« Tout mariage suscite des problèmes pécuniaires, en troupe nombreuse » (A. Colomer). En effet, avant le mariage, chacun des époux administre et dispose d'un patrimoine qui lui est propre. Mais, au moment du mariage, il va falloir « composer » avec ces deux patrimoines distincts et les faire coexister avec un patrimoine commun, qui sera employé dans l'unique intérêt du ménage. Ainsi, concernant le régime de la communauté légale, réglementé par les articles 1400 et suivants du Code civil, le législateur a souhaité opérer une distinction entre les biens communs et les biens propres des époux. Les biens communs sont les acquêts de communauté et sont définis à l'article 1401 du Code civil. Ceux-ci sont faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et qui proviennent « tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ». Ces biens communs sont par exemple les gains et salaires de chaque époux. Par ailleurs, les règles de la communauté légale tracent également les contours des biens propres, qui le sont notamment à raison de leur origine, comme les biens dont l'époux avait la propriété avant le mariage (article 1405 du Code civil), ou à raison de leur nature, comme les vêtements et linges à usage personnel de l'un des époux (article 1404 du Code civil). Une fois la distinction entre biens communs et propres faite, il se pose alors le problème de la gestion de ces biens, et donc de l'attribution des pouvoirs entre les époux mariés sous le régime de la communauté. Au cours du mariage, des actes d'administration et de disposition vont être accomplis tant sur les biens communs que sur les biens propres, et il est nécessaire de connaître la répartition des pouvoirs entre les époux. C'est le Code civil qui pallie à cette difficulté. En ce qui concerne les biens communs, l'article 1421 pose le principe de la gestion concurrente des époux : chacun a le pouvoir d'administrer et de disposer des biens communs. Néanmoins, l'article 1421 émet deux réserves : les actes qui relèvent de l'exercice d'une profession séparée par un époux relèvent de son pouvoir exclusif, et certains actes sont soumis à la cogestion des époux (articles 1422 à 1425 du Code civil). En revanche, en ce qui concerne les biens propres, l'article 1428 du Code civil consacre une indépendance de gestion en disposant que « chaque époux a l'administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement ». Autrement dit, l'époux a un pouvoir exclusif sur ses propres.
D'autres précisions quant à la gestion des biens sont apportées par les dispositions des articles 212 à 226 du Code civil relatives au régime primaire, ou statut impératif de base, qui est d'ordre public et s'applique quel que soit le régime matrimonial. Ainsi, par exemple, concernant les gains et salaires, l'article 223 du code civil prévoit que l'époux peut les percevoir et en disposer librement après s'être acquitté de sa part dans les charges du mariage. A priori, la gestion des biens par les époux telle que réglementée ne devrait pas soulever d'importantes difficultés. Cependant, il peut arriver qu'une crise affecte la communauté, et remette en cause la gestion des biens communs, mais aussi celle des biens personnels. En effet, un époux peut être hors d'état de manifester sa volonté, et ainsi de déterminer la politique de gestion des biens communs ou de ses propres, par exemple s'il est éloigné du logement familial. De même, il peut se trouver dans l'incapacité technique de gérer un bien commun, comme un fonds de commerce. Pour résoudre les difficultés liées à ces situations de fait, le Code civil a instauré des dispositions permettant à un époux de demander des mesures judiciaires. Ces mesures vont alors modifier la répartition des pouvoirs sur les biens des époux, au détriment du conjoint empêché. Celles-ci sont réglementées à l'article 219 du Code civil pour le régime primaire, et aux articles 1426 et 1429 du Code civil pour le régime de la communauté légale. A la lettre de ces articles, on observe qu'il existe des similitudes mais aussi des divergences entre ces trois mesures judiciaires, que sont respectivement la représentation judiciaire, la substitution, et le dessaisissement du conjoint défaillant. Quoiqu'il en soit, ces trois mesures poursuivent le même but : réorganiser par voie judiciaire l'attribution des pouvoirs des époux sur les biens tant communs que propres, lorsque l'empêchement ou la défaillance de l'autre époux en affecte la gestion.
Comment le Code civil en ses articles 219, 1426 et 1429 prévoit-il cette réorganisation par voie judiciaire des pouvoirs de gestion des époux sur les biens communs ou propres, en cas d'empêchement de l'un d'entre eux ?
Afin de tracer les contours de cette nouvelle organisation, qui ne sera jamais définitive, il convient d'étudier comparativement le domaine des trois mesures (I), puis d'en déterminer les effets (II).
[...] Néanmoins, l'article 1421 émet deux réserves : les actes qui relèvent de l'exercice d'une profession séparée par un époux relèvent de son pouvoir exclusif, et certains actes sont soumis à la cogestion des époux (articles 1422 à 1425 du Code civil). En revanche, en ce qui concerne les biens propres, l'article 1428 du Code civil consacre une indépendance de gestion en disposant que chaque époux a l'administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement Autrement dit, l'époux a un pouvoir exclusif sur ses propres. [...]
[...] Il pourra s'agir par exemple d'une inaptitude à gérer un fonds de commerce, ou encore un portefeuille de valeurs mobilières, par manque de connaissances techniques qui aboutiront à des maladresses de la part de l'époux. La fraude, quant à elle, suppose la malhonnêteté, et plus précisément l'intention de nuire. Dans une telle hypothèse, l'époux est cette fois compétent et accomplit des actes nocifs pour l'intérêt de la communauté. Par exemple, il y a fraude lorsqu'un époux détourne des biens communs dans son intérêt personnel, et ainsi au détriment de la communauté. [...]
[...] L'article 1429 du Code civil envisage enfin d'autres situations de fait : la mise en péril par l'époux des intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu'il en retire Il n'y a pas dans cet article de référence à l'inaptitude ou la fraude. Pour certains auteurs, comme F. Terré et P. Simler, les articles 1426 et 1429 du Code civil suivent la même inspiration. Ainsi, ils viseraient tous deux des comportements non nécessairement fautifs, à savoir l'inaptitude et le fait de laisser dépérir, et d'autres comportements qui sont fautifs, c'est-à-dire la fraude et la dissipation ou détournement. Pour d'autres auteurs, comme J. Flour et G. [...]
[...] Pour certains auteurs comme A. Colomer, il est tout à fait envisageable que le mécanisme de représentation permette à l'époux habilité de valider un tel acte en son nom et en celui de son conjoint. Mais d'autres auteurs majoritaires émettent une réserve sur ce point et préfèrent se rallier au droit positif traditionnel tel qu'il résulte du texte de 1942, et qui tend plutôt à l'application de l'article 217 du Code civil, qui exige une autorisation judiciaire. L'article 1426 du Code civil ne prévoit pas de mécanisme de représentation ; en vertu de cet article, un époux peut demander en justice à être substitué à son conjoint dans l'exercice de ses pouvoirs. [...]
[...] Il appartiendra au juge de déterminer les actes soumis à la représentation : soit il décidera de cette représentation pour certains actes déterminés comme les actes d'administration, soit il décidera d'un mécanisme de représentation générale, englobant tous les actes pouvant être faits sur les biens, ou certains biens. Autant dire que cet article offre de multiples possibilités de demandes à l'époux et de décisions au juge, qui peuvent conduire ce dernier à décider par exemple d'autoriser un époux de vendre un bien propre de l'époux hors d'état de manifester sa volonté. Il s'impose logiquement néanmoins que les actes soient faits dans l'intérêt du ménage. L'article 1426 du Code civil ne fait pas non plus de distinction entre les actes d'administration et de disposition. [...]
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