Nous nous concentrerons ici sur les dispositions de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 concernant les dissolutions du lien matrimonial, au sens où nous nous attacherons à étudier la question de la répudiation.
En droit musulman, il existe trois types de répudiations : le talâk, répudiation unilatérale et discrétionnaire par le mari de son épouse ; le khol', répudiation obtenue par la femme moyennant versement d'une compensation au mari ; et le tatlîk, répudiation prononcée par le juge, à la demande de la femme en cas de sévices, défaut d'entretien…
En pratique, le talâk est la forme de répudiation la plus fréquente ; et c'est elle qui pose le plus de problème d'articulation avec notre droit, au sens où le khol' pourrait être rapproché de notre divorce par consentement mutuel et le tatlîk à un divorce pour faute.
Nous consacrerons notre étude au talâk, mode de dissolution du lien matrimonial unilatéral et discrétionnaire, à la disposition du mari.
C'est une institution musulmane non reconnue en droit français.
[...] En effet, la jurisprudence était plutôt hostile à une institution inconnue du droit français laïc. La Cour de cassation a bouleversé cette vision des choses par son arrêt Rhobi par lequel elle réserve un accueil favorable aux répudiations Cet arrêt a été un moment suivi par le développement d'une position jurisprudentielle favorable à cette institution, mouvement d'ouverture permis par une conception atténuée de l'ordre public Accueil favorable avant l'heure : l'arrêt Rhobi L'arrêt Rhobi de la Cour de cassation du 3 novembre 1983 pose comme principe que : n'est pas contraire à l'ordre public français une répudiation prononcée à l'étranger dès lors que le statut personnel commun des époux, s'il fait de la répudiation un mode de dissolution du mariage laissé à la discrétion du mari, en tempère les effets par les garanties pécuniaires qu'il accorde à la femme Autrement dit, la Cour de cassation accepte de reconnaître les répudiations comme non contraire à l'ordre public, sous réserve de garanties pécuniaires. [...]
[...] Il faut noter que la France et le Maroc ont signé un accord bilatéral pour régler les problèmes relatifs au statut des personnes et de la famille et permettant une coopération judiciaire : la Convention franco-marocaine du 10 août 1981. Cette convention avait été précédée d'une autre Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, Convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc. Ces deux Conventions attestent de la volonté de ces deux Etats de faciliter les rapports juridiques entre eux et leurs ressortissants respectifs ; elles ont pour but de faciliter la reconnaissance des jugements des juridictions de chaque Etat signataire, par celles de l'autre Etat partie. [...]
[...] Elle applique cette théorie scrupuleusement et considère que les répudiations doivent être reconnues sans être déclarées contraires à l'ordre public au sens du droit international privé français La Cour de cassation se montre donc très tolérante vis-à-vis des répudiations et applique la Convention comme engagement de la France, sans égard particulier pour l'ordre public français. Cependant, cette reconnaissance stricte et systématique des répudiations marocaines a été fortement critiquée par la doctrine ; notamment par Madame Monéger qui soulève à juste titre un important problème : par la répudiation et grâce à sa reconnaissance en France, le mari se débarrassait ainsi à bon compte de son épouse qui avait de bonnes chances de rester à la charge de la collectivité française. La tolérance devait- elle aller jusque-là ? [...]
[...] Quant à l'exception d'ordre public, s'agissant d'actes acquis à l'étranger, cet ordre public ne s'oppose pas notamment à la reconnaissance d'une répudiation acceptée qui est assimilée à un divorce par consentement mutuel désormais prévu par la loi française. Mais, comment savoir si la répudiation a été acceptée par la femme lorsqu'il s'agit d'une répudiation à l'encontre d'une Française ? Le fait que celle - ci demande la reconnaissance ou l'exequatur de l'acte fait présumer son acceptation et c'est ce qui explique la lettre de l'article 13 alinéa 2 de la Convention de 10 août 1981. [...]
[...] Respect de l'ordre public européen La Cour de cassation, par son arrêt du 1er juin 1994, sonne le glas de la reconnaissance des répudiations. En effet, elle décide que contredit l'ordre public international une répudiation intervenue, au cours d'une instance de divorce en France, au Maroc hors la présence de l'épouse non appelée à la procédure, dès lors que, selon la combinaison des articles 13, al. 1er de la Convention franco- marocaine du 10 août 1981 et 16b de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, les décisions marocaines constatant ou prononçant la dissolution du lien conjugal ne produisent effet que si la partie défenderesse a été légalement citée ou représentée et que, selon l'article 5 du Protocole du 22 novembre 1984, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les époux jouissent de l'égalité des droits et des responsabilités quant à la dissolution du mariage La Cour de cassation, dans cet arrêt, refuse de reconnaître une répudiation sur deux fondements essentiels : le non respect de l'ordre public procédural, suivant en cela sa jurisprudence antérieure, et le non respect de l'ordre public européen, innovant sur ce point. [...]
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