Dans son Vocabulaire Juridique, Gérard Cornu, l'un des rédacteurs du Nouveau Code de Procédure Civile de 1976, confère à l'autorité de la chose jugée « force de vérité légale ». À l'en croire donc, le jugement est source de vérité pour tous.
Cette présomption légale se vérifie à l'article 1151 du Code Civil en vertu duquel il est interdit aux parties de recommencer le procès à propos duquel la vérité a déjà été levée.
Si telle est la définition positive de l'autorité de la chose jugée, il est néanmoins possible d'en faire une lecture négative à partir de l'article 1151 du Code Civil toujours, qui interdit cette fois aux parties, sous peine de se heurter à une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, d'ester une seconde fois en justice lorsqu'il existe une triple identité de parties, d'objet et de cause entre les deux instances. Après maints débats sur sa définition et sa portée, la jurisprudence la plus récente a revisité de manière très large cette dernière condition d'identité de cause.
[...] B Une extension difficilement admissible : le principe de concentration des demandes. La jurisprudence, toujours elle, a eu l'occasion de faire migrer cette obligation de concentration des moyens vers une obligation de concentration des demandes. Si la première reste acceptable, la seconde est en revanche problématique et peut aisément se comparer à une dérive. Le justiciable, demandeur comme défendeur, se voyait en pareil cas reprocher de n'avoir pas songé à formuler une autre demande lors du procès initial (par le biais d'une demande incidente par exemple). [...]
[...] Dès lors, il conviendra de se demander quelle nouvelle image de la procédure civile le principe de la concentration des moyens propose. Plus largement, il s'agira ici d'étudier comment l'exigence de la concentration des moyens, aussi claire soit-elle, semble à même de faire sortir la procédure civile de son lit d'origine. Afin d'y répondre, il conviendra de constater d'abord que le principe de la concentration des moyens suppose une redéfinition de l'autorité de la chose jugée Ensuite, il importera de s'interroger sur ce nouvel idéal de la procédure civile que porte le principe de la concentration des moyens (II). [...]
[...] Ceci se perçoit de deux manières. D'abord, l'on note que dans l'ensemble des arrêts qu'elle rend dès et après 2006, la Cour de cassation a recours à la notion de temps utile pour insister sur l'aspect temporel de cette obligation de concentration des moyens : ceux-ci doivent être présentés au cours de la première séance, pas plus tard. En oublier un revient à le sacrifier définitivement : il ne pourra pas en effet être allégué au soutien d'une nouvelle demande portant sur les mêmes faits. [...]
[...] Après maints débats sur sa définition et sa portée, la jurisprudence la plus récente a revisité de manière très large cette dernière condition d'identité de cause. Ainsi de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation qui, dans le désormais fameux arrêt Cesareo du 7 mai 2006, a finalement exigé du justiciable qu'il présente, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'il estimait de nature à fonder sa demande en droit. À défaut, si un nouveau moyen de droit venait à être soulevé au cours d'une nouvelle instance celui-ci se heurterait immanquablement à l'autorité de la chose jugée. [...]
[...] C'est ainsi que le 3 juin 1994, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré que le justiciable qui invoquait un nouveau moyen de droit au soutien des mêmes faits que ceux d'un précédent procès était recevable à agir en justice. En l'espèce, puisque les faits allégués par la partie n'étaient pas pareillement qualifiés, l'idée d'un nouveau procès était possible. Mais depuis 2006, la Cour de cassation adopte une conception extensive de l'autorité de la chose jugée, qu'elle exprime à travers le principe de concentration des moyens. Désormais, et en vertu de ce nouveau principe, les parties se voient obligées de circonscrire leurs moyens de droit au sein d'une même procédure. [...]
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