqué. La cause du contrat, résultant dans l'obligation réciproque des parties, est ici valablement présente. Le vendeur, pendant les tractations de la vente, aurait pu librement relever cette erreur de prix : les discussions qui auraient suivi auraient alors abouti librement à un accord entre les parties pour conclure cette vente en de justes termes ou au contraire, auraient pu empêcher la conclusion de la vente, l'acheteur n'étant plus intéressé par le prix réel de la chose. [...]
[...] Pour le caractère sérieux du prix, il s'agit d'une appréciation objective : la valeur de la chose appréciée par les parties, objet du contrat, est fixée à une valeur largement inférieure à la réalité du marché. Cependant, toutes les ventes conclues à des prix faibles ne sont pas pour autant annulées, car les parties conservent leur liberté. Les juges doivent alors trouver un équilibre entre la volonté des parties et leur liberté dans la fixation des termes de leur convention, et le caractère dérisoire d'un prix susceptible de camoufler une donation ou une erreur : un prix dérisoire est alors assimilé à une absence de prix et conduit donc à une nullité absolue de la vente pour absence de cause. [...]
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